Le Dr fait son infirmière…

Toujours extrait du blog de Dr Kpote, et avec son autorisation. Rappelons que celui qui se cache sous ce pseudo est un animateur de prévention pour une association; il intervient sur les thématiques de la sexualité et des conduites addictives auprès d’adolescents.

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[…]

J’ai des classes de filles ce matin, des « CAP petite enfance » et des carrières sanitaires et sociales. Dans ce lycée, il n’y a plus d’infirmières. C’est trop mal payé… Et pourtant, les infirmières scolaires ont plus d’utilité qu’un trader : elles font de l’accompagnement affectif et social, elles donnent des cours d’anatomie, elles pansent les plaies du cœur, elles diffusent de l’info, de la capote, de la contraception d’urgence, elles orientent sur le centre de planification, elles signalent, rencontrent, dérangent parfois et au final, arrangent toujours… Elles donnent dans l’humain, pas dans le G20. Et tout ça pour 1300 euros par mois environ. Et oui, sache le, toi le cadre sup. de mes roubignolles : pendant que tu fais suer le prolétariat, ta fille avale du Norlevo au lycée en s’épanchant sur ton absence, tes priorités professionnelles, tout en vomissant ton goût du pognon qui tue tout le reste.
Les infirmières sont des véritables boites à sondage de l’adolescence, une sorte d’IPSOS du « djeuns » version terrain en continu. Les études sur les ados, ce n’est pas la peine de les commander aux sociologues de télévision : la température de la jeunesse, elles la connaissent par cœur. Mieux, quand la fièvre commence à monter dans les banlieues, elles l’anticipent. Tiens, au passage, je propose que nous dissolvions les CRS pour les remplacer par des Compagnies Républicaines d’Infirmières.

Les infirmières sont aussi mes anges gardiens dans les lycées. Leur bureau est souvent excentré par soucis de confidentialité. Là, entre deux Doliprane et une serviette hygiénique demandée comme si on dealait de la poudre en face du poulailler, elles me proposent un café, m’accompagne à la cantine (alors que ça fait des années qu’elle ne la fréquente plus), disserte avec moi sur cette jeunesse inquiète que nous côtoyons au quotidien.

Mais d’infirmière à Achères, il n’y en avait point. Alors, les filles m’ont attendu à la fin de l’animation parce que taper étoile sur un numéro vert, ça ne remplace pas la chaleur humaine, le conseil les yeux dans les yeux. Du coup, j’ai fait des heures sup’. J’ai suppléé au vide social de notre chère République bananière qui se dépense au Fouquet’s. Les filles avaient plein de questions sur les tests de grossesse, la contraception et l’IVG. Certaines n’étaient plus très loin de la correctionnelle et je les ai envoyés illico presto au planning familial pour la prise de sang qui s’imposait… Le sida, ce n’était pas la priorité. On était dans l’angoisse du ventre, les veilles de baffes paternelles qui envoient direct à la case foyer, le dos du mec « qui aurait pu être un papa si craquant » qui s’éloigne…
N’ayant fait que 3 jours de médecine, je me suis abstenu de poser des diagnostics. En gros, je n’ai pas fait mon doctissimo.fr, les hypocondriaques étant déjà suffisamment nombreuses. J’ai juste rassuré et surtout orienté. Il faut dire qu’on a la grossesse crânienne un rien nerveuse à 15 ou 16 ans. Et de l’inconscient à l’utérus, il n’y a qu’un pas, qu’un spermatozoïde peut franchir la flagelle bandée.
Elles le savent les filles, qu’à 15 ou 16 ans, elles sont au top de l’hormone, au meilleur de l’ovulation, open à tout ce qui passe et pourtant, elles ont le cupidon collé aux nichons, le bon sentiment qui érode la mémoire, l’amour qui éblouit la prévention. Mais une fois les « oh oui » du soir métamorphosés en « oh non » du matin, il ne reste que les yeux pour pleurer, l’estomac pour se nouer, l’angoisse qui ronge les ongles et la life.

Elle a 15 ans justement et d’un sourire un rien crispé, elle témoigne :

– Avec mon copain, on avait envie de le garder. Mais mon daron, il a laissé entendre que si ça m’arrivait, je pouvais prendre la porte…
– Tu lui as dit, donc.
– Non, non mais on a testé dans une discussion. Faut dire que ma sœur s’est retrouvée mère à 14 ans ½…
– Et ta sœur, ça va. Elle a l’air heureuse.
– Non, elle est seule et elle en prend plein la gueule de toute la famille…
– C’est bien que ton copain ait pris position sur cette histoire de grossesse.
– Ouais, grave.
– Mais tu as l’exemple de ta sœur… C’est jeune 15 ans… T’as pas envie de finir ton CAP avant ?
– Si, si, mais… Vous avez l’adresse du planning ?
Franchement, elle n’arrivait pas trop à situer le nombre de semaines de grossesse, voir même à se situer tout court. C’est difficile à prendre ce type de décision quand on aime et qu’on a la vie devant soi. J’ai croisé les doigts pour qu’elle ne soit pas hors délai…
Des infirmières, on aimerait qu’il y en ait deux par établissements. Et bien payées SVP, pour services rendus à la Nation. Il paraît que Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, et Luc Chatel, ministre de l’Éducation, vont présenter le plan santé scolaire, lundi 15 novembre. [ NRLR: ce texte date de novembre 2010] Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu’on va avoir encore mal au cul…
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Léon
Léon
26 mai 2011 7 h 58 min

Il n’y avait pas dans le temps une série télévisée qui s’appelait « pause-café » ? Impossible de me rappeler si l’héroïne était une infirmière scolaire. Quelqu’un s’en souvient-il ?
Oui, ces infirmières comme quelques autres adultes, en plus des profs, sont indispensables dans les écoles.
Encore un texte émouvant sur ces ados si compliqués et fragiles. Bravo à l’auteur.

yohan
yohan
26 mai 2011 11 h 39 min
Reply to  Léon

Non, c’était une assistante sociale. Cette série a d’ailleurs contribué à l’orientation d’un pote qui exerce maintenant ce même métier.

Castor
Membre
Castor
26 mai 2011 8 h 29 min

si fait : c’est là

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
26 mai 2011 10 h 06 min

Souvenirs de classes de filles.On est resté plusieurs années sans infirmière.
Prof d’EFS , CPE et mézigue on veillait au grain.
La difficulté était de faire admettre à la hiérarchie et aux collègue que cette transgression là était bien plus positive que celles de la fumette ou de la canette .
Des collègues j’en avais qui parlaiznt conseil de discipline pour un bécot dans la cour mais qui ricanaient quand certains internes rentraient ivres morts le mercredi soir.

Lapa
Administrateur
Lapa
26 mai 2011 10 h 19 min

Je trouve que de plus en plus l’EN est quémandée pour se substituer aux relations familiales et au rôle de parent. L’exemple de l’infirmière « avorteuse » avec des gamines de 15 ans est en soit sidérant; qui essaie de combler un manque patent de relation parent-enfant. On a vraiment l’impression que nos gamins sont lâchés à 12 ans dans un monde où ils doivent se démerder seuls en bon petits consommateurs un monde totalement immoral d’ailleurs (éloge de la paresse, de la jouissance sans fin, de la consommation, de la compétition individuelle…etc…); généralement à cet âge là, leur parents ont divorcé, entre les mères qui essaient de se la jouer copine avec leur fille et les beaux pères qui s’en foutent (puisqu’ils ne sont là principalement que pour tirer la mère), il leur reste quoi aux gamins comme modèles? Nos icônes sociétales totalement bidons et tournées vers « l’entertainment », je ne parle même pas d’internet… bref… tout ça pour dire que dans une société où le gamin peut avoir une carte bancaire à 12 ans, les adultes ont un peu trop tendance à refuser leur rôle d’éducateur (bah c’est pas un métier ça? j’ai pas le diplôme hein!) dans les périodes cruciales de leurs enfants. Même si la pression sociétale est très forte, bordel à 14-15-16 ans on reste des enfants en train de se construire et se former.

Après on se retrouve avec des gamins attardés à 25-30 ans qui ont encore des peluches et un comportement de gosse…

Le refus de la responsabilité de parent me sidère. Il n’y a pas à dire, quand la cellule familiale est touchée, c’est la société qui va mal.

Castor
Membre
Castor
26 mai 2011 11 h 27 min

Je suis assez sidéré par le ton de cet intervenant.
« cadre sup de mes roubignolles » « faisant suer le prolétariat », je trouve que ça sent le con descendant à peine de son piédestal.
De mémoire de mi-vieux, je crois me souvenir que l’on pouvait, de mon temps, louer le travail des uns sans chier sur les autres.

Léon
Léon
26 mai 2011 12 h 59 min
Reply to  Castor

Il a le droit d’être en colère de constater qu’un parent sacrifie sa fille à sa réussite professionnelle. Il y a quelque chose qui vous gêne, là, Castor?
Yohan : les cadres sup payés à faire suer le prolétariat, un cliché périmé ? vraiment ?

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
26 mai 2011 13 h 21 min
Reply to  Castor

Non Castor tu as tout faux , il ne s’agit pas de stigmatiser une couche sociale dans une optique de condamnation de son rôle dans la lutte des classes.

Pour l’avoir vu et vérifié. La surveillance, intérêt , contrôle, des parents pour la vie de nos(leurs) enfants n’est pas proportionnelle à la qualification , niveau culturel, compétence et moyens financiers .
Cette article met le doigt sur la véritable situation d’abandon de certains enfants.( même de milieu aisé)
Les enfants de familles aisées au niveau culturel et économique incontestable ne sont pas épargnés par ce qu’on pourrait croire réservé aux plus démunis.
Ce n’est pas un paradoxe mais la situation des femmes de ces familles connaissent les mêmes incongruités .

Pour ce qui est des clichés( selon Yohan) avant d’en sortir il faudrait , et c’est urgent , veiller à ne plus les faire perdurer.
J’aimerais bien connaitre ce que tu entends par enfermement moralisateur , cela t’a un de ces parfums de libéral décomplexé comme on en respire au Fouquet’s

Lapa
Administrateur
Lapa
26 mai 2011 13 h 37 min
Reply to  D. Furtif

je me permets d’émettre un doute sur la connaissance de l’auteur du cadre sup’.

Le cadre sup’ comme on dit est très très rare, surtout avant 40 ou 45 ans. Ce qui me fait dire que soit l’auteur bosse dans un lycée huppé où la concentration d’enfants cadre sup est supérieure à 1 pour 1000, soit il fantasme un peu sur le méchant cadre, qui reste toute sa vie au taf pour faire chier les autres. Sans se rendre compte que ce cadre n’a rien d’un cadre sup’ (statut et salaires…) et qui n’a rien à voir avec les nouveaux riches non plus.
S’il y a bien une place de merde dans l’entreprise actuellement, c’est bien celle dite de cadre, qu’on imagine loyaux avec la direction et en accord avec la politique de l’entreprise pour se farcir les sous fifres. Niveau exploitation par l’entreprise, en réalité c’est plutôt du pas mal. Coincé entre deux feux (la direction et ses décisions parfois ahurissantes, et la base qu’il doit manager et où il doit faire appliquer des décisions qui ne viennent pas de lui…)

Résistance et consentement des cadres au travail

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
26 mai 2011 13 h 53 min
Reply to  Lapa

Réponse que je qualifierais de technique de Lapa qui ne vient pas contredire à mes yeux mon commentaire au-dessus.
L’investissement maximum dans l’entreprise se fait au prix d’une absence ailleurs, à la maison.

Léon
Léon
26 mai 2011 14 h 27 min
Reply to  Lapa

Il faudra lui poser la question, s’il vient voir sur Disons, mais je ne crois pas qu’il faisait allusion précisément à ce qu’il avait rencontré dans ce lycée-là. Je crois plutôt à procédé littéraire puisque le début de sa phrase parle des infirmières en général. C’est un coup de gueule que je comprends, celui du décalage irréel entre l’utilité sociale d’un métier et la manière dont il est rémunéré. Quiconque a été malade et hospitalisé me comprendra.

Castor
Membre
Castor
26 mai 2011 17 h 01 min
Reply to  D. Furtif

Je ne vois pas bien ce qui, dans mon commentaire, me vaut la remarque « tu as tout faux » (en gras).
Je dirais même que je suis en parfait accord avec cette remarque relative au niveau d’investissement sans aucun lien avec l’élévation dans les couches sociales.
Pour l’avoir expérimenté tout récemment, je dirais que bon nombre des parents aisés démissionnent de manière extrêmement coupable de leur rôle de parents (entendre un élève de 2nde balancer au prof « fermez-la, ce sont mes parents qui payent votre salaire » est au moins aussi sidérant que d’entendre un simple « nique ta mère enculé », les excuses sociales en moins).
Mais de là à balancer gratuitement cette charge que j’estime incongrue, il y a une marge.
Quand on critique la stigmatisation dans un sens, on se doit de ne pas l’utiliser dans l’autre sens, tel était le sens de ma remarque.

Castor
Membre
Castor
26 mai 2011 17 h 02 min
Reply to  Castor

Et la réponse de Lapa, pour « technique » qu’elle soit, me convient parfaitement.

yohan
yohan
26 mai 2011 11 h 45 min

Oui Castor, je trouve aussi la charge outrançière. Il est temps de sortir des clichés périmés sur les cadres sup qui feraient suer le prolétariat et sur les bons prolétaires qui se tuent au boulot pour la gloire et le don de soi. Ces clichés ont la vie dure, et en les colportant, on ne rend pas service aux jeunes car on freine leur ambition, en leur disant ce qu’il est bon de faire dans la vie et son contraire. Je vois trop d’éducateurs qui vivent dans un certain enfermement moralisateur. Il faudrait qu’ils aillent plus dans les entreprises, et que les cadres sup aillent eux aussi plus souvent voir ce qui se passe à la mine.

Dr kpote
Dr kpote
26 mai 2011 14 h 22 min

Oh la la… Ne vous énervez point sur la petite attaque du cadre sup’… Ce texte a été amputé de son introduction. Il y était question en pleine bataille pour les retraites, d’une vague sensation d’avoir été berné. Je vous livre l’intro ici :

« Bon, les banderoles sont pliées à la cave, les autocollants ont laissé des traces rondes ou carrées sur les cuirs de manif, la CFDT est partie faire le tapin au MEDEF et on a tous mal au cul. Comme il faut mettre un peu de margarine dans les épinards, on laborieuse à nouveau et le soir, on décongèle les Morteau (ben ouais, j’aime bien la Morteau) qu’on s’était mis de côté pour les jours sans. Octobre s’est paré de noir, pour mieux porter le deuil de nos illusions, si tenté qu’il nous en restait un chouia…
Ce matin, dans le RER, je rejoins la cohorte des déportés vers les camps de travail d’un patronat qui a eu la confirmation qu’il pourra nous faire trimer jusqu’à notre dernière boîte de Viagra. Emporté par la foule, je limace, via le RER A, en direction d’Achères dans le Val d’Oise. Achères, c’est beau comme une ville nouvelle en phase de dépucelage au bulldozer, les rues écartées face à la gare routière, sa vulve commerciale offerte aux éjac’ du RER, une cité dortoir qui se vide au petit matin et s’endort le soir… Je suis à la bourre, donc je ne prends pas le temps de visiter. De toute façon, il pleut. »

Juste une petite transgression de travailleur social mal payé et un peu énervé… Maintenant, vous avez le droit de penser que ça fait pas trop la blague. Mon cher castor, bien-sûr, je ne me permet pas de telle fantaisie en animation. On va dire que mon blog me sert un peu de défouloir. Un rien gratuit, parfois. Et alors ? Je ne bosse pas dans un lycée huppé mais principalement sur le 93 bien ghettoïsé (j’y vit aussi d’ailleurs). Je veux bien être un con descendant mais de grâce, ne donnez pas à ce détail une importance qui cacherait la vraie forêt : le manque de plus en plus réel d’infirmières scolaires et plus globalement d’intervenants dans le secteur social-médical… Allez, bonne après-midi.

Léon
Léon
26 mai 2011 14 h 28 min

Oui, finalement, j’aurais du mettre le début aussi.

Dr kpote
Dr kpote
26 mai 2011 15 h 11 min
Reply to  Léon

Oui, sinon on se demande bien ce que vient faire là cette petite attaque, qui semble gratuite et hors contexte. Mais ce n’est pas grave Léon!

Castor
Membre
Castor
26 mai 2011 16 h 55 min
Reply to  Dr kpote

Cher Docteur,
loin de moi l’idée de pinailler sur le fond de l’article avec lequel je suis plutôt en accord.
Mais j’avoue être quelque peu fatigué de ces attaques sans fin contre une partie des salariés de nos entreprises qui, pour être cadre ou cadre sup n’en est pas moins salariée.
Et puis je ne suis pas plus énervé que ça, vous savez. 🙂