Le paludisme pourra-t-il être vaincu au cours de ce siècle ?

Le paludisme ou malaria est une maladie infectieuse des pays humides et chauds due à un parasite du genre plasmodium qui présente d’assez nombreuses variantes dont 5 concernent l’homme.

La maladie, produisant des symptômes plus ou moins graves suivant l’espèce en question ( fièvres récurrentes, spasmes, douleurs articulaires, insuffisances rénales  etc…) cause chaque année entre 1 et 3 millions de morts dans le monde, (un toutes les trente secondes), principalement des enfants de moins de 5 ans et des femmes enceintes.
On sait  depuis 1898, grâce aux travaux de Donald Ross, que c’est la femelle du moustique anophèle ( bouh, qu’il est vilain!) qui transmet le parasite par sa piqûre après avoir préalablement piqué un individu déjà infecté.
Le cycle de vie de cette famille de parasites est très compliqué et c’est la raison technique qui rend la mise au point d’un vaccin très difficile.

Les stratégies de lutte, en attendant un vaccin efficace, se sont donc orientées d’une part vers des médicaments qui empêchaient le parasite de se développer dont les plus connus ont été la quinine et la chloroquine, et des tentatives pour tuer le moustique par des pulvérisations de DDT. Ceci, c’était au lendemain de la 2e guerre. Mais les anophèles ont développé des résistances au DDT et les prescription excessives des médicaments, une résistance du parasite lui-même à ces traitements.

La stratégie, à partir des années 90 a donc changé et s’est orientée d’une part vers la distribution de moustiquaires imbibées d’insecticide, associées à des campagnes de prévention et d’autre part l’utilisation de nouveaux traitements à base d’une molécule extraite d’une plante chinoise, l’artémisinine.

On a constaté des résultats tout à fait exceptionnels : depuis dix ans la mortalité par la paludisme a reculé de 40 % dans le monde, mais les chercheurs sont surpris de constater que ces campagnes de luttes et de prévention n’en sont pas les seules causes ;  ainsi la maladie a aussi reculé, parfois de façon spectaculaire, dans des zones où aucune politique  spécifique n’avait été mise en place. Il se pourrait, cette fois, que le changement climatique y soit pour quelque chose et favorise la disparition du vecteur : en Tanzanie, par exemple, les populations de moustiques anophèles ont diminué de 99 % entre 2003 et 2009 !

Mais pour éradiquer totalement la maladie, les chercheurs se heurtent à un problème : l’extraordinaire capacité d’adaptation de ce moustique.
Des études ont montré, par exemple, qu’en deux ans il devenait résistant à l’insecticide ( la deltaméthrine) qui imprègne ces moustiquaires utilisées dans de la campagne de prévention. Mieux, même il a modifié ses habitudes alimentaires : là où il piquait la nuit et plutôt à l’intérieur des maisons, après l’introduction de ces moustiquaires et la pulvérisation à l’intérieur, d’un autre insecticide, il se mettait à piquer à l’extérieur et le matin au lever du jour, entre 5 et 7 h, lorsque la population partait travailler…

La bataille contre le paludisme est donc loin d’être gagnée, d’autant que si l’on vient de mettre en expérimentation un vaccin très prometteur ( dans lequel la fondation de Bill Gates s’est beaucoup investie ) il ne serait efficace qu’à 50 % ce qui est peu pour un vaccin, dont on attend généralement des taux de protection de l’ordre de 90 %  voire 95 % .

On voit donc que si on peut espérer un net recul de cette maladie, son éradication complète n’est pas encore à l’ordre du jour.

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La source principale de cet article est le dernier numéro de « Sciences au Sud » (n° 61, par encore en ligne), le passionnant magazine de l’IRD , l’article « Paludisme, irréductible moustique ».
À propos du paludisme, on y trouve aussi des explications sur les recherches en matière de pharmacopée à partir de plantes. L’artémisinine, par exemple a été extraite à partir de Artemisia annua, une plante que les Chinois ajoutaient à leur thé pour lutter contre ces fièvres.
Mais l’essentiel de ce dernier numéro est consacré au lac Tchad:  on y apprend, entre autres,  qu’il devrait être théoriquement un lac salé comme la mer morte et que c’est en raison d’une bizarrerie de la nature qu’il ne l’est pas…
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D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
8 novembre 2011 12 h 04 min

J’avais été vivement intéressé par un reportage il y a quelques années portant sur la stratégie de lutte anti moustique dans ta région jusqu’en Camargue. On ne vise plus l’éradication totale qui est une chimère mais la contention des populations de moustique.
Cette nouvelle conduite de la lutte passe par la conservation de la souche ancienne et à sa propagation entretenue régulièrement par les services de santé en concurrence des nouvelles souches mutantes . Cette technique permet de lutter efficacement contre les mutations, véritable fléau qui pousse à une fuite en avant dans la recherche jamais aboutie d’une arme chimique qui se révèle aussi pernicieuse pour l’homme que pour l’insecte.
Le paludisme fut longtemps le fléau intime de notre bassin de civilisation.Il explique la géographie humaine côtière de la Méditerranée de l’antiquité au XVIIIè .Il faudra la force mécanique autorisant le drainage pour le voir reculer.

Léon
Léon
8 novembre 2011 15 h 33 min

Le paludisme n’a pas complètement disparu des régions méditerranéennes : en Corse il y a eu une épidémie aux alentours des années 1973. Un autre truc que j’ai appris dans l’article, c’est que la protection par les moustiquaires imbibées empêchait aussi l’acquisition par une partie des enfants d’une immunité contre ce parasite qu’ils ne pouvaient plus acquérir, si j’ai bien compris, une fois adultes… (La phrase exacte est :« En prévenant les piqûres, les moustiquaires freinent l’acquisition des défenses immunitaires chez les jeunes enfants, entraînant quelques années plus tard une résurgence de l’infection. » )

Causette
Causette
8 novembre 2011 16 h 35 min

225 millions de personnes malades et 781 000 décès en 2009, quelle saloperie!

Pour combattre cette bestiole, il faut donc s’intéresser à ses techniques de chasse.

Wikipedia: En 2002, seuls 10 % des voyageurs français en déplacement dans une zone à risque ont suivi un schéma thérapeutique correct. En 1990, ce pourcentage était d’un tiers : cela explique, en partie, la forte recrudescence des cas de paludisme d’importation (environ 5 000 cas en 1999 et 7 000 en 2000 rapportés par l’Institut de veille sanitaire). La France est un cas atypique en Europe alors, que partout ailleurs, la contamination est stable ou en régression. (il n’y a pas de références)

3 523 espèces de moustiques sont inventoriées au niveau mondial, vecteurs de trois groupes d’agents pathogènes pour l’être humain : Plasmodium, filaires des genres Wuchereria et Brugia, ainsi que de nombreux arbovirus. Y’a du boulot pour les chercheurs et les entomologistes.

Le psychose du chikungunya à Paris.

Causette
Causette
9 novembre 2011 18 h 41 min

D’après cet article, la maladie du sommeil pourrait menacer 40 à 77 millions de personnes.

Avec le réchauffement climatique, certaines maladies se développent: malaria, choléra, fièvre jaune, maladie du sommeil.