Vittorio Giardino est un dessinateur coloriste de BD italien, assez peu connu du grand public français.
Pourtant, dans son pays, il est considéré comme un maître de la B.D.
Fan de son trait (ligne claire) comme de ses intrigues ciselées et de son érotisme subtil, je ne peux que lui reprocher un rythme de production trop espacé. Mais les bons auteurs savent nous mettre au supplice, d’autant que son travail reflète un souci tatillon du détail, sans compter le gros travail d’archive qui se cache derrière ses albums à connotation historique.
Sa dernière livrée date de 2005. Même s’il ne s’agit pas de son meilleur cru, cette Eva Miranda est, comme souvent dans ses oeuvres, diablement sensuelle.
Je suis entré dans l’univers de l’auteur en découvrant par hasard chez un libraire la série Max Fridman, qui comprend cinq titres; l’histoire d’un espion juif français parti à la recherche d’un ami et qui se trouve projeté au coeur des guerres de l’ombre, de Budapest à Barcelone, dans les années 1938.
25 ans pour trouver son point d’orgue, c’est dire si les premiers acheteurs auront dû patienter, ce qui me fut par chance épargné.
Vittorio Giardino est un adepte de la ligne claire… surtout en milieu clair obscur. Réputé pour la finesse de son trait autant que pour son grand souci de la vérité historique, il fait merveille dans l’intrigue touffue. Retracer des faits connus et ceux, plus secrets, des heures sombres de l’histoire contemporaine, en y faisant traverser son héro, plutôt comme témoin que protagoniste, est une recette chère aux grands metteurs en scène. Avec lui, on sort d’une heure de lecture, comme on sort du cinéma…un brin déphasé.
Certains trouveront peut-être dans l’oeuvre de Giardino une filiation fellinienne, comme dans l’album Vacances fatales…
En tout cas, voilà un souci du détail qui l’amène à se choisir des héros torturés pour offrir à son pinceau une palette de noirceur et de tension, donnant du même coup plus d’épaisseur au récit.
Si Max Fridman est une plongée dans les horreurs des guerres de l’ombre, aux prémices du nazisme, Jonas Fink, dépeint la vie d’un jeune tchèque avant la chute du mur de Berlin, une trajectoire qui va de l’enfance à l’âge adulte avec, pour toile de fond, la guerre froide.
« Une histoire de l’autre côté de la frontière, quand la frontière existait encore », écrit Giardino en préambule du premier tome.
Comme souvent en temps de guerre et d’oppression, la vie d’un homme se conjugue entre nécessité d’être acteur de l’évènement et envie d’explorer l’amour, la vie…
En fait, il y a deux Giardino, celui de Max Fridman et de Jonas Fink et celui de Vacances fatales. On voudrait voir, dans ce dernier où, contrairement aux deux autres, tout est luxe et volupté, une sorte de repos du guerrier dessinateur. Erreur fatale… chassez le naturel…
Dans Vacances Fatales, les femmes sont belles, riches, cultivées et « forcément » névrosées et manipulatrices ; et les hommes… cyniques, et souvent manipulables.
Dame ! Le théâtre idyllique de leur quotidien oscille entre villas cossues à Venise, Capri et chalets enneigés… Idyllique… en apparence seulement, car les femelles de Giardino sont aussi glaciales que volages et au final, parfaitement venimeuses pour les imprudents quidams qui s’aventurent sous la dentelle de leurs dessous chics.
Ce Giardino là aime l’Histoire assurément, mais plus sûrement… les Femmes.
Les Disonneurs devraient sans difficulté apprécier ce genre de lecture, surtout, près de la cheminée, en sirotant un vin chaud… ou un bon armagnac.
Lectures :9772
Ca donne envie: sûr qu’à la première occasion je vais m’en payer un. Mais par lequel commencer Yohan ?
J’en avais des centaines , des revues spécialisées et des albums presqu’autant.
Problème de place et de mariage de bibliothèques, j’ai tout donné…
Depuis la multiplication des publications a conduit cet art bien loin de son apogée des 70, l’édition de la BD suit la voie de l’édition en général. On y trouve sur les présentoirs ou en pile à l’entrée des super marchés (la fausse monnaie chasse la bonne) Dans ce fatras j’ai dû laisser disparaitre Druillet…et surtout Bilal . Que sont-ils devenus?
Un travers des auteurs est aussi venu concourir à cette baisse d’intérêt pour la BD actuelle par rapport à la BD grande époque l’incapacité à finir les sagas.
Par exemple
– Les naufragés du temps
– Le vagabond des limbes
pour ne citer que ceux là ont d’abord déçu puis perdus leurs lecteurs.
Depuis?
Depuis un mouvement « intellectualisatoire », Martin Veyron, ou Posy Simmonds ( Tamara Drewe) conduit vers tout autre chose que la bande dessinée
.
Un fervent déçu
Furtif, bien d’accord avec toi.
Toutefois :
– Le Vagabond des limbes (série que j’ai suivi passionnément) il y a qd même eu des dizaines d’albums, je comprends que les auteurs aient pu se lasser… (Valérian, c’était pas mal non plus, dans le genre)
– Gillon, je trouve que son trait est un peu raide et stéréotypé, dommage, car il a l’art de la mise en « scène » (mise en « page » et mise en « case ») et sa petite série La Survivante était assez haletante…
– Bourgeon, enfin : c’est quand même un très grand… tu ne peux pas l’oublier. Les Compagnons du Crépuscule, et surtout Les Passagers du vent : une merveille (quoique d’une grande brutalité…).
Une fervente relectrice (nostalgique) 😉
Ah ! j’avais oublié : Ptiluc et ses Rats (Pacush Blues)… c’est aussi une série BD exceptionnelle.
J’adore Ptiluc. Il y a aussi ses BD sur les cochons.
La foire aux cochons
L’humanité renaît, réincarnée en verrats et en truies. Après les grands dirigeants et intellectuels de ce bas monde, c’est au tour de nos dignitaires ecclésiastiques d’entamer leur nouvelle existence de gorets. Du boudin penseur au jambon béni, décidément tout est bon dans le cochon.
Moi aussi j’adore les bd de Ptiluc
Et comme j’aime bien les oeuvres de Moebius je signale une expo jusqu’au 31 décembre au musée Thomas Henry, ici.
Léon
Pour commencer, je conseillerais « Vacances fatales » puis si on aime: la série Jonas Fink et Max Fridman.
D’accord avec Furtif. Je trouve que foisonnement ne rime pas avec qualité. Il y a de bons dessinateurs mais ce n’est pas suffisant. Trop d’effets de style et le scénario laisse à désirer. Les bonnes BD d’hier reposaient souvent sur un tamdem de qualité, dessinateur et scénariste. Depuis les belles années 70, je n’ai pas souvent acheté de BD nouvelles, à part justement ce Giardino. Restant adepte de la ligne claire, j’ai du mal à entrer dans les nouveaux styles, Bilal excepté.
j’aime bien ce trait. Merci pour la découverte je vais regarder ça 🙂
yep Furtif moi aussi déçu transit de l’éphemere Métal Hurlant, sinon je ne me suis jamais remis de la decouverte du Corto Maltese de h pratt « la ballade de la mer salée » c’était dans pif pfffff je vous parle d »un temps que ….
Merci Yohan, bonne idée ton article : non, je ne connaissais pas Giardino… Faut dire que je suis comme Furtif, plutôt une fana de la BD années 60 et 70 (voire 50) : la BD belge, quoi.
J’ai quand même aimé pas mal d’auteurs des années 80, mais il y en avait trop, déjà, et la plupart ont dû m’échapper (comme Giardino).
Si tu me permets, un léger complément. Je trouve que Tardi est inégalable dans les représentations urbaines, et Manara indépassable en termes d’érotisme et de qualité du trait… et Bilal est… incomparable !
Bonsoir Colre.
Ses premières BD datent du début des années 80.
Je te suis pour tes choix, et j’ajouterais Guido Crepax (Histoires d’O, Valentina)
D’accord sur vos « grands anciens »
Dans les auteurs plus récents et intéressants :
Joann Sfar ( Le chat du rabbin )
Marjane Satrapi son traitement noir & blanc de l’image est très beau.
yep un peu comme Colre Adele blanc-sec plus pour les décors que les personnages , l’un d’entre vous à lu les Simon du Fleuve Auclair je crois les premiers Jéremiah etaient pas mal …