Les danses macabres de José Guadalupe Posada

Ce n’est pas une étude approfondie de l’art mexicain qui m’a mené sur la piste de José Guadalupe Posada (1852-1913), c’est un mail tout ce qu’il y a de plus banal. Le Bellevue Arts Museum m’invitait au vernissage d’une exposition au titre intrigant : José Guadalupe Posada and the mexican penny press.
Malheureusement ce Bellevue est situé dans l’État de Washington, sur la côte Pacifique des USA. Ça fait un peu loin pour aller se goinfrer de petits fours surgelés et de sodas tièdes… Dommage !

Illustrations : José Guadalupe Posada
Source (sauf mention contraire) : The Metropolitan Museum of Art, MET –  New York

 

Source : Trout Gallery, David J. Sellers Collection (détail)
Certains connaissent mon goût pour les arts mineurs, la gravure populaire, les rapprochements hasardeux et les angles tordus. Je n’ai pas pu résister à la tentation et j’ai fait quelques recherches complémentaires… Surtout que ces gravures me rappelaient vaguement quelque chose.
J’ai découvert que José Guadalupe Posada est considéré comme un maître de l’illustration mexicaine, ce dont je ne doute pas un seul instant, vu que je ne connais pas d’autre illustrateur mexicain.
J’ai aussi appris que c’était un graveur militant, ce qui est plutôt banal dans cette profession. A la différence d’un peintre qui produit des oeuvres uniques, le graveur est plus proche de l’artisan qui diffuse ses productions à une clientèle plus nombreuse. D’où peut-être la prédilection des artistes militants pour ces techniques. Pour sa part, José Guadalupe Posada a beaucoup travaillé avec Antonio Vanegas Arroyo, un important éditeur mexicain.
J’ai vite compris que José Guadalupe Posada avait gravé des milliers de plaques : des images de dévotion, des jeux de société, des couvertures de livres pour enfants, des affiches de spectacle et d’innombrables scènes de faits divers (que je garde pour un autre billet). Intéressant certes – il faut bien vivre – mais cela ne m’avançait guère. Ce ne sont pas ces sujets qui me disaient quelque chose.
J’avoue que j’ai été amusé, une fois la traduction exacte trouvée, par cette gravure intitulée Los 41 Maricones :

 

Source : Collection privée

 

Les 41 Pédés. Elles sont ici les pédales, très cool et coquettes. Voilà un titre qui claque bien, camarade ! Longtemps, les révolutionnaires (latinos et autres) ont cultivé un machisme viril (sic). A la décharge de José Guadalupe Posada, ce scandale éclaboussait la bonne société mexicaine. Pourquoi s’en priver ?
C’est en parcourant la collection d’une fondation mexicaine que je compris pourquoi certaines gravures m’étaient si familières. José Guadalupe Posada a inspiré les graphistes de l’entourage du Grateful Dead et il continue à faire le bonheur des tatoueurs ! Ce ne sera pas faire injure à la mémoire de Jerry Garcia et à l’honorable profession des graveurs sur peau que de supputer que leur modèles trouvent leur origine, plutôt du côté de Mexico que du côté de Bâle, plutôt vers 1900 que vers 1526, plutôt chez José Guadalupe Posada que chez Hans Holbein.
Passons à l’essentiel, une sélection de Calaveras (squelettes) en action, la grande spécialité de José Guadalupe Posada, au point d’en avoir fait sa marque de fabrique.
La plupart de ces gravures ont servi à illustrer des feuilles populaires de grand format (comme celle qui suit) ou des vignettes imprimées à l’occasion de la Fête des Morts. Leur datation n’est pas assurée, surtout qu’il y eut des retirages jusque dans les années 30. Pour vaguement fixer les idées, les originaux ont été publiés entre 1880 et 1910.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aucun doute, c’est encore une crêpière ! C’est une malédiction !

Illustrations : José Guadalupe Posada
Source (sauf mention contraire) : The Metropolitan Museum of Art, MET –  New York

Iconographie complémentaire (plusieurs centaines de gravures) :
Collection Andres Blaisten, Mexico
MET, New York
Posada Art Foundation, San Francisco
Fine Art Museums, San Francisco
Viva Mexico (quelques illustrations et une biographie en français)
La Pinacothèque Virtuelle (présentation de l’exposition José Guadalupe Posada and the mexican penny press)
D’autres danses macabres (sur mon blog)

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22 Commentaires
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D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
15 avril 2018 22 h 21 min

Je ne sais plus quel film Bunuel est allé faire au Mexique…
Je sais plus pourquoi le fatras de ma mémoire a rangé sur la même étagère ce film et cette esthétique très curieuse pas du tout menaçante , une expression typiquement mexicaine. Une forme de joie de vivre bien à eux …
En voir une image tous les dix ans peut-être c’est tout ce qui m’a été donné
….
Maintenant j’ai l’occasion et le temps de voir et de comprendre pourquoi mon esprit a classé ces spectres avec Bunuel…
Il y a surement une raison , il n’y a pas de plus mauvaise foi que ma mémoire et pas de plus arbitraire

Lapa
Administrateur
Lapa
16 avril 2018 10 h 14 min

en tout cas ils ont tous la banane!

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
16 avril 2018 10 h 48 min

Et je comprends enfin pourquoi Shawford est si symboliquement attaché au nombre 42;

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
16 avril 2018 11 h 15 min

On peut voir ici que l’homosexualité bénéficiait d’une relative tolérance chez les Mayas
.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Homosexualit%C3%A9_au_Mexique#Les_Mayas
.
Les Aztèques ( Mexicas) , eux ,n l’interdisaient mais en étaient obsédés
..
Mais il faut avant tout considérer que les chrétiens fanatiques espagnols voyaient souvent dans tout étranger sauvages un barbare païen, sodomite…
.
On dirait que la courte période ( 3 ans) franco/belgo/autrichienne ait remis en vigueur ces pratiques culturelles ancestrales forcément honorables forcément respectable comme dirait RENEVE. Le tout nouvel emprereur du Mexique au cours de son voyagez aller n’y tenant plus , dut aller calmer ses impatiences dans un bordel spécial de Madère. Si bien que la pauvre Charlotte dut se contenter des hommages secourables d’ un aide de camp dont elle porta le fruit ( devenu célèbre depuis)
.
.
.
.
Vous pouvez aller lire vous même le texte en français du lien en anglais offert par lavigue.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Homosexualit%C3%A9_au_Mexique#Le_bal_des_quarante_et_un_maricones

Dora
Membre
Dora
16 avril 2018 15 h 24 min
Reply to  D. Furtif

Bonjour Furtif, excepté pour les cérémonies religieuses (sauf chez les moines bouddhistes qui violent une jeune adolescente de 13-14 ans lors d’une pratique tantrique), on pourrait se croire encore aujourd’hui dans les internats de l’église catholique, chez les témoins de Jéhovah ou chez les Bouddhistes des temples isolés où ils enferment encore des jeunes enfants! « Quelques auteurs affirment que ces lois strictes n’étaient pas appliquées dans la pratique et que les homosexuels étaient relativement libres. Ils citent par exemple des chroniques espagnoles qui parlent de sodomies généralisées incluant même des enfants de 6 ans ou d’enfants qui s’habillaient en femmes pour exercer la prostitution. Les chroniques parlent aussi de cérémonies religieuses lors desquelles se pratiquait la sodomie »

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
16 avril 2018 11 h 40 min

J’ai toujours trouvé ces gravures très festives ……
Bin…C’est que effectivement elles le sont.
La fête des morts est une grande fête familiale au Mexique.
.
http://www.mexique-fr.com/art-culture/la-fete-des-morts-dia-de-los-muertos/
.
C’est en raison d’un syncrétisme très profond entre les anciens cultes aztèques et le culte chrétien qui y a retrouvé une vigueur étrangère aux pratiques européennes affadies.
Hélas au Mexique comme ailleurs le 31 octobre( la veille) est contaminé par cette ânerie américaine d’Halloween.
.
Sur un plan plus général
Il me plait de voir qu’une fois de plus une prétendue fête chrétienne est phagocytée par un culte bien plus ancien en une sorte de récupération du patrimoine usurpé.
.
Evidemment l’eau bénite locale coule à flot.
.

Dora
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Dora
16 avril 2018 15 h 43 min

Bonjour à tous,
Merci à l’auteur Robert Lavigue : je préfère nettement parler des morts au printemps!
En Europe autrefois, les cimetières étaient au centre des villages, sur des modestes lieux sacrés. On découvre encore aujourd’hui des sarcophages mérovingiens sous les église de villages comme ceux de la basilique de Saint Denis dans les années 70. Les épidémies de peste ont éloigné ceux-ci des villes tout comme l’église catholique voulant imposer le culte omniprésent de ses personnages mythologiques dans des postures les plus culpabilisantes pour les villageois. Les calvaires et représentations du Christ en croix aux croisées des chemins et dans les églises sont bien plus perturbants et traumatisants pour les jeunes enfants que les petits squelettes trouvés dans les pochettes surprises que les garçons aiment agiter sous le nez des filles ou montrer à leurs copains!

Lapa
Administrateur
Lapa
16 avril 2018 16 h 26 min
Reply to  Dora

Bonjour Dora je n’ai pas trop bien saisi mais je ne pense pas qu’on puisse imputer à l’Eglise le fait de cacher morts et squelettes.
Même si dans son catéchisme, la résurrection des morts « impose » de préserver les dépouilles suivant un certain rite funéraire et du coup de ne plus jouer avec (la crémation n’est admise que depuis peu), la société jouait allégrement avec les symboles morbides. Il suffit de voir les illustrations et autres danses macabres.
Les enfants pouvaient assister aux exécutions publiques et jusqu’au début du XX ème siècle, la morgue de Paris était un endroit qu’on visitait joyeusement, inscrit dans les guides touristiques. Je ne pense pas qu’un crucifix suffise à les traumatiser…
Peut être que le fait de cacher la mort et ses significations est venue des deux guerres mondiales, ou de la shoah, traumatisantes, ou de la baisse de la croyance religieuse? Nous sommes dans un monde de confort et d’athéisme où la mort et la fin de vie sont très souvent éclipsées, masquées et nous rendent mal à l’aise. L’Eglise n’a rien à voir là dedans je pense.

Dora
Membre
Dora
16 avril 2018 23 h 55 min
Reply to  Lapa

Je faisais allusion au patrimoine architectural religieux où, si l’on fait abstraction des bas reliefs du jugement dernier et de quelques modillons, on voit très peu de représentations de squelettes ou têtes de mort. Sur les sarcophages mérovingiens en pierre, la représentation de la croix chrétienne est permanente et parfois multiple. Pour la période médiévale, il reste très peu de bâtiments associés auxcharniers en Europe dont le bâtiment (les piliers et poutres en bois) porte une iconographie en lien avec la fonction initiale. Celui-ci situé à Rouen abrite aujourd’hui une Ecole régionale des beaux-Arts. J’ai l’exemple d’un enfant de 5 ans se plaignant de devoir passer chaque jour devant un calvaire de crucifixion. Cela m’a fait réfléchir à ce qui pouvait se passer dans la tête d’un enfant confronté à une représentation de cruauté et de souffrance auxquelles je ne prêtais pas plus attention que cela. Pour savoir ce qu’ils en pensent, encore faut-il qu’ils se sentent libres de pouvoir nous le confier.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
16 avril 2018 19 h 36 min
Reply to  robert Lavigue

Une merveille , ….la merveille de Strasbourg .
< . <

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D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
16 avril 2018 20 h 37 min
Reply to  D. Furtif

Attention je ne souffre pas d’agalmatophilie

Dora
Membre
Dora
16 avril 2018 15 h 44 min

J’ai lu récemment un article ou extrait de livre sur les sociétés anthropophages dont l’auteur critiquait l’exagération des descriptions par les occidentaux des peuplades mangeuses d’hommes, article dans lequel on évoquait au Mexique ou un autre état d’Amérique du Sud la consommation d’os broyés et pilés dans un plat traditionnel après avoir déterré les morts. J’avais vu aussi un documentaire sur la fête des morts-ancêtres en Afrique où l’on déterrait les morts, on les asseyait pour servir un repas en leur présence et aussi en Indonésie où les villageois procédaient au retournement des corps après les avoir promenés dans un sac en jute sur la tête.

Dora
Membre
Dora
16 avril 2018 15 h 48 min

En rapport avec ce qu’écrit Furtif et dans l’art contemporain, je vois un lien entre la représentation des corps décharnés, des visages aux orbites et bouches creusées avec la culture homosexuelle masculine, par exemple dans l’œuvre de Francis Bacon, et ce, bien avant l’épidémie de Sida (chercher à Francis Bacon , peintre , images) avec une représentation récurrente de la mort qui effleure sous les visages, sous la chair des corps torturés. La consommation de drogues y contribue également car elle est consommée en masse dans les milieux homosexuels festifs : les têtes de morts et représentations morbides de préférences sanguinolentes ((Eros et Thanatos…) pullulent comme chez J.M.Basquiat. C’est peut-être la raison pour laquelle le Musée du Jeu de Paume à Paris, spécialisé dans l’accueil de jeunes artistes pas encore connus, aurait préféré se tourner il y a dix ans vers la photographie contemporaine.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
16 avril 2018 19 h 29 min

Il me semble que tu ne m’as pas compris.
Il se trouve que la chrétienté s’est soumise au culte plus puissant et le plus ancien.
Le Culte des ancêtres….
La Toussaint est le type même du syncrétisme où le christianisme a dû se plier devant plus fort que lui.

Même chose pour l’Amérique centrale
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Pour le tableau de Bacon = Innocent X _1953_
Il y a bien un jeu sur l’apprence de cadavre squelettique ..
Mais pour le coté festif…???
Chez Bacon tu peux repasser.
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https://inferno-magazine.com/2016/10/19/francis-bacon-de-picasso-a-velasquez-guggenheim-bilbao/
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En revanche il y a un lien évident chez Basquiat.
https://www.google.fr/search?q=jean-michel+basquiat+riding+with+death&stick=H4sIAAAAAAAAAONgFuLQz9U3MDEsLlHi1U_XNzRMNi5JT89Jq9RSyk620i_LLC5NzIlPLCpBYmYWl1iV5xdlFz9ijOQWePnjnrBUwKQ1J68xenERoUlIhYvNNa8ks6RSSIqLRwpuvwaDFBcXnMcDAORkwdGbAAAA&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwjlxM6pqL_aAhWL6qQKHanXCAgQ_AUICigB&biw=1201&bih=657
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Mais toujours rien à voir avec le coté festif de POSADA

ranta
ranta
17 avril 2018 10 h 28 min
Reply to  D. Furtif

Furtif, la Toussaint oui sans doute mais je crois quand même le grand syncrétisme de l’église catholique c’est d’y trouver la plus grande concentration sur la planète de tafioles pédophiles 😆

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
18 avril 2018 11 h 28 min
Reply to  ranta

On sent le maisdisant originel chez ce garçon.

ranta
ranta
18 avril 2018 11 h 55 min
Reply to  D. Furtif

Mon cher Furtif, je ne suis pas responsable de ce qu’ont fait Adam et Eve, aucune repentance là non plus.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
18 avril 2018 11 h 38 min

http://www.kutchuk.com/halloween/diadelosmuertos/diadelosmuertos.htm
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On lira avec intérêt ce que nous raconte cet article. http://www.disons.fr/?p=58672&cpage=1#

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          1. Au contraire des espagnols qui voyaient la mort comme la fin de la vie, les aztèques la voyaient comme son vrai début. Pour eux la vie n’était qu’un rêve et en mourant on se réveillait.

            Ils gardaient des crânes et les exhibaient durant les fêtes pour célébrer la mort et la renaissance et pour honorer les morts qui selon eux revenaient en visite à cette époque de l’année. Les espagnols n’ont pas réussi à éliminer ce rituel. Ils ont du se contenter d’en fixer la date en même temps que celle d’une fête chrétienne : la Toussaint.

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Sticker
décorations
coloriages pour les enfants
friandise
petits pains
mots croisés
etc…
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D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
18 avril 2018 14 h 28 min

Puisque nous sommes au Mexique
Une petite histoire amusante ( et résumée) de la Malinche.
.
Un blog sympa et amusant comme il y en a trop peu
/
http://www.racontemoilhistoire.com/2016/01/06/la-malinche/

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
20 avril 2018 20 h 38 min

Des squelettes japonais beaucoup moins festifs que ceux de Posada
https://twitter.com/GallicaBnF/status/987227681321308160