L’affaire, après avoir concerné les salariés de Molex et leurs dirigeants, oppose désormais ces derniers au gouvernement français en la personne de Christian Estrosi. On a de quoi être effaré de la manière dont se déroule ce conflit dont la forme est incontestablement la conséquence de deux cultures, l’une américaine, l’autre française, radicalement différentes dans le domaine des relations sociales.
Rappel des faits :
Molex est un groupe américain qui fabrique des composants électroniques, notamment des connecteurs utilisés dans l’industrie automobile et en informatique.
Ce groupe implanté en France depuis 2004 avait un usine à Villemur-sur-Tarn, près de Toulouse.
En octobre 2008, la direction annonce son intention de la fermer au printemps 2009, et de licencier ses 283 salariés. Le comité d’entreprise, contestant la légitimité économique de cette décision, fait appel à un cabinet d’expertise (Syndex) , qui juge l’entreprise viable et le site comme l’un des plus rentables de la division automobile de Molex.
Le 19 mai 2009, le tribunal correctionnel de Toulouse,sur plainte du CE, rend un jugement qui condamne les deux dirigeants français pour délit d’entrave à six mois de prison avec sursis et ordonne la suspension du processus de fermeture de l’usine.
Les esprits s’échauffent lorsque les salariés découvrent que cette mesure aurait été prévue depuis 2007 avec une délocalisation a la clé, ils se mettent en grève et séquestrent, le 22 mai, deux cadres dirigeants pendant 24 h.
Le 2 juillet, la direction lance une nouvelle procédure de plan social « en repartant à zéro » mais qui n’aboutit pas à un accord, une grève illimité est lancée.
Mais le 5 août, après des incidents, (une bousculade et des jets d’œuf contre l’un des responsable de l’usine), la direction américaine du groupe décide la fermeture de l’usine ( ses deux dirigeants français avaient démissionné).
Un plan social finit par être établi après intervention de l’Etat, la filiale américaine du groupe cesse d’être une unité opérationnelle et n’est plus qu’une structure juridique destinée à exécuter le plan social.
Un an après, à la fin de ce mois de septembre 2010, 188 ouvriers licenciés, se fondant sur la décision du tribunal correctionnel de Toulouse du printemps 2009 qui avait condamné Molex, déposent une plainte devant le tribunal des prud’hommes pour licenciement abusif.
L’apprenant, le groupe américain a mis la société en liquidation judiciaire, ce qui a pour effet d’interrompre l’exécution du plan social ; cette mesure frappe 19 salariés, les représentants du personnel qui avaient été licenciés 6 mois plus tard que les autres et qui étaient encore en congé de reclassement jusqu’en janvier 2011.
Voilà l’affaire. Sauf que Christian Estrosi, qui s’était particulièrement investi dans cette histoire est entré dans une colère noire, dénonçant ce qui s’est confirmé être une mesure de représailles et un chantage pur et simple d’une société qui, par ailleurs, a fait des bénéfices records et distribué des dividendes énormes à ses actionnaires. ( 75 millions de dollars de bénéfices, dont 15% seront redistribués à leurs actionnaires). « Il n’est pas question de céder en quoi que ce soit à un chantage inacceptable ! » ajoute-t-il.
Dans un communiqué transmis hier soir, le groupe américain met en cause « l’action de 188 anciens salariés devant le conseil de prud’hommes de Toulouse, visant notamment à obtenir une indemnité exorbitante équivalente à cinq ans de salaire, en plus des sommes octroyées au titre du plan social ».
Il est surtout très instructif d’entendre la raison invoquée par la vice-présidente du groupe : Molex ne veut pas attendre la décision du tribunal par crainte « de ne pas avoir un procès équitable ». « En France, à chaque fois que nous sommes allés en justice, nous avons perdu », fait-elle valoir.
Cette histoire est tellement emblématique qu’elle mérite d’être suivie avec attention.
Au-delà de simples péripéties socio-économiques on est là, semble-t-il, en présence du vrai choc de civilisations, celui auquel on ne pensait plus : la logique capitaliste contre la solidarité nationale, la mondialisation libérale contre la culture sociale française. Au point que même un gouvernement de droite s’offusque de comportements qui ne sont, après tout, que la routine du mond