Samouraï ( 1)

Quand je me penche sur l’histoire du Japon , elle est là . Mme Butterfly et sa plainte de femme blessée. Elle incarne les souffrances inouïes du peuple japonais Ce cri est comme un écho de celui de la grand mère douairière qui se jetant dans la mer , tenant dans ses bras l’enfant Dieu , le petit Empereurs en 1185. On dirait que le Japon soigne la mise en scène de son histoire comme un Opéra, avec un final en crépuscule des Dieux .

Un monde s’écroule un autre surgit c’est celui des Samouraïs.

Ici l’engloutissement du jeune empereur enfant dans les bras de sa grand mère au large des plages de Dan-No-Ura marque la fin du premier acte ou l’ouverture de l’Opéra suivant. Cette fin tragique n’est pas exceptionnelle ni réservée à l’Orient lointain , nos lignées royales européennes n’y ont pas échappé. Pour la nôtre l’histoire s’est répétée Nouaillé Maupertuis , Pavie , Metz….C’est le lot de tout régime féodal et l’incertitude de la situation de tout suzerain. Le grand chef a toujours besoin de petits chefs pour assurer son pouvoir….Et, il y a toujours un petit chef pour vouloir devenir « Calife à la place du Calife »

1- Sur la plage de Dan-No-Ura

Cet affrontement est l’un des épisodes les plus dramatiques de l’histoire du Japon. Il marque à la fois la fin du règne d’une lignée impériale à la Cour raffinée et l’avènement des Bushis ( guerriers gentilshommes ) qui vont régner sur le Japon pour 7 siècles. Il s’agit alors , également, de la seule grande bataille navale pour une nation qui, à l’origine , n’était pas fondamentalement une puissance maritime.

Le clan impérial Taira No Kiyomori qui se disloque en conflits internes . Il a battu le clan Minamoto à la bataille de Heiji no ran. Mais nous sommes à l’Opera , quelques rescapés Minamoto vont durant des années reconstruire une armée pour prendre leur revanche. Ils décident d’affronter le clan Taira sur mer, afin de compenser leur infériorité numérique Ils choisissent la passe de Shimonoseki ( passe qui sépare les îles de Honshu et de Kyushu ) au large des plages de Dan No Ura ( à ne pas confondre avec le détroit à l’ouest ) dont les forts courants de marée vont drosser contre les rochers les barques du clan Taira. On était en 1185 .Au cours de cet épisode tragique, le jeune Empereur enfant Antoku meurt dans les bras de sa grand-mère qui se jette dans les flots en compagnie des membres de son clan pour ne pas survivre au déshonneur de tomber aux mains le l’ennemi .

Selon le folklore japonais, les crabes de Heikegani sont la réincarnation de l’esprit des guerriers samouraïs de Heike qui ont été tués à la bataille de Dan-no-ura en 1185, une guerre pour le trône impérial japonais. L’histoire raconte que les samouraïs de Heike, réincarnés dans le crabe samouraï Heikegani (Heikeposis japonica), montraient leur allégeance à leur clan en portant un masque féroce sur leurs carapaces.


On peut voir dans la mort de ces nobles cultivés et à l’éducation raffinée le symbole de la fin d’une époque l’ère Heian et le commencement d’une autre : celle des seigneurs samouraïs.  Aujourd’hui, les Heikgegani (« Crabes Taira ») trouvés dans le détroit sont considérés par les Japonais comme étant investis de l’esprit des guerriers Taira.

Cette bataille décisive mit fin à l’ ère Heian ainsi qu’aux espoirs des Taira de contrôler le Japon. , Minamoto no Yorimoto le demi-frère aîné de Minamoto no Yoshitsune, instaure le bakufu ( le Shogunat) de Kamakura et fut nommé Seii Taishogun en 1192

.

2- Origines des Samouraïs

D’où viennent les Samouraïs ? On peut penser que venant des troupes au service de l’empereur ils passèrent à celui des riches propriétaires terriens des provinces. Ces derniers, eux mêmes insoumis, devaient lutter contre les Emishi les bandits travaillant soit pour eux-mêmes soit pour les propriétaires terriens rivaux. Une vraie féodalité à l’ancienne. Une seule chose peut équilibrer la force = la force. L’empereur si lointain avait lui aussi ses soucis . En dehors de ses domaines propres avec les Daimyos avide de rogner ses propriétés. À l’intérieur avec des vassaux toujours prompts à se libérer de sa tutelle.

Les paysans eux , sont écrasés de misère et d’impôts. Les candidats soldats ne manquaient donc pas. D’origine modeste, ils se rangeaient sous l’égide de descendants de lignées impériales mineures, (branches collatérales ) partis chercher fortune dans les contrées encore sauvages de l’archipel. Puis par degrés sous ceux qui tout simplement avaient les moyens de les rétribuer . Les deux plus puissants clans possédant des samouraïs , les clans Taira et Minamoto dans leur dernier affrontement, scelleront la fin de l‘ère impériale Heian et l’avènement d’un nouveau régime = le BAKUFU ou Shogunat

Le Shogun , au nom de l’empereur dispose d’une administration et des pouvoirs d’état en matière de fiscalité, de police et de force militaire .

La masse de la population agricole sous l’ère impériale Heian étaient secouées de révoltes dues aux lourds impôts, réprimées par les kokushi(gouverneurs fonctionnaires de provinces nommés par le gouvernement impérial). Dans une recherche de protection de type féodale, le pouvoir central étant lointain et ressenti essentiellement comme oppresseur , les petits fermiers de proche en proche se placent alors sous la protection de puissantes familles de propriétaires terriens. Possédant et maniant eux-mêmes des armes , ces derniers de ce fait s’enrichirent et furent bientôt en mesure de recruter des armées privées, constituées de guerriers professionnels, mais aussi de simples civils source de richesses (paysans, artisans, citadins). Protecteurs de la population contre les exactions de la fiscalité impériale , telles furent les racines de cette classe sociale nombreuse qui représentait de 5 à 7% de la population .Les Samouraïs

L’aristocratie française, sous la monarchie , ne représentait , elle, que 1% de la population

Devenus indispensables en raison de l’affrontement permanent des grandes familles entre elles et par l’appel à leur service de la famille impériale elle même , ils sont parvenus à la fin du XIIè siècle à mettre un des leurs au pouvoir= le Shogun.

Chaque Daimyo st maître absolu dans son domaine.

Leur éducation , d’une rigueur extrême n’est pas sans rappeler celle des jeunes Spartiates . Les vertus physiques et morales qui leur sont enseignées, s’inscrivent dans le Bushido ( la voie du guerrier) Comme les Spartiates ils apprennent le mépris total pour l’ennemi vaincu qui se rendrait pour éviter la mort. Les massacres de Nankin sont directement issu de cet enseignement.

Entre eux ils affichent un respect glacé mais tombent facilement dans des affrontements sanglants sous des prétextes assez curieux pour un occidental. Ils se distinguaient les uns des autres selon qu’ils étaient attachés à un clan ou à un seigneur féodal : le Daimyo .
  • Le samouraï solitaire était appelé un Ronin
  • Hatamoto s’il était un vassal direct du Shogun

Cependant, tous les soldats n’étaient pas Samouraïs. Ceux-ci constituaient une élite assimilable en quelque sorte aux chevaliers européens . Experts en toutes les armes (40) ils dominaient et encadraient les troupes . On les retrouvait le plus souvent dans la cavalerie lourde . Mais les armées, à partir du Shogunat reposaient sur de larges troupes de fantassins de base nommés ashigaru*** recrutés , eux, principalement parmi les paysans

*** On retrouvera ces ashigarus à la bataille de Nagashino.

Au grand dépit des Samouraïs et de la société toute entière ils n’offraient que peu de garanties morales . Mais il faut ce qu’il faut . Depuis des siècles les batailles ne sont plus des combats singuliers entre nobles samouraïs mais des affrontements mettant en jeu des effectifs énormes . C’est la piétaille qui égorge et fait les prisonniers.

Les armes des ashigorus son essentiellement

_ la lance ( Yari) Ces Nagai Yari, faites en bambou sont idéales comme armes défensives. Des rangs complets d’Ashigarus forment une barrière infranchissable _ l’arc quand il fut peu à peu délaissé par les Samouraïs _ et bientôt l’arquebuse ( on le verra plus tard)
Et comme tous les combattants un sabre

On les rencontre moins sur les représentations pictographiques . Simples troufions ils n’avaient l’honneur d’illustrer les ouvrages précieux. On les trouve aujourd’hui représentés bien plus sur les boites de wargames et figurines que sur les paravents précieux.

Les siècles passaient . Les Samouraïs, cette classe de guerriers , dominaient pendant tout ce temps la structure politique et sociale de ce qui n’était pas encore un pays unifié . Au plan idéologique ils étaient l’emblème de la société féodale Japonais . Comme dans l’Europe médiévale, les grands propriétaires terriens dominaient l’économie dans une société agricole et disposaient donc de ressources suffisantes pour payer le meilleur des équipements et des fournitures militaires. Ainsi, comme en Europe, la capacité de posséder des armures, des chevaux et des armes de qualité supérieure conférait à la personne un statut social élevé qu’il fallait veiller à maintenir avec soin. Ainsi, les Samouraïs se consacraient à perfectionner leurs compétences martiales et à respecter un code d’honneur strict qui soutenait le système féodal tout entier . À l’apogée de la prééminence du samouraï, sa loyauté absolue envers le suzerain en faisait toujours néaoins un serviteur. La capacité de défendre les biens et le statut de son maître/patron , même au détriment de ses propres biens et de son propre statut, devinrent le summum de l’honneur. Plus fort que la servitude volontaire le sacrifice volontaire.

Les premiers soldats du Japon étaient appelés bushi («guerrier»), selon le sens japonais du caractère chinois qui désigne un homme de lettres et/ou d’armes. La montée de ces guerriers jusqu’au statut de classe spéciale a commencé avec une lutte entre clans à la fin des années 1100 qui se termina sur la plage de Dan No Mura

En 1192, Yoritomo fut nommé Shogun (à peu près «généralissime barbare-vainqueur»), la position militaire suprême en tant que protecteur personnel de l’empereur.

Cependant, comme l’empereur avait un pouvoir plus figuratif qu’effectif, le shogun finit par exercer une véritable autorité sur le Japon. Quoique l’unité nationale du Japon n’ait jamais été atteinte on continue à diffuser et promouvoir dans la population le mythe « à la chinoise » selon lequel l’empereur est le descendant des dieux qui ont créé le monde. Mais ce n’est qu’une croyance et un rite au milieu de beaucoup d’autres . .C’est au Shogun qu’il reviendra d’en accentuer l’importance et le caractère officiel

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Asinus
Membre
Asinus
31 janvier 2019 11 h 56 min

yep , pas venu pour rien moi , Un auteur explicite de la pensée Samourai qui c’est appliqué physiquement ce qu’il préconisait intellectuellement , vous croyez que nos philosophes a jabot en seraient capable ?

«Il y avait du sang partout. Le lieutenant baignait jusqu’aux genoux et demeurait
écrasé et sans force, une main sur le sol. Une odeur âcre emplissait la pièce. Le lieutenant, tête
ballante, hoquetait sans fin et chaque hoquet ébranlait ses épaules. Il tenait toujours dans sa main
droite la lame de son sabre, que repoussaient les intestins et dont on voyait la pointe. […] Son visage
n’était plus celui d’un vivant.»
Mishima