Fatal Métal

Adolescent on a le goût des idées simples. Je n’étais pas rétif aux légendes, bien au contraire. Mais là ! Ça me paraissait un peu tiré par les cheveux. La chute de l’empire Romain, je voulais bien y voir le résultat de la trahison des élites, des défaites militaires, des sempiternelles guerres civiles, de la déliquescence de la société, des orgies romaines…Mais ça non !

Le saturnisme des Romains

La trouvaille des archéologues et de leurs copains physiciens et chimistes poussait un peu loin le bouchon. Les Romains auraient vu leur puissance décliner en raison d’une consommation excessive d’eau. Le Gars qui me racontait ça n’avait rien d’un Jacques Pradel, c’était des années avant, à la fac. Ça sentait la Nenquête, ça sentait le complot, mais bien avant la mode. Je voulais bien mais j’en étais encore à

  • Pas d’eau tu meurs , trop d’eau tu meurs…
  • Mouaifff.de noyade !
  • Qu’est-ce qu’ils  disaient les messieurs si savants ?

Rome est connu de tous pour sa maîtrise et ses prodiges en urbanisme, construction de routes et d’aqueducs dont certains rénovés et entretenus sont encore en activité. En rase campagne l’étanchéité était assurée par le fameux béton romain. Mais les connections ? Les dérivations et toute la tuyauterie en ville vers les maisons particulières et les fontaines publiques étaient en plomb. Ce métal malléable, résistant au gel et aux déformations était utilisé en grande quantité dans l’adduction d’eau et même la vaisselle d’argent dont le minerai est souvent combiné à celui du plomb. Les archéologues avançaient que le plomb était consommé en excès par la population  en raison de sa dissolution dans l’eau. Une partie de métal ainsi ingérée traverse les muqueuses intestinale, passe dans le sang  et  à fortes doses, induit dommages rénaux, troubles digestifs, anémie et lésions irréversibles du système nerveux. L’élimination salivaire du sulfure de plomb produit aussi un liseré bleuâtre sur le bord des gencives.

Plus tard, en 1974 , l’OMS valide les découvertes  en rendant officielles les conclusions et fournissant une batterie de chiffres. On déclare qu’il y a intoxication pour un taux de dissolution sanguine supérieur à 400 microgrammes par litre. Les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes constituent la population la plus vulnérable. On  recommande alors de ne pas dépasser 50 microgrammes par litre, chiffre revu à la baisse à 25 microgrammes en 2003. L’objectif serait de 10 microgrammes pour l’année, lointaine alors, de 2013. Il faut bien admettre que le travail est gigantesque, le plomb étant jusqu’à une date récente toujours utilisé pour les canalisations, soudures, peintures de nos villes.

Une découverte survenant rarement isolée, pour l’empire Romain, l’analyse des glaces polaires est venue confirmer par la datation un  pic de fumées et poussières de plomb répandues dans l’atmosphère et transportées par les vents jusqu’aux régions antarctiques.

Cette intoxication interne , se voyait doublée d’une intoxication externe pour les femmes qui, en vertu d’une mode propre aux pays ensoleillés, redoutaient que leur peau soit brunie ou tout simplement halée comme la première travailleuse des champs venue. Elles se couvraient jour et nuit d’emplâtres de céruse ( résidu de plomb). Elles en mettaient tant, qu’elle en avaient le visage couvert comme masqué.

Les médecins antiques connaissait la nocivité du plomb, mais contre la mode, que faire ? Et contre la gourmandise ? En passant le métal dans du vinaigre on obtenait de l’acétate de plomb que l’on utilisait pour sucrer le vin. Cet usage provoquait la goutte mal si fréquent chez le aristos romains.

Coliques de plomb, douleurs d’abdomen, démence ou encéphalopathie, paralysie, goutte, mort  on ne manquait pourtant pas signaux d’alertes

Wikipédia nous dit

Avant qu’on ne comprenne qu’il s’agissait d’un même symptôme du saturnisme, observé chez des métiers ou dans des contextes géographiques différents, de nombreux vocables ont été employés pour décrire la colique de plomb, dont  :

colique saturnine ;

colique métallique ;

colique des peintres ;

colique des plombiers ;

colique des tôliers ;

colique des barbouilleurs ;

Colique Végétale Des Indes ;

Colique Végétale de Cayenne ;

Colique Végétale de Surinam ;

Maladie des barbiers ;

Maladie de béribéri ;

Colique de Poitou ;

Colique de Normandie. Le docteur Vasse avait observé que les personnes qui sont atteintes de la colique sont celles qui ont fait usage de cidre provenant de la basse Normandie, qui, au dire de M. « Vasse lui-même, est falsifié avec la litharge; tandis que celles qui boivent le cidre non mangovisé provenant du pays de Caux ne sont jamais atteints de la colique végétale.

Colique de Devonshire (Devon colic 6), colique de Madrid

Mon prof avançait aussi l’hypothèse d’une stérilité notable chez les aristocrates romains ce qui changeait  la donne militaire dès l’Empire.

De l’Antiquité à nos jours l’histoire a été traversée par une crainte permanente et justifiée du plomb et des métaux, et pourtant… Dans une conception globale d’un Monde voulu et créé par Dieu, le naturel ne se démarque pas  du  spirituel, l’alchimie de la chimie, les incantations de la médecine. Magie et mécanique étaient intriquées dans l’érudition classique C’est de bonne foi que les médecins ou ceux qui en tenaient le rôle prêtaient des vertus à certains produits et en condamnaient d’autres parfaitement inoffensifs.

Cinquante ans plus tard

Il m’a été donné de contempler, au mois d’octobre dernier, à Loches, l’admirable gisant d’Agnès Sorel ou Seurelle . Maîtresse du roi Charles VII le Victorieux (celui de Jeanne d’Arc), jeune noble servante d’un rang très modeste chez la famille d’Anjou (la Reine), elle entre à 22 ans environ dans la couche du roi (la quarantaine enjouée) qu’elle réchauffera de 1444 à 1449. Elle lui donne 4 enfants. Jeune, vive d’esprit et d’une grande beauté elle donne aussi un style nouveau, gai et cultivé à la vie de cour un peu moribonde du roi. Ce dernier la comble de cadeaux,  lui offre un manoir à Beauté Sur Marne. Elle est souvent peinte avec un sein découvert pour exprimer tout son charme, et rappeler la mode qu’elle avait instauré de découvrir sa gorge .Elle insuffle un courant artistique précurseur de la renaissance, révolutionne la mode avec de fines chemises en toile et colliers de perles. Elle est, dit-on, détestée par le peuple jaloux de ses gages et privilèges . On peut penser que les jaloux se recrutaient essentiellement parmi ceux qui auraient pu les recevoir à sa place et non parmi le peuple. Sa  beauté «  à tomber par terre » la fait dire arrogante par certains(e). Elle séduit le plus grand  nombre qui la vénère jusqu’à l’adulation. Elle ne laisse toutefois personne indifférent et son nom encore à l’époque actuelle n’est ignoré de personne. L’Église regarde ailleurs, elle a perdu depuis longtemps le droit de se mêler des mariages des Princes puisque ceux-ci ont choisi de ne plus épouser des femmes qu’ils aiment ou qu’ils désirent et de collectionner les maîtresses. À l’occasion, en 2004, du transfert   de son gisant à la chapelle Saint Ours de Loches, quelques restes ( ossements et cheveux) ont permis une reconstitution faciale numérique et mis à jour un empoisonnement massif au mercure.

En ce quinzième siècle hommes et femmes, riches et beaux et même les plus que belles avaient la tubulure infestée de vers. Paradoxalement les riches en étaient les victimes les plus nombreuses. Agnes en était. On lui administrait un traitement à base de fougère et de mercure destiné à éradiquer le parasite. Maîtresse du roi, (les privautés sexuelles connues de l’entourage étroit), les médecins surdosaient allègrement. Ses derniers jours furent une agonie d’horribles douleurs abdominales (flux de ventre disait-on).

Quand le docteur Charlier et son équipe (22 chercheurs de 18 laboratoires) publièrent après vérification leurs résultats, on ne put que constater  la présence de Mercure à des taux de 10 000 à 100 000 fois supérieurs à la normale. Abcès et kystes infestés  auraient été constatés. La mort dans les conditions horribles que relatent les chroniques était bien due à un empoisonnement. La question de savoir s’il a été subi ou voulu et celle de sa malveillance restent posées. Médecins, rivaux et rivales ne lui manquaient pas . Résultat supplémentaire à cette batterie d’analyses on découvrit que la Dame de Beauté était non seulement enceinte comme prévu mais qu’elle avait contracté la syphilis.

Point de détail historique qui interpelle les tenants de l’origine américaine de ce fléau.

Si vous passez à Tours en allant vers le Sud. Lâchez un peu l’autoroute et obliquez à gauche vous pourrez voir le château de Loches, et tout à côté le magnifique gisant d’Agnès qui vaut sans conteste certaines statues de la même époque conservées à Florence. Très proche de facture et un peu plus loin à l’Ouest le Gisant d’Anne de Bretagne à Nantes, et puisque vous avez décidé de faire ce vaste détour arrêtez-vous donc en chemin pour voir ceux des Plantagenets  à Fontevraud

Même faute même punition?

Née à la fin du siècle celle qui remplit les mêmes fonctions auprès de deux rois survécut au traitement qu’elle s’infligeait elle-même près de 67 ans, soit plus du double d’Agnès.

Diane de Poitiers avait épousé à 15 ans le petit fils d’Agnès et Charles VII, Louis de Brézé (je vous conseille le vin) . Il a 55 ans, elle lui donnera deux filles. Dame d’honneur de la reine Claude puis de la reine mère Louise, puis de la seconde reine Eléonore, des rumeurs transmises par certains biographes la font maîtresse de François 1er. On manque de témoignages et de preuve alors que la malveillance d’hagiographes de   Catherine de Médicis est, elle, attestée. On ne dit, ou on ne fait jamais assez dire, de mal de ses rivales.

Quand le cadet de François 1er, Henri, revient de sa dure captivité à Madrid il a onze ans il est malingre et rêveur, le Roi désigne Diane comme sa gouvernante elle a 31 ans. Veuve en 1531 elle adopte le Noir  du deuil qu’elle conservera comme couleur personnelle . Elle est au cours des premières années 30 connue comme une intrigante procédurière et attachée à la défense de ses intérêts. Elle pousse au mariage d’Henri avec Catherine de Médicis dont elle est une parente éloignée. Elle se mêle, elle intervient, elle manipule, elle chapeaute les rares maîtresses du dauphin comme une belle mère en titre. Elle patiente un peu puis, elle entre au lit du Dauphin, officiellement en 1538. Elle a 39/40 ans il en a 19.  Elle soigne sa pub. Elle alimente les rumeurs de stérilité de Catherine de Médicis, laisse planer l’hypothèse de sa répudiation et très ostensiblement renvoie le Prince coucher avec sa femme. Ce manège va durer 10 ans jusqu’à la mort du roi François. Toujours aussi intrigante elle se fait confier l’éducation des enfants d’Henri qu’elle conservera jusqu’en 1551. On peut imaginer la rancœur de Catherine si on conserve à l’esprit que c’est la propre fille de Diane qui dirige la « maison » de la Dauphine puis Reine .Elle poursuit sa conquête de titres et de revenus, elle devient duchesse de Valentinois, duchesse d’Étampes…Plus grave elle se mêle de politique dans un anti-protestantisme virulent. La mort d’Henri son mari( heuuu… son amant) en 1559, dans un stupide et anachronique tournoi, prononce sa chute immédiate. Il lui reste 6 ans à vivre.

Amoureuse des arts, bienfaitrice des artistes, elle charmait tout le monde par sa culture, sa beauté et son esprit. Elle conservait par de-là les années une fraîcheur de teint hors du commun qui faisait dire à son entourage qu’elle possédait un secret de Jouvence. Elle n’en faisait pas mystère mais ne révélait rien . La nature l’épargnait, les ans glissaient sur elle sans l’atteindre Son médecin était Ambroise Paré, une pointure. Il l’incitait à suivre des règles d’hygiène très inhabituelles en son temps. Les médecins d’alors pensaient majoritairement que l’eau était néfaste à la santé. Il faudra attendre le XIXe siècle pour voir combattues ces idées d’un autre âge entretenues pour une grande part par la religion.

Ce fut là un de ses secrets de beauté : elle se lavait, prenant chaque jour un bain froid. Elle aimait monter à cheval tous les jours, elle chassait bien sûr à cheval , nageait. Ces exercices contribuèrent à  lui conserver longtemps  bonne santé, bonne mine  et cette beauté qui éblouissait tous ceux qui la rencontraient.

Le secret de Jouvence et de Beauté.

Elle fut sans doute morte empoisonnée, par un poison qu’elle se donnait elle-même : l’or. Encore cette croyance aux vertus de ce qu’on nommait alors un principe. L’or métal des dieux. Elle prenait quotidiennement de l’or comme un élixir de Jouvence qui devait lui garantir de rester toujours belle malgré le vieillissement, telle qu’elle l’avait toujours été.

Cette vérité n’est apparue qu’il y a peu, à l’occasion de la découverte de sa sépulture en 2008. Des analyses des tissus et des cheveux montrent une forte concentration d’or, qui l’auraient lentement empoisonnée

Wikipedia nous dit

Une équipe de scientifiques (dont Philippe Charlier) étudie en 2008 les restes de Diane de Poitiers et découvre que ceux-ci ont une concentration en or beaucoup plus élevée que la normale. Ils l’expliquent par le fait que Diane, obsédée par le désir de l’éternelle jeunesse et l’éclat d’une beauté surnaturelle, aurait bu chaque jour comme élixir de longue vie une solution « d’or potable » qui lui aurait donné son teint extrêmement pâle.

Aujourd’hui nous sommes heureusement à l’abri de tels errements.

Certains d’entre vous pourraient objecter que la consommation irraisonnée de poudres et autres cendres relèvent de la même fantasmophilie  qu’Agnès et Diane et leurs prétendus médecins. Pourtant loin de toute magie et en l’absence d’un quelconque goût pour le paranormal, on peut s’inquiéter d’une mode qui fait de plus en plus de ravages et qui pourrait conduire aux mêmes consternantes conséquences.

Nous savons tous que c’est  en fin de chaîne alimentaire que se concentrent les toxiques. Ce phénomène explique la fragilité des rapaces. En mer, ce sont les gros poissons mangeurs de petits qui souffrent de ce phénomène. La mode du jour est aux Sushis, on pourrait craindre la découverte des mêmes dommages au cerveau. Même causes mêmes effets.

M’enfin , me direz-vous , il n’y a pas de thons au Pyraland!( entre Limoges et Brive)

Thon , Espadon , Requin. Doit-on croire les conclusions avancées par le Zero Mercury Working Group (ZMWG), dont les résultats ont été relayés le 4 décembre par le site Globalpost. Le problème? Conséquence de la pollution, les gros poissons, grands prédateurs, sont très contaminés au mercure. Avons-nous là une nouvelle terreur qui trouverait son origine dans les milieux écolos ? L’Union européenne aurait  déjà recommandé aux femmes enceintes de ne pas manger de thon plus de deux fois par semaine.

Perso je regretterai  l’Espadon grillé

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11 Commentaires
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Lapa
Administrateur
Lapa
10 décembre 2012 12 h 18 min

Excellentes histoires. De nos jours le plomb semble partout, excepté dans de nombreuses cervelles!

Causette
Causette
10 décembre 2012 15 h 49 min
Reply to  Lapa

Ah oui! excellentes ces histoires d’empoisonnement.

Et dire que certains recherchent des restos proposant sushis à volonté 🙄

Lapa
Administrateur
Lapa
11 décembre 2012 0 h 37 min
Reply to  Causette

oui mais les sushis c’est bon. enfin je préfère les makis perso…

ceci dit par principe je suis pas fana de la bouffe « à volonté ». 😉 Tiens ça fait longtemps que je me suis pas fait un jap’ avec tout ça 😀

Lapa
Administrateur
Lapa
11 décembre 2012 23 h 33 min

à propos de cure de jouvence. n’y avait-il pas une dame qui prenait des bans de sang de vierges?

Il me semble avoir vu un (piètre) film dessus.

Je suis sûr que Furtif va tout nous dévoiler!

Lapa
Administrateur
Lapa
11 décembre 2012 23 h 33 min
Reply to  Lapa

bains pardon 😉

Dieu Pardonne
Dieu Pardonne
22 décembre 2012 18 h 51 min

Merci pour l’article, Il est une chose qui est bien vrai, c’est que quoique l’on puisse faire,dieu pardonne à n’importe qui, les plus riches comme les plus pauvres !

ranta
ranta
22 décembre 2012 23 h 14 min
Reply to  D. Furtif

Comme disait Ron Hubbard, que Notre seigneur lui pardonne sa concurrence déloyale, la meilleure façon de faire fortune rapidement reste encore de créer une religion.

Certificats y compris.

ranta
ranta
22 décembre 2012 23 h 25 min
Reply to  D. Furtif

Dieu dans sa grande sagesse a créé la femme pour occuper les « curés ». Sans doute qu’il a parié que tant qu’ils s’intéresseraient à leurs âmes les dits « curés » ne se demanderaient pas à quoi il sert.