Voilà plusieurs années déjà, en cherchant sur la bande FM quelque chose à me mettre dans les oreilles, je tombais sur une émission de France-inter. L’animateur, si mes souvenirs sont bons, en était Yves Bigot et son invité unique du jour Louis Bertignac. Comme je tiens Bertignac pour un virtuose de la six cordes, que les occasions d’entendre nos gratteux de classe mondiale sur les ondes se font plutôt rares et qu’il n’y en a pas des masses, je calais donc ma radio sur le 104.7.
Le style verbeux de l’intervieweur, cette manie de faire les questions et les réponses en même temps, m’irritait fortement, mais il y avait le grand Louis, alors…
Evidemment, il fut question de Téléphone et de toute cette période. Puis la discussion prit plus de champs et les interlocuteurs parlèrent de musique, des influences, des sources d’inspiration, etc.
Enfin, on en vint à la guitare. Bertignac nous racontait les vieux bluesmen noirs américains, sa passion pour Jimi Hendrix, l’immense respect qu’il portait à Eric Clapton, son admiration pour Jimy Page, Pete Townsend. Tous y passèrent. Quand, tout à coup, l’animateur se rendant compte qu’il en manquait un dans la liste, osa la question qui fâche, d’un ton peu rassuré : « et Keith Richard ? »
Réponse du grand Louis : « Keith Richard, c’est basic ! ». Grand blanc à l’antenne, Bigot, offusqué, bafouille, prenant cette affirmation pour du mépris. Car, tout de même, Keith Richard, c’est pas rien dans l’histoire du rock ! Devant l’embarras et comprenant la méprise de l’animateur, Bertignac précise sa pensée : « quand je dis que Keith Richard c’est basic, il faut comprendre basic dans le sens anglais du terme ». Il le répétera deux ou trois fois à suivre, mais on sent bien que Bigot est déstabilisé, il perd le fil de son entretien.
Quelle est donc la signification anglaise du mot « basic » qui a créé ce malaise ? Si on cherche dans google traduction, on trouve :
- de base
- fondamental
- élémentaire
- essentiel
- principal
- de première nécessité
Bertignac ne s’est pas trompé car, dans l’histoire du rock, Keith Richard est tout ça en même temps, fondamental, essentiel, principal et de première nécessité. Le reste est accessoire. Ce mec est tout simplement la base, la brique élémentaire qui a fait le Rock moderne!
Retour au début des années 60. Le rock est quasi inexistant en Europe. Aux States, Eddie Cochran ou Gene Vincent ne sont plus que des souvenirs. Elvis the pelvis a viré crooner et fait le beau à Las Vegas.
Au Royaume-Uni, les Beatles, qui avaient pris une longueur d’avance plafonnent, incapables qu’ils sont de sortir des chemins tracés par leurs aînés, Chuck Berry, Lewis, etc. Aussi, bien conscients de cette situation et sous la houlette de Paul Mc Cartney, ils vont donner à leur musique une orientation plus expérimentale qui nous laissera des morceaux sublimes et définitifs. Malheureusement, cette musique, avec les moyens de l’époque, ne se prête pas à la scène. Mais en ont-ils encore envie, de la scène ?
À la même époque, une bande de gais lurons, se démène pour survivre en faisant de la musique. Mais pas n’importe quelle musique, du blues ! Brian Jones, le leader du groupe, se décarcasse pour leur trouver quelques contrats à droite ou à gauche. De temps en temps, l’un ou l’autre décroche une pige comme on dit maintenant. Les morceaux qu’ils interprètent se résument à des reprises de standards.
Sous la pression de leur manager Andrew Loog Oldham, un voleur de première, les Stones se mettent à composer. Jagger et Richard s’y collent sous le nom de Nanker&Phelge, le début de la fin pour Brian.
En 1965, ils sortent un truc de dingue, Satisfaction, avec un riff d’enfer de Keith, personne n’a jamais entendu ça, personne n’a jamais joué comme ça. Et pourtant, ils continuent de revendiquer haut et fort l’origine de leur inspiration : la musique noire Nord-américaine, le blues. Beaucoup plus tard, Keith nous montrera la filiation de Satisfaction avec cette musique.
Voilà, les Stones et Keith Richard viennent de sortir l’artillerie lourde et jusqu’en 1972 inclus, date de sortie de Exile on Main Street, tous les coups porteront au but. Sans jamais se répéter et dans une progression incroyable, le groupe va ainsi crééer les plus grands classiques du rock moderne. La liste serait trop longue à établir, je retiens dans le désordre :
Gimme shelter (un peu de patience, svp)
Sister morphine (à comparer avec la version de la sublissime Marianne Faithfull !)
Mais les chemins de la gloire sont parfois difficiles, et certains y laissent leur peau (Brian).
En 1968, après quelques déboires avec les autorités qui vaudront à Mick, Brian et Keith de connaître le confort des taules de sa Majesté, les Stones reprennent le chemin du studio , non sans avoir enregistré auparavant une ode à leurs geôliers, avec l’appoint de leurs potes Paul et John. Honnêtement, pour moi, ce single est nul.
Donc, nos cinq Stones se retrouvent en studio. Le titre emblématique de ce nouvel album en sera « Sympathy for the devil ». Jean Luc Godard filme les séances d’enregistrement. Une fois expurgé de la propagande maoïste, black panthers ou MLF, ce film constitue un fabuleux témoignage sur la création d’un standard du Rock.
Brian Jones, comme je ne sais plus qui l’a dit, est devenu une boursouflure du rock, complètement chargé de drogues et d’alcool qu’il est, défiguré par ses excès, incapable d’assurer. Malgré l’empathie et l’aide de Mick Jagger, il ne peut plus tenir son rôle, idôle déchue. Quand Keith ne l’écrase pas de son mépris, les échanges sont aigres-doux, Brian ferme sa gueule, il sait que Keith a raison.
Parce que les Stones c’est avant tout du boulot, encore du boulot et toujours du boulot. Même avec l’expérience ça ne changera pas comme l’explique Blanc Francard, ingénieur du son : « lorsqu’ils sont arrivés pour « Exile on Main Street », on aurait dit le pire groupe de garage du monde. Et puis ils se sont mis au boulot. Ils ont bossé comme des malades pour en faire un disque des Stones. Il faut s’imaginer Keith reprenant toute la nuit le riff de « Tumbling dice », pour comprendre. Et toutes les nuits se ressemblaient, jusqu’à ce que tout soit dans les clous. Les Stones, c’est avant tout des bosseurs. »
Mais revenons en 1968. Les Stones sont en studio pour enregistrer « Beggars Banquet », les fines gueules diront qu’il s’agit de leur premier chef d’oeuvre. Laissons braire et faisons la place à their satanics majesties : les Stones !
Et quand c’est dans la boîte, on attaque le morceau suivant, Jumping jack flash ? :
Contrairement aux Beatles qui sont devenus un groupe de studio uniquement, les Stones sont avant tout un groupe de scène et ce morceau « Sympathy for the devil » ils vont le faire vivre sur toutes les scènes du monde. Ils vont le décliner sous toutes les formes possibles, innovant à chaque fois, comme ici ou là surtout .
Mais revenons à Bertignac et notre animateur de radio. Le grand Louis savait tout ça, il en fera même ses choux gras ici ou là avec son pote Paul Personne.
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Très bon article, je suis d’accord avec tout de même avec une réserve : Bertignac virtuose de la six cordes… bon, quand on aime on ne compte pas, je sais ;-), c’est de toute façon un grand guitariste, ne serait-ce pour ce qu’il a apporté en France, quoique ma préférence va à michel Fraisse
keith, c’est LE rock avec une particularité remarquable : c’est avant tout et surtout un énorme quitariste ryhtmique et un soliste somme toute… heu, pas esbroufant (ça se dit ça esboufrant ?)et très minimaliste.
Son autre particularité : son open sol en cinq cordes…. Lorsque l’on est un gosse et que l’on sait pas on passe des heures et des heures à rechercher ses riffs en ne faisant que les approcher… Et pour cause : pouvait pas utiliser un accordage standard à six cordes ?
Honky tonk woman…pour moi, LE morceau des stones, si je ne devais en retenir qu’un. Il me semble d’ailleurs qu’il est leur morceau fétiche, non ? En tout cas, j’ai boeufé des jours et des jours sur ce morceau.
Ma première quitare de qualité a été une télécaster, après les sempiternelle merdes Aria and co à trois francs six sous? e l’ai toujours, elle a exactement 32 ans mais je ne la sort plus que les soirs de pleine lune 😆 ! puis une strat, et pour finir une strat plus (Ah la plus avec ses lace sensor en configuration hambucker et son blocage de cordes ….)
C’est un article très intéressant, même si je ne partage pas l’enthousiasme de son auteur pour les Stones. Leurs morceaux révèlent toutefois des surprises : il faut avoir essayé de jouer en groupe Jumping Jack Flash ou même Satisfaction. Les riffs à la con de Keith Richard ne sont pas toujours faciles à bien interpréter sur le plan rythmique.
Personnellement j’ajouterai à la liste proposée par Xavier, deux morceaux lents : Lady Jane et Angie.
Ranta, j’ai eu Jacobacci studio 2, SG standard Gibson, Firebird Gibson (réédition des années 80) et actuellement une strato de 1973.
Ah, j’ai joué sur SG, j’aimais bien. En revanche la les Paul 👿 jamais pu me faire à son manche, ça aurait été la même chose avec une jacobacci studio 2.
Oui, il a un placement rythmique pas évident, d’ailleurs jeff Beck lui même a dit : « les Stones ? laisse tomber, ce sont des obsédés rythmiques c’est même pas la peine d’essayer de leur plaire »
J’ai pas vu beaucoup de firebird. Une strat de 73, tu l’as volé où ? 😆 doit as en rester des masses sur le marché, non ?
La strat de 73 ? Non, pas volée, achetée d’occasion en 81.:lol: . Mais elle n’a pas une très grosse cote, c’est une fabrication CBS.
Je rajouterai aussi Brown sugar dans le genre morceau à la con avec ses placement rythmiques.
c’est vraiment Noel ce matin ! avec cet article totalement jubilatoire qui rehabilite les Stones sur Disons :lol:,un grand merci a Xavier ! 😉
ma preference definitive, la version live de Midnight Rambler 😉
Bon article Xavier.
Heureux de retrouver un article sur les Stones. Certes, ils étaient loin d’être tous d’excellents musiciens, surtout le batteur qui est limite amateur, mais le tout fait de l’excellent rock sublimé par un chanteur exceptionnel. A l’époque, on formait des groupes avec ce qu’on avait sous la main. Le batteur était celui qui avait pu s’acheter une batterie, souvent un fils à papa, le pianiste avait suivi un enseignement classique et le guitariste était celui qui avait les cheveux les plus longs. Le tout donnait quand même des trucs intéressants, car il y avait de la créativité et des territoires vierges à explorer. j’ai bien connu cette époque 8)
ma préférence va à Can’t you hear me knocking, grande époque
Deux morceaux en un 😉
Bonjour à tous et joyeux Noël,
Je passe vite fait entre deux huitres à ouvrir.
Merci pour vos appréciations. Léon chercherait-il à réouvrir la guerre Stones/Beatles ? 😀 parce que sinon j’écris la suite.
Profitez bien des vidéos, moi je ne m’en lasse pas.
Yohan, je vous trouve bien sévère avec Charly, Ranta je reconnais que le mot virtuose est un peu excessif mais …
A plus tard et bon Noël à tous
Oui, Yohan abuse. Charlie est un très bon batteur de jazz.
Je dirais plus qu’en terme de limites, sinon très minimaliste, Bill Wyman n’en a jamais trop fait.
Voilà une partie de basse, tout y est, discrète au début mais présente, mélodique, boostante dans les moments forts, soutenant le thème du morceau et la guitare d’hendrix… J’a
L’article a le mérite de mettre un petit coup de projo sur Bertignac, qui, sans étre une pointure, a été sous-estimé, notamment dans la période post-téléphone des « Visiteurs ».
Et puis ce vieux Louis n’excelle pas que dans la six cordes. Ce fut un défricheur de talents, il a su dans les premiers trouver la corde sensible de Carla…
Beaucoup d’autres suivirent et s’engouffrèrent…
Non, vraiment, au delà des « stonitudes habituelles », bien de saluer ce vieux Louis. Un renard, celui-là…..
j’ai beaucoup aimé joué de la basse. Je me suis retrouvé un jour à en jouer parce que l’on trouvait pas de bassiste rentrant dans nos critères, bien sûr comme tous j’en avais taté, comme de la batterie, mais devoir assurer un répertoire c’était autre chose : je me suis souvenu de ce que disais le bassiste de Pink Floyd « un bassiste est un soliste frustré ». Une vraie révélation, avec le recul mes meilleurs moments en formations onyt été à la basse. C’est un instrument plutôt mal considéré mais ô combien essentiel avec lequel on peut se contenter de soutenir,ou d’explorer,ou de booster etc…. pour moi, un instrument qui recèle bien des facettes pour peu que l’on veuille les découvrir.
Ah, pour ceux à qui ça parle : j’ai pris la basse dans notre période jazz-rock la Jeff beck.
Voilà ce morceau dont je parle plus haut avant que le bouzin ignore qu’on est noël et qu’il veuille me les…. Ecoutez bien la basse…. géant.
yep
http://www.youtube.com/watch?v=rhrqZP_qVyU
Allez ! on va encore remercier Xavier avec cet extraordinaire Midnight rambler des Stones qui renvoient les Beatles au musée de cire de Madame Tussauds (réponse du berger á la bergére, pour Léon
qui avait dit, je cite :comparer les Beatles et les Stones c’est comme comparer un château Yquem millésimé et de la Kronembourg) 👿
Xavier: « les Stones c’est avant tout du boulot,encore du boulot, toujours du boulot »… et une présence scénique absolument outstanding !
Last but not least il préparent une tournée qui les menera jusqu’en 2012 😯 😆
again ici me fatigue le bouzin 🙄
Bonsoir Lorenzo,
A force de fréquenter mon beau-frère, j’ai compris pourquoi ils préfèrent les Beatles, rien de grave.
Malheureusement pour moi, les Stones m’ont quitté avec Mick Taylor.
« Midnight rambler » le vagabond de minuit, définitivement oui ! Il faut l’écouter sur le LP « Get yer ya ya’s out » enregisté en public lors de leur tournée en AMNord de 1969. Par décence, je ne traduirai pas. En tout cas, l’un des meilleurs si ce n’est le meilleur album de rock enregistré live.
Je laisse la conclusion à Patty Smith qui disait vers la fin des années 70, à peu près ceci :
« Les Stones ? Ils m’ont tellement donné que maintenant ils peuvent faire ce qu’ils veulent, leur crédit dans mon coeur est tellement énorme qu’ils ne risquent pas d’être à découvert »
Correction :
les Stones m’ont quitté quand Mick Taylor s’en est allé.
Bonjour Xavier,
j’avais immédiatement rectifié le sens de votre phrase 😉 je comprends votre position de puriste que je respecte, mais je ne saurais pour ma part me priver de la production
des Stones post 1974 qui continue de me réjouir.
D’accord á 200% apropos de la version live dont le lien sur Dezzer ne fonctionne pas (peut être á cause de droits en Espagne 🙄 :?:)
Sans conteste á mes yeux le meilleur album Live de Rock de l’époque et le meilleur solo de guitare toutes catégories confondues 😉
Je remets le lien ici 😉
Je ne sais si vous connaissez cette version de Hey Joe (oui je sais Léon la rubrique Hey Joe c’est á côté :lol:) avec Wyman et Bertignac un vrai plaisir !
Je ne démentirais pas Patti Smith, crédit illimité 😉
Tss, tss, la Kronenbourg a sa place. Mais dans la choucroute uniquement…. 😆
Ok Léon, encore que c’est un risque á prendre avec Castor qui ne jure que par celles ci 😆