Dernière chasse
Il se retourne, inquiet .
Mais où est-il passé?
Le fouet de sa queue s’agite comme pour inviter son frère à sortir du taillis. Tant de fois il a dû activer de la voix son traînard de frère . Faut dire qu’il rechigne toujours à courir le sanglier,
« Victrix le flemmard »
C’est ainsi que le dénommait la confrérie des Courants quand ils se retrouvaient chaque année à l’ouverture aux sangliers. Ça déboulait dans les cistes et les genets s’encourageant et s’égosillant « baou ! baou ! baou ! »
« Il est là prenez garde ! Le vieux Noir avec sa défense à main gauche ! »
Victrix , le poète, préférait courser un papillon ou une grenouille, prenant prétexte de tout pour couper à la battue ! Victrix le frangin s’accroupissant tremblant aux détonations des 12
Seul l’aboiement rare et sec de la carabine du maître le laissait imperturbable .
Bref, Victrix cet improbable beagle de chasse, avait son pendant bien à lui, un qui donnait de la voix pour deux, courrait deux fois plus, battait deux fois plus de taillis et qui n’hésitait pas lui à affronter le Gros Noir.
Ah ça lui en coûtait du travail pour que le maître les garde tous deux.
Mais où est-il passé ? Il n’est pas là comme d’habitude à attendre près de la voiture ! Si ça se trouve il a couru jusqu’au jardin pour jouer à exciter la petite fox terrier des voisins. Ou bien ? Ou bien c’est après le chat du bout de la rue qu’il cavale ?
Ce n’est pas tout ; mais avec ça, je me retrouve encore une fois tout seul à faire le boulot.
Le maître fait le geste de la main , allez « coule ! coule ! »
Il y va au fond du fond du taillis, mais le cœur n’y est plus.
Le souffle est toujours là mais l’envie s’est envolée.
Où est donc Victrix ?
Celui qui me tenait chaud le nuit , celui qui attendait toujours que je commence la pâtée .
Où est mon frère ?
Mon frère qui gémissait en dormant ,vivant en rêve les chasses qui l’incommodaient tellement dans le réel. Au temps de l’enfance et du dressage quand le maître grondait Victrix…
Combien de fois, lui, Ulpia a-t-il planté son regard dans ceux du maître ?
Comme pour lui dire
« C’est pas grave je travaillerai pour deux » …
« Je lèverai le cochon comme si nous étions deux . »
« Victris donnera de la voix, maître, il fera le vrai chien devant les autres . »
Mais le maître et moi saurons qu’il n’est pas fait pour le combat et l’excitation des chasses
Il se retourne inquiet « ? Où est Victrix ? »
Le maître ne sait pas lui dire .
Ulpia a oublié que le mois dernier, un mardi matin, Victrix ne s’est pas levé. .Victrix s’est endormi pour des chasses où les fusils sont muets où l’on peut suivre la trace d’un hérisson tout le jour à s’en enivrer la truffe sans que personne ne vous gronde .
Le maître et Ulpia se promèneront encore dans les bois au pieds de la Sainte Baume ,mais la carabine restera au mur . Jusqu’à la fin des longues promenades qui lui sont dues pour ses années de bons et loyaux services, Ulpia sait, que lui et le maître, parfois, ensemble se retourneront, s’attendant à voir surgir le traînard , le rebelle, le joyeux j’ m’enfoutiste cet éternel amoureux de la vie qu’était son frère.
Invaincu tel fut Victrix ! ………
Transmis de Ulpia à Asinus
Lectures :7687
Il y a 30 ans. J’allais chercher du vin dans une propriété des hauteurs de Jouques …à une 20aine de km d’AIX
Ne connaissant guère le chemin, j’étais plus que prudent….Quand….
À deux cents mètres une petite boule noire traversa le chemin rouge, puis une autre, et d’autres encore plus imposantes.
À la fin le plus gros immobile et face à moi se décida à suivre les autres , mais sans se presser.
Cette façon d’envoyer un message rien que dans l’attitude.
C’était mes premiers sangliers….
Plus tard
Il y a 15 ans j’échappai on ne sait pas comment à leur rencontre qui aurait pu être bien plus funeste…
J’ai raconté l’histoire sur Maboul .
Les populations de sangliers sont largement excessives dans le Sud du Poitou.
On sait tous que tu déteints sur les autres sur la route.
Pourquoi voudrais-tu que les sangliers respectent les stop et les feux-rouges ?
Bon, ce que j’aimerais savoir, et ce dont Asinus se garde bien de dire, c’est lequel des deux chiens ressemblait le plus au maître 😆
Une question de fond en effet.
Y’avait comme qui dirait une sorte de hiérarchie militaire.
le troufion qui monte à l’assaut et le général en chef qui reste planqué dans les fourrées.
yep , mon cher Ranta , le patron un rien paternaliste , l’ouvrier zélé pis le troisième larron se refusant a toute collaboration de classe …
C’est un très beau texte Asinus, un bel hommage à ton improbable chasseur.
Je ne voudrais pas me moquer mais chacun sait que Snoopy lui aussi est un beagle. 😆
Oui, mais personne ne m’a jamais surpris et photographié en arrêt devant Adriana Karembeu comme Asinus sur la dernière photo illustrant l’article ….
En tant que » père de famille cartholique » je suis extrêmement choqué et exige le bannissement du webmaster et sa déportation aux studios Tex Avery
Je m’étonne aussi que certains, dont on sait pertinemment qu’ils n’ont jamais chassé autre chose que le waldingo sur les sites citoyens, puissent mettre en doute les talents cynégétiques de l’auteur : des jaloux de son talent littéraire qui admettent mal que l’on puisse trouver sur Disons autre chose que du Dugué ou de l’Alinea 😈