Chroniques martiennes 2

Les jours se suivent et se ressemblent. Les nouvelles semblent ravies d’annoncer des records chaque jour, comme s’il s’agissait de températures. Au milieu de tout ce brouhaha, le choix de la polémique est toujours ajusté suivant un calendrier bien défini. Aujourd’hui il faut parler de chloroquine, on va oublier les soignants. Demain, ça sera les masques.

La chloro, coquine

Une polémique se distingue toujours parce qu’elle coupe la population en deux: ceux qui sont pour et ceux qui se demandent si on doit impérativement avoir un avis sur le sujet pour ne pas passer pour un con. Notre substance se retrouve donc au coeur des débats, ce qui serait amusant si cela n’étalait pas au grand jour l’inanité de l’information et de sa circulation.

A la base, l’éminent professeur (j’ai cru entendre dire qu’il était rejeté par le système, il suffit de lire sa liste de récompenses et postes pour se rendre compte que non), utilise les réseaux sociaux pour exposer sa théorie et affirmer tout de go qu’elle fonctionne. Le moyen peut lui être reproché, mais pas vraiment le fait d’expérimenter rapidement un remède, en s’affranchissant de beaucoup de protocoles.

En effet, il n’agit pas en scientifique mais en médecin. Il faut savoir dissocier les deux (on peut être médecin avec un bac littéraire, ce qui implique que le niveau d’acquis scientifique est assez faible au final). Face à la guerre sanitaire, il décide d’un protocole et le suit. Il doit soigner les malades et on peut comprendre sa réticence à faire des groupes randomisés en double aveugle, car il est là pour traiter réellement, pas pour étudier.

Mais là où la dérive commence, c’est la reprise de ses affirmations par toutes sortes de personnes compétentes ou non et plutôt non d’ailleurs, qui ont créé une réalité qui s’est imposée. Plus de gens croient en la chloroquine en France qu’en Dieu, et pourtant les preuves doivent être du même niveau. Il n’y a aucune rationalité dans le débat il ne pourra plus y en avoir. Le glyphosate, c’est mal mais la chloroquine, qui a pourtant des études montrant sa dangerosité, c’est bien. Un don du ciel comme dit Trump. On pourra demander sans rire à un fervent partisan du médicament d’en prendre un plein verre, comme il a été demandé aux défenseurs du glyphosate.

Le pesticide est supposé être mauvais et donc toute étude démontrant le contraire est balayée du revers de la main. Il n’y a d’ailleurs pas besoin d’avoir de preuve pour demander de l’interdire.

La chloroquine est supposée être bonne et donc toute étude démontrant le contraire est inconvenante. Il n’y a d’ailleurs pas besoin d’avoir de preuve pour demander à l’utiliser.

Ce parallèle est d’autant plus frappant que les personnes anti glyphosate et cherchant le moindre problème de microdoses ou d’effets cocktails sont beaucoup moins regardantes sur la chloroquine et ses effets secondaires. De même que les personnes défendant le glyphosate sur la base d’études , décident subitement de s’en passer pour acter l’intérêt du traitement raoultien. J’ai pris le glyphosate mais on pourrait parler des vaccins, c’est pareil.

Nullité scientifique

J’en ai déjà souvent parlé ici, notre pays est d’une nullité scientifique confondante. Les élites ou prêtres modernes (médias) sortent tous de filières économiques, sociologiques ou littéraires. Un journaliste de France Inter vient de découvrir ce qu’était une échelle logarithmique (véridique!). Cela ne l’avait pas empêché de donner son avis sur toutes sortes de faits et d’études jusqu’ici. Nous n’avons aucun scientifique de talent qui soit mis en lumière par le système. Nous n’apprenons plus la logique du raisonnement à l’école: les maths sont sacrifiées au seul profit du calcul. Un exemple? Niveau collège, exercice: on reste sur le théorème de Thalès, mais on ne demande jamais d’écrire le raisonnement qui conduit à poser l’équation. L’exercice donne directement l’équation qu’on a plus qu’à résoudre. La partie la moins intéressante des maths. Autre exemple: combien d’élèves savent ce qu’est une équivalence, une implication, une contraposée, un contraire? Trop compliqué. On parlera plutôt de sauver la planète en faisant de la sociologie de comptoir. Trop dur de savoir que si A implique B alors non B implique non A . Laissant tous nos jeunes adultes à la merci du moindre syllogisme basique.

En français le commentaire composé avait remplacé la dissertation. Il va être totalement remplacé par le commentaire linéaire. Puis de toutes façon tout cela sera remplacé par un grand oral, plus pratique pour masquer les lacunes.

A la radio, à la télé, il ne reste plus d’émission scientifique. Le service publique est totalement indigent. A la place on a des pseudos enquêtes-débat avec des gens incapables de faire une somme quadratique, incapables de comprendre une incertitude. La règle de trois est leur summum de compétence technique. Les élus ne savent même plus faire des conversions métriques de surface mais vont parler de rayon d’action d’une composé. On philosophe, on bavasse, on joue sur l’émotion et pas sur la raison. Contextualiser? pas intéressant. Expliquer? trop dur. Raisonner? on va perdre de l’audience. Franchement un scientifique ça fait pas rêver (sauf s’il est un peu excentrique comme Villani mais c’est juste pour ça qu’il intéresse). Je vous conseille de suivre le hashtag #nofakescience. Vous sera surpris du niveau d’imbécilité de nos décideurs. La seule information scientifique doit rester les annonces des « super lunes » tous les 3 mois, c’est dire.

Les journalistes n’écoutent pas les scientifiques. Les politiques n’écoutent que ce dont parlent les journalistes.

https://www.pseudo-sciences.org/La-methode-scientifique-oubliee-dans-les-medias
la tribune pour un meilleur traitement de l’information scientifique

Conclusion

Cette crise a été un phénomène ininterrompus d’info ou de mensonges institutionnels, ou non. Et nous y reviendrons. A cela s’ajoute l’enterrement sans fleur ni couronne de toute méthode scientifique. Nous sommes passé d’études in vivo improbables, à études in vitro qui veulent rien dire à sondage dans la population pour finir par pétition; afin de valider un soit disant traitement qui fonctionne. Même la pub du télé achat est mieux faite.

Laissons les scientifiques travailler si on veut des preuves. Pour croire, on a le Père Noël et les cloches de Pâques.

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1 Commentaire
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D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
10 avril 2020 8 h 16 min

Bonjour Lapa…
J’ai raté la parution de ton article hier….
Malgré son amertume ton texte est réconfortant pour ceux qui pensent que la pensée et l’incompétence citoyenne sont extrêmement nocives
Les organes qui s’offrent à les recueillir et donc à les amplifier le sont plus que tout autre.
Il faut détruire Maboul.
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On voit pourtant que nos décideurs sont soumis à leur effarante pression….
Il n’y a plus de décision politique assumée mais soumission aux diktats de l’opinion…et tentatives désespérées pour masquer l’impréparation générale au plus haut niveau de l’Etat…
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La France Sarko Hollandienne n’a pas seulement produit un Macron « tout dans la frime » mais elle l’a aussi privé des outils rudimentaires de la Santé publique.
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Dans le brouhaha je n’entends pas confirmer qu’il faudra bien que la CONTAMINATION atteigne ce qu’elle doit atteindre c.a.d. 70% de la population.
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Ce qui ne veut pas dire 70% de malades
Que sur ce chiffre 1% soit hospitalisé serait un bon chiffre …
Que le confinement , en lissant la courbe permet aux Urgences d’absorber ce n’est pas sûr….
Mais il faut du temps…
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https://www.pseudo-sciences.org/