« Arrangeur » et « producteur » en musique.

George Martin, le 5e Beatle

Deux métiers proches et souvent confondus.

Pour passer d’une chanson ( dont on n’a que le texte, la mélodie et généralement une grille d’accords d’accompagnement), au produit fini, des gens dont c’est le métier doivent décider de son habillage sonore et de son enregistrement  : quels instruments seront utilisés, comment et à quels moments ils doivent intervenir, ce qu’ils doivent jouer. Et une fois tout cela décidé, quelqu’un doit, le cas échéant, écrire les partitions, embaucher les musiciens et diriger leur travail au cours de l’enregistrement en studio.

Ce métier comporte donc une part créative (imaginer l’environnement sonore du titre) et une part technique.

La partie  créative, qui ressemble à celle du réalisateur en cinéma est assumée par le producteur, ce terme n’a donc pas du tout le même sens qu’au cinéma où il désigne celui qui finance le film. Le producteur est celui qui a la responsabilité artistique du produit fini. Il est très rare qu’il ne soit lui-même un bon musicien. Il a aussi, incidemment la responsabilité de « tenir les budgets » en termes d’heures de studio et de rémunérations des musiciens.

La partie purement technique est laissée à l’arrangeur qui doit écrire les partitions et diriger normalement le travail des musiciens en studio, quoiqu’il puisse y avoir encore l’intervention d’un chef d’orchestre distinct, surtout pour les « ensembles » . L’arrangeur, s’il utilise des instruments classiques, doit connaître toutes leur tessitures, les clés dans lesquelles s’écrivent leurs partitions, les notes à éviter, les difficultés propres à chaque instrument etc. Il est très fréquent, et pas seulement  sur les « petites productions », que l’arrangeur, le chef d’orchestre et le producteur soient la même personne.

Très peu de producteurs et arrangeurs sont connus du grand public :

Il y a , bien sûr, George Martin pour les Beatles, sans lequel, ils n’auraient jamais été les Beatles.
C’est lui qui est responsable, notamment, de l’enrichissement de leur musique par des sons et des ensembles classiques (ex : le cor dans Cry for no one, la clarinette dans When i’m sixty four, la trompette baroque pour Penny Lane, l’ensemble à cordes pour Eleonor Rigby etc…) et d’un certain nombre de trouvailles comme ce pont de liaison entre les deux parties de A day in the life, la bande ralentie de Strawberry fields ou les musiques aléatoires d’orge de barbarie dans For the benefit of mister Kate. Il a été omniprésent dans leur musique à partir du moment où ils ont décidé d’arrêter la scène.  Il doit être considéré comme le cinquième Beatle.
On connaît aussi  Quincy Jones qui a travaillé pour beaucoup d’artistes américains et a certainement été responsable du meilleur de Michael Jakson.
En France je voudrais citer Jacques  Revaux qui a longtemps été le compositeur mais aussi le producteur de Michel Sardou. C’est quelqu’un qui m’a toujours époustouflé par sa virtuosité : il faut voir ce qu’il a réussi à tirer de cette musiquette stupide et simplissime des « Lacs du Connemara ». Voilà le cas très rare d’une chanson qui, à mon avis, ne tient que par son arrangement. Et quel arrangement ! Grandiose, somptueux, inventif, cumulant toutes les difficultés, magnifiquement écrit et interpété…
Un mot également de ce monsieur dont la courtoisie n’avait d’égale que sa modestie, François Rauber, qui a été l’arrangeur quasi-exclusif de Brel. Musicien très, très « classique » d’inspiration mais qui est l’auteur, entre autres,  d’un arrangement pour Brel qui me laisse pantois chaque fois que je l’entends : celui « d’Orly », une chanson de son dernier album avant sa mort. Il fallait oser un tel arrangement, cette ponctuation subite et énorme sur la guitare sèche après le mot « Bécaud » qui enclenche l’arrangement symphonique puis ces impros multiples de trompettes en fond… Que c’est beau… et que c’est bien trouvé… Que cela sert bien la chanson… Car c’est une autre contrainte de ce métier : l’arrangeur est au service de la chanson, de l’interprète, pas l’inverse. Il doit savoir s’effacer…

Un exemple sonore du travail d’un arrangeur

Voici, sur une chanson de Jean-Luc Debattice, (les aventures  de ce malheureux Capitaine Stone), un exemple d’une version de travail ( extrait) telle qu’elle avait été  fournie la première fois à l’arrangeur  avec seulement la voix et une guitare,  suivie de sa version studio.

Capitaine Stone (JL Debattice)

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16 Commentaires
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Marsupilami
Marsupilami
8 juin 2010 9 h 34 min

Bel hommage à Georges Martin, le vrai 5e Beatles. Un très grand musicien et arrangeur. Idem pour Quincy Jones et Revaux. A l’inverse on a le très controversé Phil Spector et son wall of sound qui a fait quelques arrangements magnifiques pour Queen ou les Beach Boys, mais a aussi entre autre massacré Death of a ladies man de Leonard Cohen.

Marsupilami
Marsupilami
8 juin 2010 10 h 45 min
Reply to  Marsupilami

A propos de George Martin : en 2006 est sorti un album des Beatles, Love, avec des classiques réarrangés par Martin et son fils. J’aime beaucoup. Tu connais, Léon ?

Léon
Léon
8 juin 2010 14 h 24 min
Reply to  Marsupilami

Non, je ne connais pas, Marsu, je vais essayer de ne pas mourir idiot… 😆

Emile Red
Emile Red
8 juin 2010 9 h 43 min

Arghhhh !!!

Harmonie et contrepoint les deux mamelles de la difficile transe… orchestrale.

Tiens une bonne découverte d’Alan Parson (preneur de son de génie) la semaine passée sur France Inter, mais je m’égare, saint hasard.

ranta
ranta
8 juin 2010 11 h 30 min
Reply to  Emile Red

Ce qui est intéressant aussi c’est le passage de la version studio à la version scène.

Tu pourrais nous en dire plus Léon ?

Léon
Léon
8 juin 2010 14 h 46 min
Reply to  ranta

Je ne sais pas trop ce que tu souhaites savoir, Ranta.
Dans le principe, le public attend généralement de pouvoir réentendre sur scène, exactement ce qu’il a entendu sur le disque. Avec les moyens techniques actuels c’est devenu possible (Par exemple, le titre « Capitaine Stone » que j’ai mis comme illustration, qui date de 1981 ou 1982, aurait été à peu près impossible à reproduire tel quel, sur scène, à l’époque). Sauf que, parfois, cela peut être très coûteux, s’il y a par exemple un orchestre symphonique et/ou des choeurs. Alors on prévoit une version réduite des arrangements du disque, rendue possible par les échantillonneurs et les claviers actuels. C’est un arrangeur évidemment qui s’en occupe, et en général c’est un musicien, chef de l’orchestre de scène.
Mais il arrive que l’artiste, volontairement, cherche à surprendre son public en lui proposant une version sur scène, éloignée de la version originale, ou que ce soit l’insuffisance de moyens qui conduise à chercher des arrangements plus simples pour la scène. De manière générale, la scène gomme les subtilités des arrangements prévus pour le disque, aussi certains trouvent inutile de s’emm… Sur scène ce sont les grosses ficelles qui marchent.

ranta
ranta
8 juin 2010 15 h 02 min
Reply to  Léon

Oui, c’était ça Léon.

Une autre question, est-ce que lorsqu’on écrit un morceau, qu’on fait les arrangement on pense aussi à la façon dont elle sera interprétée sur scène ?

Léon
Léon
8 juin 2010 15 h 40 min
Reply to  ranta

Je ne peux pas te garantir la réponse à 100 %, mais, de ce que j’en sais, c’est non. Le travail de studio est spécifique et ceux qui bossent là-dessus ne se préoccupent pas de ce qui va se passer sur scène après. Avant tout parce que c’est de l’éventuel : on ne peut pas trop savoir à l’avance si la chanson marchera et si on la jouera sur scène plus tard.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
8 juin 2010 12 h 11 min

On ne saura jamais dire assez: le fabuleux cadeau, l’immense opportunité qui nous ont été offerts ce mardi 27 avril.
Merci Léon de m’inviter , de m’apprendre à aller voir la musique dite de variété.
Stupide , bien sûr stupide mon exclusive.
Encore merci

Didier Donatien Albert. LF

Buster
Membre
Buster
8 juin 2010 12 h 50 min

Ce qui me permet de comprendre un peu mieux ce métier de producteur musical, exercé par une de mes connaissances.

Léon
Léon
8 juin 2010 14 h 26 min
Reply to  Buster

Je crois que le titre qui lui conviendrait le mieux serait « directeur artistique ».

SANDRO
SANDRO
8 juin 2010 14 h 06 min

Je crois bien me souvenir que Bashung disait de l’arrangeur : « c’est celui qui a une demi-ligne de crédit dans la 4 eme de couv. de l’album si ça se passe bien, et celui qui fout l’album en l’air si ça se passe mal et qu’on n’est pas attentif ».

Celui qu’interprète et parolier peuvent hair pendant des années…
Rien que pour cela, c’est un dur métier.

Bref,la version artistique de la fameuse phrase citée par les « chefs » à leurs subordonnés en entreprise ( ou dans l’administration ):

« si ça se passe bien, j’ai gagné.
Si ça se passe mal, vous avez perdu ».

Léon
Léon
8 juin 2010 14 h 49 min
Reply to  SANDRO

C’est tout à fait exact, Sandro. Lorsqu’un arrangement est réussi, en principe on ne le remarque pas trop. Je ne pense pas qu’un arrangement puisse sauver une mauvaise chanson. En revanche, il peut très bien en flinguer une bonne !!!!!!!

yohan
yohan
8 juin 2010 18 h 10 min

Léon, C’est bien de parler des arrangeurs, ces gens de l’ombre. Leur travail est essentiel et sans le talent des arrangeurs, combien de disques compromis. C’est quand ils sont mauvais et surtout quand il y en a pas que ça se voit sur le produit fini. Dans la France des années 70, ils se comptaient sur les doigts de la main, j’en connaissais un qui bossait aux studios Davout. Quand on va en studio sans arrangeur, le risque est grand, la réputation des musicos est directement exposée (j’en sais qq chose). C’est pourquoi pas mal de groupe de l’époque partaient enregistrer à l’étranger. Essentiel job donc …

Léon
Léon
8 juin 2010 18 h 31 min
Reply to  yohan

Dans les années 70 ? Pour la région parisienne, on dira les doigts de quatre mains quand même… A Davout, c’était qui ?

yohan
yohan
8 juin 2010 22 h 22 min
Reply to  Léon

Dufoix, je crois