Turan Dursun (1934-1990) une grande figure de l’athéisme turc

Nous ne savons pas bien ce qui se passe en Turquie, « si proche et si lointaine », comme dirait l’autre.

Nous en avons la vision d’un pays à la fois religieux (musulman), mais laïc dans sa constitution héritée d’Atatürc. On sent bien, toutefois, qu’aujourd’hui il en est de la laïcité turque comme de la démocratie à l’époque des « démocraties populaires ». Un mot, une façade, une incompréhension. Un assemblage artificiel, intenable, ce dont on a des preuves tous les jours .

Pays à 98 % musulman, dont entre 15 et 25 % d’alevis, mais qui comporte de toutes  petites minorités religieuses juives, chrétiennes, c’est le seul pays musulman où un athéisme issu d’une apostasie de l’islam soit perceptible avec, toutefois, d’énormes risques pour ceux qui le revendiquent… C’est aussi le seul pays prétendument laïc, où comme le dit un internaute Turc, il soit impossible de trouver un seul livre parlant d’athéisme;  et où le grand pianiste et compositeur Fazil Say soit aujourd’hui  obligé de s’exiler pour avoir déclaré son athéisme !

Le cas peut-être le plus emblématique est celui de ce fantastique bonhomme qu’était Turan Dursun. Notre ami Iskender le considère comme le père spirituel d’IDO, car c’est précisément à force d’étude des textes originels de l’islamisme qu’il est devenu athée. Son histoire est tout à fait hors normes. Voici ce qu’en dit l’un de ses fils, Abit Dursun :

« [ Il était] Un intellectuel qui recherchait le fondements de l’islam contrairement à ce que personne d’autre n’avait fait avant lui, avec son sa superbe connaissance de l’arabe et de l’Islam. Il recherchait et questionnait depuis des années, ce qui, bien sûr, dérangeait les islamistes fondamentaux».

Le père de Turan Dursun était imam et avait voulu faire de son fils un très grand religieux de l’islam, un mufti (c’est à dire un imam qui dirige un groupe d’imams, l’équivalent d’un évêque chez les catholiques) et l’a donc fait éduquer par des tuteurs religieux et dans des écoles religieuses, à l’exclusion de l’école publique ordinaire, où il aurait eu une éducation religieuse que son père jugeait trop rudimentaire.

Sauf que le garçon s’est révélé extraordinairement doué, apprenant toutes les variantes de l’arabe nécessaires à la lecture des textes islamiques y compris celui des 7e-8e siècles, contemporain de l’apparition de la religion. Tant qu’il y était, il apprit aussi le kurde pour pouvoir lire les textes des « savants » kurdes de l’islam, considérés comme les meilleurs en Turquie. Tout cela alors qu’il était encore enfant.

Ayant obtenu sans aucune difficulté, à l’âge de 17 ans son diplôme pour être imam (ce sont des fonctionnaires en Turquie) il devint celui de son village de Sivas. Mais sa renommée grandit assez vite tant sa science était admirable, et en raison de son implication dans un certain nombre d’actions concrètes destinées à améliorer la situation de sa région. Parfois aux détriments des intérêts des religieux. Par exemple il réussit à faire transformer le projet d’un ensemble de logements pour muftis en la construction d’un hôpital…

Il devint lui-même mufti pour sa région entre 1958 et 1966, puis lorsqu’il tombât en disgrâce,  fut envoyé à différents postes sans importance dans des régions lointaines de la Turquie. Mais il continua d’écrire des livres dont le plus important sans doute est le Bu Din ( C’est la religion).

En effet, sa manière de concevoir l’islam, son opposition à l’application de la charia et son attachement au kémalisme, dont il faut rappeler qu’il était assez hostile aux religieux, finirent par lui attirer les foudres des traditionalistes. D’autant qu’en définitive, il finit par apostasier et devenir athée, ce qui provoqua un véritable séisme dans l’opinion, compte tenu de son immense renommée. Il avait, par exemple été sollicité pour concevoir un programme d’éducation religieuse pour les chaînes de télévision publiques turques.

Il le paya de sa vie : Dursun fut assassiné le 4 septembre 1990 par deux hommes armés, dans la rue, alors qu’il quittait sa maison d’Istanbul. Une partie importante de sa bibliothèque fut pillée, notamment les 2000 pages de son « Encyclopédie du Coran », et sur son lit avait été jeté un livre ayant pour titre : « La terreur sainte du Hezbollah » qui, d’après ses proches, ne lui appartenait pas. Un message laissé par les assassins, avec une quasi-certitude…

Les meurtriers, pas plus que ceux d’autres « dissidents » de l’islamisme comme Ucok, Mumcu, et Aksoy, tués à peu près à la même époque et dans des conditions similaires, n’ont jamais été condamnés. Et on appréciera le titre de l’article ci-contre qui annonce son assassinat : « Le journaliste Dursun a été tué »…

En matière de crimes religieux, en particulier, la démocratie turque est une foutaise. Voir cet exemple. Les alevis sont considérés par l’islam sunnite comme des hérétiques. Ce massacre qui a fait 37 morts parmi les plus grands intellectuels alevis qui s’étaient réunis ce jour-là pour un festival, n’est que la suite de nombreuses persécutions dont ils ont été victimes en Turquie.

Très peu d’infos sur le net.

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Une citation de Turan Dursun, pour terminer :

« Je suis conscient de l’importance et de la force de la lumière qui est dans mes mains. J’ai une nature à faire en sorte pour que cela soit profitable pour ceux que nous sommes et pour l’humanité, j’en ai la science et j’en ai le coeur. Mon existence, est de toute évidence vouée à la mort. Mais je veux que mes contributions soient impérissables. L’être humain, par la raison, se débarrassera de ses chaînes en disant ‘ah’, prenant une bouffée d’air pour un monde plus beau. Ainsi je m’évertue à créer ce monde. »

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Et un exemple de son travail sur le Coran:

(Turan Dursun, le 26 Octobre, 1989)

La Lune avait été déchirée en deux et était tombée sur la terre!

Examinons le miracle qui s’appelle Le Shak al-Qamar (Division de la lune ).

Selon la traduction autorisée par l’institut de la Religion, le 1er verset de la sourate al-Qamar dit:

« L’Heure (du Jugement)est proche, et la lune disparaît »

Dans cette traduction, les mots « est proche », et « disparaît » » ne correspondent pas. Dans le verset, pour cette phrase, c’est le passé qui est utilisé. Donc, la bonne traduction est la suivante: (« approchait », et « disparut). Or pour correspondre au mot « enjacca », au lieu de «disparut», nous devrions utiliser « se déchira en deux ». La traduction de l’institut de la Religion est une tentative de dissimuler « l’irrationnel et le non scientifique « , qui était basé sur l’interprétation d’Ibn ul-Gewzi (voir, tefsiru ibnu’l-Gewzi, 8/89). Ces interprétations ne sont pas acceptées par les commentateurs du Coran. (Voir M.Ali Sabuni, Safvetu’t-tefisir, 3/284; Hizin, 4/226).

Pour ces raisons, la bonne traduction de ce verset est:

« L’heure( du jugement) approchait et la lune se déchira en deux. » Les deux versets suivants signifient: «Et s’ils voient un prodige, ils se détournent en disant: C’est de la magie qui continue. Ils ont nié (la Vérité) et ont suivi leurs propres impulsions. Pourtant, tout viendra à être résolu.». (Al-Qamar 2-3)

Comme vous le voyez, ces versets disent clairement que la lune avait été scindée en deux, que cet évènement avait également signifié que le jour du jugement était proche, et que les incroyants avaient refusé cet évènement.

Examinons maintenant les hadiths qui concernent  les événements dont il est question dans ces versets.

Qui est le plus grand, la lune dans le ciel ou la montagne d’Hira en Arabie ?

Les élèves des écoles primaires penseraient que la question est absurde, n’est-ce pas? Pourtant, selon les hadiths, elle ne devrait pas être considérée comme un non-sens… [ NRLR : sur les hadits. ]

Fils de Malik, Anas a dit:

« Les gens de la Mecque a demandé au Prophète de leur montrer un signe (miracle). Donc, il leur a montré (le miracle) du clivage de la lune. La lune a été fendue en deux parties. Ainsi, ils pouvaient voir la montagne d’Hira entre ces deux parties (Voir Boukhari, Sahih e’s-, Kitabu’1-Menakib / 36;..Muslim, e’s-Sahih, Kitabu St – fati’l-Munafdun/46-47, hadith n°. 2802)

Abdullah Ibn Masud a dit:

« Alors que nous étions en compagnie du Prophète dans la Mina, la lune s’est fendue tout d’un coup en deux parties. Une partie va au-delà de la montagne, l’autre est restée sur le côté près de la montagne. Sur ce, le Prophète a dit, « Soyez témoins de ce miracle. » (Voir Boukhari, Sahih es-, la même partie et par Mouslim, Sahih e’s-, même partie, hadith n °:. 2800)

Réfléchissez:

Des mécréants voulaient que Mohammed leur montre un miracle, afin qu’il puisse prouver sa qualité de prophète. Dieu a donné le pouvoir à Mohammed, et Mohammed a montré son miracle: La lune dans le ciel, cette lune sur laquelle ont marché des Américains, la lune que nous connaissons a été scindée en deux parties. La lune, qui a été séparée, est tombée sur la terre. Elle a pu s’intégrer à une toute petite zone de la terre. Quand elle est tombée, elle n’a fait de mal à personne. La lune était été si petite que la Montagne Hira était plus grande. En regardant d’une certaine distance, la montagne Hira a pu être vue entre les deux parties de la lune!

Et réfléchissez encore. Les gens de la Mecque n’ont même pas considéré cet évènement comme un miracle, même en ayant été témoins de « l’événement ». Et la lune qui pouvait être vue de partout, divisée en deux parties est tombée sur la terre, et personne ne l’a remarqué. Personne n’a jamais vu ni rapporté par écrit cet« évènement». Sauf les croyants de Mahomet… En plus de cela, la division de la lune était la preuve que le jour du jugement était proche, comme cela a été dit auparavant.

D’après les hadiths et des versets ci-dessus, nous devrions «croire» ceux-ci. Certes, chacun est libre de croire. Qui peut juger de cette croyance? Ce que nous faisons maintenant, consiste juste à déterminer et exposer. Il ne doit pas être omis que, de la même manière que les croyants ont le droit de croire, les non-croyants ont le droit de ne pas croire. La puissance de l’esprit et la science exigent l’octroi de cette liberté.

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11 Commentaires
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iskender
iskender
2 mai 2012 8 h 11 min

je vois sa bouille de patron de bistro de là bas comme j’en ai vu des centaines, ça fait plaisir.
un ajout qui m’avait échappé: au dessus du titre de l’article: « Il avait reçu 2 jours avant une lettre de menaces ».
je ne suis pas d’accord avec l’internaute turc: on peut trouver des livres sur l’athéisme, y compris de

iskender
iskender
2 mai 2012 8 h 12 min

….Dursun, dans les quartiers éclairés des grandes villes, quartiers assez réduits géographiquement…

Léon
Léon
2 mai 2012 9 h 00 min

En tous les cas, c’est pour moi une assez grande émotion d’évoquer ces « martyrs de l’athéisme et de l’apostasie » en Islam. Il faudra qu’on leur consacre un article entier : une liste, deux mots sur chacun, en Turquie, en Iran, en Algérie, en Egypte, Arabie saoudite, partout où sévit cette « religion de paix et d’amour ». Je lance à tous un appel : des noms.

iskender
iskender
2 mai 2012 10 h 21 min
Léon
Léon
2 mai 2012 11 h 09 min

Super, il y a certainement des pépites…

Causette
Causette
2 mai 2012 19 h 06 min

Bonjour,

Il recherchait et questionnait depuis des années… quelle idée! 🙄

J’ai découvert il y a peu le seul film cinéma (1976/77) sur Mahomet. C’est assez laborieux à voir mais faite un effort nan de dieux! Antony Quinn joue le rôle de l’oncle de Momo, « l’homme invisible » car sa représentation est strictement interdite disent les barbus. A sa sortie ce film a été interdit par les autorités religieuses du Moyen-Orient qui voulaient exigé que Hamza (Antony Quinn) n’apparaissent que de dos :mrgreen: Certaines scènes sont comiques, Mahomet est toujours à côté de l’écran, invisible mais les autres lui parlent, par exemple les disciples voyant leur prophète blessé dans une bataille se précipitent (vers lui) droit dans la caméra, vers nous public.

Quelques faits autour du film
– Moustapha Akkad a réalisé 2 versions, une avec des acteurs occidentaux l’autre avec des acteurs arabes.
– Ce film a été financé en partie par Kadhafi.
– Une partie du tournage se passe au Maroc où une fausse Mecque était prévue. Alors le roi Fayçal d’Arabie Saoudite a convaincu le roi du Maroc que cette fausse Mecque risquait d’attirer des pèlerins loin de la ville sainte réelle. (Akkad l’a réalisée ailleurs).
– Au Pakistan, avant le tournage, des émeutes sanglantes ont eu lieu pendant quelques jours car la rumeur disait que c’était Peter O’Toole ou Charlton Heston qui jouerait le rôle du prophète.
– Pour empêcher la sortie du film, en mars 1977 une douzaine de membres de l’organisation Black Muslims ont pris en otages 149 personnes à Washington, entraînant la mort de deux personnes, un policier et un journaliste . Une quarantaine d’heures plus tard, les otages étaient libérés, certains grièvement blessés de coups de couteaux, d’autres battus.
– Moustapha Akkad et sa fille ont été tués dans les attentats de Amman en 2005.
– Random House Us a récemment annulé la publication The Jewel of Medina, un livre sur l’épouse enfant de Mahomet par crainte d’offenser les musulmans. Egalement retiré au Royaume-Uni quand la maison d’édition a été la cible d’une attaque à la bombe incendiaire.

Pour voir le film en entier (vf) c’est ici.

En le regardant j’ai souvent pensé à Monty Pithon.

Causette
Causette
2 mai 2012 19 h 11 min
Reply to  Causette

Python pfff! Monty Python.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
3 mai 2012 18 h 39 min
Reply to  Causette

Je l’ai vu ton film avec Antony Quinn, aux dossiers de l’écran je crois.Ahhh les débats des dossiers de l’écran !

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
3 mai 2012 18 h 36 min

Bonsoir .
Nous aurons tous remarqué que les aficionados de l’éloge funèbre au mètre n’ont rien à dire de cet homme qui ne faisait pas l’élevage de grenouilles de bénitiers.
Honneur et respect à cet Ultra de la liberté et des droits de l’homme.

Causette
Causette
3 mai 2012 20 h 10 min

ça alors! les dossiers de l’écran. Oulala!, j’aimerai bien écouter ce débat mais je ne le trouve pas à l’Ina.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
3 mai 2012 20 h 22 min
Reply to  Causette