Le Grosse Fatigue du jour

C’est comme ça que je l’aime. Je l’aime quand il me file un bourdon pas possible , qu’il me met trois tours dans la vue dans cette course dans ce concours à celui qui distille le plus fort marasme..

Si vous préférez ses textes sur les sujets de politique et vie sociale , vous pouvez les retrouver sur son blog .Vous avez même le droit d’y flâner, musarder …

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Il y avait cette femme amoureuse de moi

samedi 31 août 2013, par Grosse Fatigue

Elle me l’a avoué en mai en bégayant. C’était très touchant. Je n’ai pas compris au début, je n’ai plus l’habitude de ce genre de choses auxquelles personne n’a l’habitude, plutôt l’hébétude, dans ce genre… Elle ne me regarde pas, elle en est gênée, elle ne sait rien de moi puisque l’on travaille au même travail, elle a juste imaginé que j’étais partant simplement parce que je suis tout le temps plutôt parti, parce que je suis détaché, parce que je m’en fous. Elle me l’annonce comme ça, presque tout de go, après plusieurs approches par textes interposés, beaucoup de romantisme et de phrases codées. Je sais que c’est simplement un grand moment de réalité pure pour elle, comme un trou dans l’espace-temps, le vide par en-dessous, une envie de descendre du train. Et puis je connais son mari, je comprends qu’elle ait l’envie subite de prendre la clé des champs. Qu’elle imagine que j’en possède une copie m’étonne plus que tout et je ne sais pas quoi répondre. Je suis plutôt un cuistre, un obsédé vertueux des filles dont on rêve encore malgré les plis aux yeux, je n’ai pas vraiment besoin de nouveaux sentiments, à quarante-sept ans, je sais bien où ça mène, l’aventure à la rigueur, l’adultère, c’est l’âge, mais l’histoire d’amour qu’elle s’invente sous mes yeux en m’imaginant personnage principal, j’essaye de lui dire non merci ça va bien continuons à rigoler mais tu vas être déçue j’ai un micropénis c’est pour ça que toutes les femmes qui ont cru en moi m’ont quitté restons amis Sophie. Mais l’émotion m’a un peu emporté, comme à la fin de Sugarman, le film sur Sixto Rodriguez. Ainsi donc, on voit rejaillir le feu de l’ancien volcan et tout le tralala. Non pas que ce fût flatteur, c’était juste émouvant, comme si la nature reprenait ses droits et que j’étais redevenu l’imbécile plein de cheveux longs qui cachaient mon cou en fac de lettres. Je peux lui dire n’importe quoi, elle a perdu tout bon sens, elle sourit, c’est sans doute chimique, il faut que je téléphone à Konrad Lorenz pour en savoir plus sur les aspects éthologiques du comportement des femmes, pour la prévenir que la chimie nous illusionne et ne se contente pas de nous empoisonner de l’extérieur, l’intimité nous joue des tours, faut pas t’emballer Sophie.

Mais je ne dis rien, je sais que la partie est jouée, que j’ai une vie pas deux, même si le soir j’essaye avec un couteau céramique Ikéa™ de me couper en deux, genre insecte qui repousserait tout vert et courageux. J’attends que l’été passe et que la réalité lui revienne, qu’elle comprenne que je n’ai pas le permis et pas la voiture, que l’on ne croit plus aux départs, et que vais bien comme ça : mon problème n’est pas là. Je ferais mieux de démissionner mais il est toujours trop tard. Un jour, j’écrirai un roman sur le problème de tous les mauvais choix que l’on fait sans cesse et toujours trop tard pour devenir comme tous les gens qui font des mauvais choix : statiques.

L’été passé elle est revenue à elle et je suis resté moi, même coi et même plus : un peu déçu des remerciements. Je n’ai rien osé, elle a retrouvé le conducteur du train et moi rien, merci, ça va comme ça, il faudrait que j’écrive un vrai livre en écoutant Sugarman, c’est vraiment bien.

C’était la dernière fois qu’une femme tombait amoureuse de moi.

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D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
5 septembre 2013 16 h 57 min

Je me suis dit longtemps que j’aimerais écrire comme Fatigue.
Je me le dis toujours