Lettre de Wolinski à sa femme

Novembre approche qui nous rapproche de Janvier. Les vraies douleurs n’échappent pas aux platitudes. Je viens de rencontrer sur « Des Lettres » un des derniers textes de Wolinski. Il est bon que les martyrs victimes de l’Islam ne soient pas oubliés

 

Lettre de George Wolinski à sa femme Maryse

Pourquoi t’ai-je écrit cette lettre ouverte ? Sans doute parce que j’ai atteint l’âge où l’on aime faire le point. Je ne suis plus jeune. Je ne suis pas vieux. Il me reste pas mal de belles années dont je compte bien profiter autant que je pourrai. Tu es inséparable de ces années, et j’en suis fort heureux.

Si tu étais un peu plus hypocrite, comédienne et soumise comme la plupart des femmes sont obligées de l’être, cela me faciliterait l’existence. Mais tu ne me fais pas de cadeaux. Ton œil est implacable, ton ouïe infaillible, impossible d’être, en face de toi, faible ou lâche, malhonnête ou brutal, ou encore d’avoir les ongles pas très nets. Tu es vraiment la femme qu’il me fallait parce que je n’ai pas de volonté et que, grâce à toi, j’ai sauf-didierl’air d’en avoir. Seul, j’aurais traîné toutes les nuits dans les bars. Je serais devenu gros, sale et alcoolique. Je crois que tout ce que les hommes font de bien, ils le font pour essayer d’épater leurs femmes. Heureusement qu’elles existent !

Mais cela devient de plus en plus difficile de les épater. Car elles jettent sur nous ce terrible regard qui nous effraie par sa lucidité. Et elles prouvent tous les jours qu’elles savent tout faire aussi bien que nous. Il est certain que nous sommes à une époque où de nouveaux rapports sont en train de se créer pour le couple. Les mœurs et les habitudes de vie ont plus changés ces dix dernières années qu’en cent ans. J’ai passé ma jeunesse au milieu des tabous, et pourtant j’avais des parents ouverts et affectueux. Les mères actuelles accordent à leurs filles des libertés que leurs mères n’auraient même pas imaginées. Nous vivons dans une période charnière où les valeurs bourgeoises s’effondrent et où, cahin-caha, nous avançons vers un socialisme inéluctable.

Au milieu de ce bouleversement où les femmes émues découvrent les joies de la sororité et redécouvrent, adultes, les amitiés adolescentes, où les maîtres d’hôtel, vite blasés, ne s’étonnent plus de voir les femmes goûter le vin dans les repas d’affaires, où les femmes promoteurs président les conseils d’administration cigare au bec, l’homme reste tout de même, comme l’or, la valeur refuge.

Être féministe, c’est bien, c’est normal ; c’est à la mode et c’est chic. Mais être seule dans la vie, cela reste une tare, un sujet de moquerie et un problème angoissant pour les femmes. Vous avez besoin de nous, j’en suis persuadé, comme nous avons besoin de vous. Mais vous, vous avez surtout besoin de faire des gosses, et ces gosses, plus que nous, vous enchainent. Réfléchissez-vous vraiment à ce problème au lieu de comptabiliser ses griefs dont vous nous rendez trop facilement responsables ? Quand refuserez-vous d’être des pondeuses ?

Nous sommes comme des professeurs soudain chahutés. Notre autorité en prend un coup. Certains ne le supportent pas. D’autres sont trop complaisants et en rajoutent jusqu’à la veulerie. D’autres enfin, dont je fais partie, du moins j’espère, préfèrent être aimés qu’obéis, estimés que craints, et demandent simplement un minimum d’égard, de gentillesse et de compréhension.

Finalement, nous sommes assez fiers d’avoir des femmes féministes. Elles sont pour nous un label d’intelligence et d’ouverture d’esprit. Je suppose que certains romains devaient affranchir leurs esclaves pour des raisons similaires. J’ajouterai que le féminise, après tout, vous occupe, vous donne du travasalon_du_livre_de_paris_2011_-_georges_wolinski_-_007il – un travail que vous n’enlevez pas aux hommes. Vous écrivez des bouquins dans lesquels vous dites ce que vous pensez de nous. Vous faites des journaux sans mode pour que l’on vous prenne au sérieux. Vous luttez, vous manifestez, vous vous agitez, vous vous indignez. Vous vous moquez de nous. Oui, cela vous occupe. Et vous évite peut-être de penser et de réfléchir à la société que vous aimeriez. Et à toutes les barrières de préjugés que vous trimballez.

Réfléchissez à ce que veut dire vraiment une société de femmes où les hommes et les femmes partagent également les tâches et dites-moi si c’est ce que vous recherchez.

Le féminisme comme l’écologie rassemble des gens de tous les bords. Comme l’écologie, il ne signifie rien sans le pouvoir politique et l’influence qu’il peut avoir sur lui. Comme l’écologie, il est générateur d’espoir devant la prise de conscience qu’il indique et de désespoir devant l’ampleur du problème à résoudre.

Les femmes sont injustement traitées sur notre planète. Elles sont mutilées, asservies, considérées comme des pondeuses et des bêtes de somme.

Je les ai vues trimer dans le désert pendant que les hommes buvaient le thé à la menthe, assis à l’ombre. J’ai vu pratiquement la même chose sous le ciel gris parisien ou dans nos campagnes.

Oui, tout cela doit changer. Je compte sur toi et tes petites amies. Le phallocrate que je suis a le cœur serré en pensant à toutes ces femmes malheureuses qui n’ont pas la chance d’avoir un mari aussi gentil que le tien.

Georges Wolinski

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Des Lettres

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J’ai cherché et coup de bol , j’ai trouvé. Je craignais qu’il soit amputé.

Ce texte est issu de LETTRE OUVERTE à ma femme de Wolinski. ___  Albin Michel 1978.

C’est le 20è et dernier texte du bouquin .(Après la conclusion) Il n’est pas porté sur la table des matières qui n’en compte que 19.

Le Dessin de Wolinski  est bien un authentique Wolinski dessiné lors du salon du livre de mon Patelin.Il représente Furtive , absolument Furtive, incontestablement…. Il y a bientôt 27 ans.

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ranta
ranta
21 octobre 2016 9 h 01 min

« Si tu étais un peu plus hypocrite, comédienne et soumise comme la plupart des femmes sont obligées de l’être, cela me faciliterait l’existence. Mais tu ne me fais pas de cadeaux. Ton œil est implacable, ton ouïe infaillible, impossible d’être, en face de toi, faible ou lâche, malhonnête ou brutal, ou encore d’avoir les ongles pas très nets. « 

Vain Dieu, Furtif peut en témoigner j’ai la même à la maison ! 🙄

Dora
Membre
Dora
21 octobre 2016 11 h 37 min

Merci à toi Furtif de nous faire découvrir cette lettre riche d’enseignement et montrant un homme différent de celui que sa femme évoquait juste après la tuerie de l’équipe de Charlie Hebdo. Lors d’une émission dédiée à Michèle Bernier (fille du professeur Choron, cofondateur de Charlie-hebdo avec l’écrivain-journaliste François Cavanna) qui jouait à ce moment-là sur scène un texte sur la femme de 50 ans, une vidéo a retransmis le témoignage de son ex-époux Bruno Gaccio qui disait à peu près ceci : « si je ne suis pas dans le contrôle, je ne me sens pas homme « . Ce jour-là, il nous a donné la clé de ce qui achoppe dans la relation entre l’homme et la femme. Combien d’hommes ont réellement conscience de cet hyper contrôle extrêmement lourd à supporter pour la femme mais aussi pour les enfants et parfois sa mère?

Dora
Membre
Dora
21 octobre 2016 11 h 43 min

Lors d’un périple en Crète, nous nous sommes demandés où étaient passés les hommes. L’échoppe du boulanger était tenue par une femmes qui tentait de traire une chèvre avec une voisine, d’autres femmes peignaient les murs de la maison au blanc de chaux, les plus âgée allaient ramasser les olives. Arrivant dans un autre petit village, les hommes étaient tous attablés à la terrasse d’un café.

Leon
Administrateur
Leon
22 octobre 2016 8 h 07 min

C’est un assez beau texte. Quoique je le trouve incomplet dans l’interêt qu’il y a dans l’émancipation des femmes. Il y aurait tant à dire… D’une manière plus générale le statut des femmes dans uns société est le marqueur quasi absolu de son degré de civilisation

Cosette
Cosette
15 novembre 2016 18 h 29 min

La BC …

Ça aurait pu être une comptine ou une simple ritournelle ça n’est que
l’acronyme de la brigade criminelle
C’était une bonne idée ces belles lettres dorées
Ça aurait pu … Ça aurait dû …
Putain d’année.

Explorer l’âme humaine était le but ultime
Passer de l’autre côté, là où se déroulent les crimes,
À quand notre prochaine affaire, notre prochaine dose?
Enfin percer les causes secrètes des choses …

Côtoyer le mal, suivre ses méandres, c’est ça qui nous anime
Mais il a fallu que tu nous jettes dans ton néant…
Putain d’année.

Ce fut Charlie, le Bataclan,
Un acronyme inversé et tout est chamboulé.
On ne pourra jamais imaginer à quel point ça abime.

Comment aurions-nous pu envisager, savoir
Que les fanatiques d’Allah viendraient nous voir un jour
Défigurant sans humour ces bandes dessinées
Un autre figeant de cire cette salle tel un musée

Quand on a bien plus de victimes que d’auteurs
Il n’y a plus de mots pour décrire tant d’horreur
Quand on s’est baissé trop souvent pour soulever les corps
La procédure papier n’est pas d’un grand réconfort.

Ramasser et compter toutes les douilles
Écouter ces téléphones sonner dans le vide
Démêler et reconstituer les dépouilles
Au point d’en avoir mal au bide

Quand les avis aux familles se comptent par centaine
Comment expliquer toute cette haine
Ils étaient juste là au mauvais moment
Juste là … Pas des mots très réconfortants

Et on ne sait de quoi le jour suivant sera fait
Une école, un lieu de culte, un supermarché?
Même les enfants ne sont plus épargnés …
Encore combien de vies arrachées …
Putain d’année

A combien de morts doit on arrêter?
Combien d’affaires va-t-on devoir traîner?
Quand même les anciens ont les yeux embués
Quand viendra la réponse de cette société?

Plus la force de crier
Que des yeux à fermer
Dans ce silence retourner
Contempler cette obscurité

Une putain de sale année de flic à la BC

Flic et poète