Le premier tour des primaires de la droite et du centre sont riches en enseignements, comme aiment le dire les journalistes et commentateurs. Néanmoins est-on sûr de bien avoir analysé la situation? Ne repart-on pas avec des idées reçues?
Les sondages ne servent à rien et se sont trompés
Pourfendons déjà cette phrase bateau: les sondages ne se sont pas gourés, d’autant plus en tenant compte de la volatilité propre à ce genre de scrutin. Les enquêtes ont parfaitement vu la remontée de F.Fillon. En ce sens et compte tenue de la difficulté de l’exercice et des marges d’erreur, leur image dans la semaine précédent le scrutin et tout au long de la campagne a été assez fidèle à ce que les votants pressentis allaient exprimer.
Une phrase entendue est également que les électeurs ont joué avec les sondeurs. Quelle piètre analyse! Les sondages ont, au contraire, clairement orienté le choix des votants. Difficile de l’avouer sur les plateaux quand la discussion porte sur la dépendance des media avec les sondages, mais les organismes savent parfaitement qu’ils ont joué un rôle prépondérant dans cette primaire. Quand il est apparu que F.Fillon pouvait permettre l’élimination de N.Sarkozy, la cristalisation des votes s’est effectuée sur lui. B.Lemaire espérait cette cristallisation, mais c’est l’ancien premier ministre qui en a profité (il serait intéressant de savoir pourquoi: charisme? programme? stature? débats?). Il y a eu un effet de vote utile qui a aspiré les votes des petits candidats pour les répartir sur celui qui était en meilleur position. Et cette personne c’était F.Fillon depuis au moins les deux dernières semaines, comme annoncé par… les sondages.
Imaginer que les votes des gens auraient été les mêmes sans les enquêtes d’opinion est une vaste blague; d’autant plus que le choix des candidats est moins clivant que pour une élection multipartis gauche/droite.
Il ne faut pas confondre ce que la presse n’avait pas envisagé (ce qu’on appelle parfois le saut dans l’inconnu qui est plus un saut dans le non prévu comme le dit I.Riocreux) et ce que les sondage n’ont pas montré. C’est bien les media et les analystes qui se sont plantés, pas les sondages.
Les fameux électeurs de gauche dont on suppose que…
Le deuxième point clé est la prédisposition qu’ont les analyste à supposer le vote des gens de gauche. A chaque fois, il a été dit que les électeurs de gauche (autour de 15%) sont allés voter Juppé. C’est faire un raccourci hasardeux. Certes les gens de gauche (si tant est qu’on puisse appeler ainsi les sympathisants socialistes) se sentent plus proches de Juppé que de Fillon. Néanmoins il faut comprendre encore une fois leur motivation. Ils ne sont pas forcément là pour faire gagner celui qui leur semble le moins pire mais pour empêcher celui qu’ils détestent de gagner. Ils peuvent aussi faire gagner celui contre qui la gauche a plus de chance en 2017.
Dans ces trois cas de figure seul un, le premier, les pousse à voter Juppé; et c’est sans doute le moins crédible pour un premier tour. Les deux autres appellent à voter pour F.Fillon puisqu’il est apparu (corolaire de notre premier point sur l’importance des sondages), qu’il était à même d’éliminer N.Sarkozy.
A.Juppé était donné largement en tête, les électeurs de gauche ont-ils voté pour lui ou pour celui qui permettait d’éliminer N.Sarkozy? La réponse est évidente.
Juppé n’est donc pas si foutu que ça parce que:
Comme on l’a vu, F.Fillon a bénéficié d’une cristallisation de l’antisarkozysme de la droite et de la gauche. A quelle proportion? Difficile à dire. Mais il est certain qu’additionner les % du premier tour est une connerie sans nom. Sera-t-il élu dans un fauteuil? Pas sûr.
En effet les électeurs de gauche auront trois choix à faire:
- considérer que cela ne les concerne plus et ne pas voter
- considérer que la présidentielle est perdue et voter Juppé
- considérer que la présidentielle est parfaitement jouable si c’est F.Fillon en face et voter pour lui
La répartition de ces choix, couplé au nombre de voix de sympathisant NKM ou de gauche qui ont voté F.Fillon au premier tour fera apparaître un tassement mathématique des écarts finaux. De plus, certains électeurs de droite pourraient avoir peur concernant la capacité de F.Fillon à battre la gauche en 2017, face à un Juppé dont le programme plaît moins mais dont les sondages (encore eux!) le donne largement victorieux. Quelle est la réelle part d’adhésion dans les voix du premier tour? Difficile à dire.
Et d’ailleurs
Au fin fond des intentions de votes pendant des mois, F.Fillon n’a pas été vraiment attaqué et a bénéficié de la lutte entre A.Juppé et N.Sarkozy, ce dernier a donc tiré les marrons du feu et s’est brûlé. Le favori est maintenant une cible à abattre et les adversaires ne vont pas se gêner.
Dans un premier temps il va falloir le faire passer pour un ultra conservateur qui ne représente que les retraités des campagnes, couplé à un neo libéral sans scrupule concernant la casse sociale. A.Juppé devra apparaître encore plus progressiste. Mais ne nous y trompons pas, les deux, à peu de choses près, resteront dans la droite ligne économique habituelle. La bataille se fera donc sur les valeurs. Ne doutons pas qu’elle sera d’autant plus dégueulasse et féroce, et sans doute pas sans séquelles pour 2017.
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Excellente analyse de Lapa et excellente conclusion …
Juppé dés ce matin a commencé des saloperies dont on le croyait incapable. Il veut nous faire croire que Fillon c’est Christine Boutin et commence même à faire des papouilles à Colre et Caroline de Haas 😆
Pas sûr que ce soit un bon calcul. Les électeurs de gauche que je connais qui sont allés voter dimanche considèrent que le boulot est fait avec l’élimination de Sarko
Ceux de droite veulent une droite qui enfin ne soit plus honteuse, ne tienne pas un langage de gauche et recherche le consensus mou …
Sur l’analyse,
Au départ j’étais pro-Fillon . Devant son faible score, je m’étais résigné à voter Juppé parce que les priorités étaient d’éliminer Sarko d’abord, la gauche ensuite et enfin le FN …
Et puis sous l’effet de sa remontée je suis revenu à mon choix initial. La plupart de mes amis ont fait comme moi
Il fallait voir la queue dimanche. Dans mon petit pays on se connaît :
Beaucoup d’artisans, de petits patrons, de professions intermédiaires, d’enseignants dégoûtés par Najat. Des gens qui majoritairement appellent à un retour de l’autorité et ne veulent pas d’un Toumou de droite
Si je te comprends bien …Les électeurs ont voté massivement pour éliminer Sarko de la 2è place….Juppé étant donné gagnant
Ça a vachtement bien marché.
Non, pas vraiment …
Je crois simplement que, comme moi, beaucoup de gens ont considéré qu’ils pouvaient se lâcher sur leur préférence plutôt que donner dans le « vote utile «
je ne prétend pas connaître les motivations des gens ayant voté, je remet en sells d’autres pistes possibles qui ont été particulièrement occultées et qui expliquent le résultat.
j’ai parlé (et les media aussi) du vote anti sarkozy mais il faudrait parler du vote anti Juppé.
Juppé a fait à mon sens une erreur politique majeure: sachant que le président en France est élu « avec le centre » et se sachant au dessus de Sarkozy, il a centré très vite son discours avec une communication qui a plu particulièrement au centre gauche et à la mediasphère.
Or le candidat de la droite dans une primaire n’est pas élu avec les voix du centre, minoritaire dans la sphère UMP, et donc il s’est mis à dos une partie de l’électorat de droite. Au début le seul recours crédible face à Juppé était Sarkozy. Puis est apparu Fillon.
En réalité Fillon a profité de la guerre fraticide et du rejet de Juppé « gauchisant » au sein de la droite.
C’est une fois qu’on est le candidat à la présidentielle qu’on recentre son discours, pas quand on est candidat à une primaire. Juppé s’est planté de ce point de vue là.
Très bonne analyse de Lapa.
Ceci étant les primaires, de droite ou de gauche, sont l’ultime bouffonnerie politique.
Elles auraient un sens à la seule condition que le vote soit réservé aux militants à jour de leurs cotisations.
Quel crédit, et quelle légitimité, par exemple, serait accordés à un vote dans une assemblée de co-propriétaires qui ferait appel à tous les habitants de la rue, du quartier, voire même de la ville ?
Nabsolument Ranta…
C’est une invitation au bourrage d’urnes citoyen….
il me semble que nous avons connu ça quelque part
et oui, mais… ça plaît!
les media sont friands, les gens aussi donc…
c’est parti pour des années…
Nous aurons donc une présidentielle à 4 tours.
Et des législatives …….je n’ose y penser.
Car les investitures se font par la machine des partis et les partis vont se retrouver avec des chefs désavoués……..sauf le FN
……
À ceux qui me le demanderaient ……..Non je ne suis pas pour la proportionnelle qui est une vraie Usine à gaz
Je vote à droite depuis bientôt 50 ans :-))
Je n’avais pas pu choisir mon candidat depuis 1974 ( et il avait été battu … )
Là, j’ai pu choisir et je n’ai pas peur de dire que ça m’a plu …
Et que ceux qui ont pleuré quand ils ont appris que Sarko était éliminé lèvent la main 😆
On ne me refera pas le coup de 2002
« On ne me refera pas le coup de 2002 »
On a compris toute l’influence de Ranta sur ton choix de 2017 😆
Toumou !
Buisson dans son bouquin n’en parle pas du tout de la page 265 à la page 350 ….
Peut-être avant ou peut-être après…
François Fillon, invité de « Face aux chrétiens » jeudi 22 septembre 2016 déclare:
« je suis sans doute le candidat le plus proche des valeurs des catholiques »
– – –
Le monde | 07.05.2015
En 2012, l’association de sondages WIN/Gallup International, spécialiste de la question, a demandé à plus de 50 000 personnes dans 57 pays si elles se considéraient « religieuses », « non religieuses » ou « athées convaincues ».
A cette question, environ un tiers des Français répondent être « non religieux » et presque un autre tiers « athées ». On obtient donc 63 % de Français qui ne s’identifient à aucune religion contre seulement 37 % de Français religieux.
Quant au candidat Juppé à voir
Le Figaro| 24.11.2015
«Ali Juppé» en vogue depuis début 2015
Qu’importe les démentis, la référence au surnom «Ali Juppé» … devient exponentielle sur les réseaux sociaux à partir de début 2015. Cette «réputation» s’alimente de sorties maladroites du candidat. En janvier, le candidat à la présidentielle déclare à Libération, au sujet du voile «Quand ma maman allait à la messe, elle portait un foulard». Quelques semaines plus tard, il affronte le philosophe Michel Onfray sur le plateau du Grand journal, qui lui lance au sujet de l’islam: «Comment peut-on dire que l’islam est compatible avec la République si on a pas lu le Coran!»
(Lors d’une visite à Sciences-Po en février 2016, il est pris à partie par des militants du groupe Assas Patriote brandissant une banderole «Bienvenue Ali Juppé, grand mufti de Bordeaux».)
Mais ces accusations ne touchent pas qu’Alain Juppé et ciblent désormais aussi François Fillon, dont les images de son inauguration de la mosquée d’Argenteuil en 2010, alors qu’il était premier ministre, circulent beaucoup sur les réseaux sociaux depuis dimanche.
Des orientations politiques toujours clivées par les identités religieuses
Les variables d’orientation politique sont nettement plus liées à l’attitude religieuse que les dimensions précédentes, sociodémographiques, de politisation et de participation électorale (tableau 3). Pour les trois variables prises ici en compte, l’auto-positionnement sur l’échelle gauche droite en sept positions, le jugement à l’égard de l’action du gouvernement de François Fillon et le souhait de victoire à la présidentielle, les V de Cramer sont respectivement de 0,15, 0,15 et 0,16. Les catholiques pratiquants mensuels et irréguliers s’identifient toujours nettement à la droite[9] alors que les sans religion s’identifient beaucoup plus souvent à la gauche. Quant aux adeptes des autres religions, leur positionnement fréquent à gauche est dû aux musulmans[10] (66 % des musulmans s’identifient à la gauche contre seulement 30 % des protestants et 27 % des catholiques). Le bilan du gouvernement Fillon est également bien perçu par les catholiques, d’autant plus qu’ils pratiquent régulièrement, alors que le même bilan est désapprouvé par 64 % des sans religion et 57 % des adeptes d’autres confessions. Le jugement sur l’action du président Sarkozy montre des résultats assez semblables : la désapprobation passe de 35 % chez les catholiques pratiquants mensuels à 64 % chez les autres religions et 69 % chez les sans religion. Ce qui veut notamment dire que les catholiques pratiquants n’ont pas gardé rigueur au président de son divorce, suivi par un remariage très rapide.
Au niveau des souhaits de victoire, la tendance observée sur les deux premières variables est à nouveau visible : les catholiques pratiquants sont plus souvent en faveur de Nicolas Sarkozy et de François Bayrou, alors que les sans religion et les autres confessions privilégient François Hollande, Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly. L’intégration au catholicisme semble toujours en partie protéger d’une orientation vers les extrêmes : très peu de pratiquants souhaitent la victoire de Mélenchon et Le Pen.
Religion et irréligion. Quels effets sur l’orientation politique et le système de valeurs ?
publié le 26 avr. 2012
Juppé et Fillon n’en restent pas moins jumeaux.
http://www.causeur.fr/francois-fillon-juppe-sens-commun-41272.html#comments