Travaux de dames

Voilà un article que j’avais envie d’écrire depuis longtemps mais je ne savais comment m’y prendre : je ne trouvais pas « l’angle » comme on dit en journalisme.

Alors j’ai décidé d’oublier les angles, d’en rester à la ligne droite et de dire juste mon admiration pour un savoir–faire certainement en péril. Je veux parler de ces travaux de dames que le progrès industriel, la télé et le MLF ont relégués au rang de loisirs créatifs pratiquées par quelques rares originales un peu baba-cool sur les bords. Il s’agit de ces travaux que l’on appelle « d’aiguille », à savoir le tricot, le crochet et la broderie. (Je n’y inclurai pas la couture, qui me semble relever de considérations plus utilitaires et plus difficile à considérer comme un « loisir créatif ».)
D’une manière un peu générale, s’il arrive à la gent masculine d’admirer certaines de ces réalisations féminines , c’est trop souvent  avec condescendance, persuadés qu’ils sont de la supériorité des techniques qu’ils ont traditionnellement à maîtriser dans cette répartition sexuée des tâches domestiques qui leur incombe, comme la mécanique ou le bricolage. Il est rare qu’ils se penchent réellement sur les savoirs utilisés et soient capables d’en appréhender les complexités. Alors cet article, il est un peu pour ceux d’entre nous, Messieurs, qui ne nous sommes jamais intéressés à ces humbles et magnifiques travaux.

Le tricot d’abord.

Apprenez bande de béotiens qu’il existe une infinité de points dont les plus courants sont le jersey, le point mousse, le point de riz, mais aussi les côtes horizontales et verticales ; qu’on peut tricoter à plat ou en rond (sans couture donc) que l’on peut réaliser toutes sortes de volumes, torsades ou dessins (avec des laines de couleurs différentes ou pas) ; que l’on peut, en laissant des trous habilement répartis créer des dentelles de tricot  ou jouer avec les couleurs pour faire des jacquards.
La complexité dans ce domaine n’a pas de limite. Les dames travaillent, en principe, au moins pour les figures complexes, avec un plan, une sorte de diagramme rédigé dans une langue obscure qu’elles sont seules à pouvoir comprendre. Par exemple :

La complexité n’est pas tout, il y a la régularité du point qu’on n’acquiert qu’avec l’expérience, le coup d’oeil pour les diminutions et les augmentations à partit de la morphologie spécifique de la personne à qui est destiné le pull etc.

Des « tricoteuses », j’en ai connu de sévères, qui profitaient du moindre instant de liberté ou de vacuité pour faire cliqueter les aiguilles, même dans le train de banlieue en allant au boulot et en revenant… Bien évidemment, tricoter à la main n’a plus aucun intérêt économique. Sans même y intégrer les heures de travail, le seul prix de la laine est bien plus élevé que l’achat d’un pull industriel équivalent en qualité. C’est une distraction, un plaisir, une thérapie destinée à évacuer un stress : il y a quelque chose de satisfaisant à la fois pour les mains et l’esprit, me disent-elles, dans la répétition de ce geste qui comporte une part d’automaticité et d’attention… et qui n’empêche pas de causer, au contraire !


Certaines, parmi les plus expérimentées, arrivent à regarder la télévision en même temps, mais c’est une déviation de cette activité réputée favoriser des réunions de tricoteuses, sources  de sociabilité féminine, entendez aussi par là, parfois, de commérages intenses…

Le crochet ensuite

Comme son nom l’indique, il ne se pratique pas avec des aiguilles lisses, mais qui comportent un ergot permettant d’attraper facilement le fil et de le tirer pour faire une boucle. Il n’est pas exclu que l’on réalise avec des vêtements ou même des maillots de bains, mais cette technique qui laisse en principe beaucoup plus d’espace entre chaque maille a un but plus décoratif que vraiment utilitaire. Moins que le tricot qui a clairement une fonction thermique, se pratique surtout avec de la laine, le crochet utilise normalement un fil de coton et règne en maître sur les nappes, napperons, rideaux…
Le crochet, c’est l’un de ses attraits, va en principe plus vite que le tricot. Il est aussi plus complexe et varié dès que l’on sort des sentiers battus. Sachez là que l’on atteint des sommets, des réalisations tout bonnement impossibles et qui forcent vraiment l’admiration.
Sur ce site consacré à cette activité, on peut voir qu’à partir d’une dizaine de mailles de base, il on peut obtenir un nombre considérable de points.
Quelques mailles de base au crochet.
Des crocheteuses enragées j’ai ai connu aussi et l’une m’est devenue très très très proche. On en rigole ensemble quand elle tombe au fond d’un placard sur un maillot de bain deux pièces, au crochet, taille 36 qui date des années 70 et dont le modèle a été pris sur un magazine  100 idées de l’époque…
Certaines dentelles sont faites au crochet.



Robe, débardeur, collier et dentelle au crochet

Les dentelles qui utilisent d’autres techniques, telles que les fuseaux, comme ci-dessous, sont beaucoup moins pratiquées et le fait de rares spécialistes.

La broderie enfin

L’invention et la richesse dans ce domaine sont sans limite et il n’est même pas possible d’essayer de la passer en revue. Cet art, pratiqué quasiment dans tous les pays et toutes les civilisations l’a été en Europe dans toutes les couches de la société. Activité féminine, à la fois populaire, aristocratique et bourgeoise, elle a heureusement encore un débouché dans la haute couture, (tout en se masculinisant parfois d’ailleurs. Historiquement, seule la broderie dite « au petit point » était une activité masculine pratiquée dans la marine anglaise ).

Parce que je vois ma mère en train de la faire et que je possède encore une chemise brodée par elle, j’ai un petit faible pour les broderies au point de croix, très slaves,  réalisées sur des canevas dont elle tirait les fils une fois la broderie terminée.


Quelques sites consacrés à la broderie.

ou encore celui-là.
Il y a même une technique qui permet de broder un tissu uni en tirant certains de ses fils !
Quelques points de broderie

Globalement je suis effaré par la complexité de ces arts, qui n’ont aucun équivalent dans la culture masculine du bricolage.

D’ailleurs, si l’on voit de plus en plus de femmes investir ces activités masculines traditionnelles, l’inverse est très rare sauf, comme pour la cuisine, avec des visées professionnelles. Mais même dans la broderie d’art, les hommes restent très rares.
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Fantomette
Membre
Fantomette
31 janvier 2011 9 h 03 min

Bel hommage, Léon;
J’ai le souvenir des pulls, écharpes & ponchos « tricotés par maman », et j’ai appris a tricoter, broder au point de croix et crocheter (c’est délassant!)… hélas j’ai tout oublié et les mains de maman de peuvent plus tenir les aiguilles!
Juste pour être contrariante : mon oncle (80 ans, des mains en forme de battoir, ancien artisan maçon) brode encore au point de croix, en écoutant Mozart ou Vivaldi, tout empêché qu’il est désormais d’aller entretenir son potager. J’ai toujours été admirative de ses travaux et du contraste entre la délicatesse de ses oeuvres et la robustesse de ses mains!

Léon
Léon
31 janvier 2011 10 h 48 min
Reply to  Fantomette

Félicitez votre oncle, alors , Fantomette ! Je n’ai jamais vu ça…

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
31 janvier 2011 11 h 11 min
Reply to  Fantomette

Le mari de la Nounou de ma fille__il y a 30 ans_ maçon de son état, ne refusait pour se détendre de faire du tricot, mais ce qui le comblait le plus c’était le canevas.

snoopy86
Membre
snoopy86
31 janvier 2011 12 h 13 min
Reply to  Fantomette

 » mon oncle aux mains de battoir qui fait du point de croix en écoutant mozart ou Vivaldi  »

Sandro et moi le connaissons bien votre oncle Tony 😆
Effectivement maçon. Nous l’employions régulièrement pour mettre des parpaings aux récalcitrants …

trés fort aussi à la dentelle d’UZI 😆

maxim
maxim
31 janvier 2011 9 h 53 min

c’est toute ma jeunesse ça !

le pull fait maison qui gratte un peu,mais tricoté avec maestria par « ma mère par procuration » championne toute catégorie de l’aiguille à tricoter durant ses rares moments libres de campagnarde !
pulls avec motifs( mon plus beau j’avais douze ou treize ans …) : un couleur chocolat avec un cerf et une biche en laine beige ,un chef d’oeuvre!les chaussettes avec le bout de laine terminal aux extrêmités qui faisait penser à la mèche d’un pétard!

le slip de bain en laine qui une fois trempé pesait le triple de son poids et descendait,laissant apparaître le service trois pièces !

tous les bonnets,les dessus de lit,napperons,vestes,caches- nez !…..tous plus beaux les uns que les autres ,et fierté de la maîtresse de maison,un femme solide,qui bossait comme un homme,la bêche,le sciage du bois,les moissons,les sacs de patates,des brouettées pleines de tout ce qu’on peut transporter et lourdes comme un cheval mort!et puis cette finesse d’exécution des travaux d’aiguille !

yohan
yohan
31 janvier 2011 17 h 16 min
Reply to  maxim

Le slip de bain en laine, pour la drague c’est pas top, autant se servir dans la nature 8)

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
31 janvier 2011 11 h 08 min

D’abord parler d’elle, celle que j’ai évoquée dans une tranche de vie
À l’école , au cathé , tous mes copains avaient des pulls et des vestes tricotées superbes, ils étaient beaux là dedans .
Mais ce n’était qu’un détail
Le vrai le plus important, c’est qu’ils étaient bien , ça leur allait bien , ça ne les grattait pas , et comme leurs mères à eux savaient bien faire et en faisaient souvent, si par malheur ça n’allait pas , ils l’enlevaient et on les voyait apparaitre avec un autre tricot.

Ce que j’ai dû subir, !
C’était hideux
Elles les faisaient pour faire comme tout le monde, ça lui débectait , et au final à voir le résultat, ça nous débectait aussi , mon frère et moi on nous voyait de loin dans nos machins ridicules qui faisaient des pointes aux épaules , au manches trop petites ou trop longues et le fin du fin du sadisme qu’on n’avait pas le droit d’enlever sous aucune condition.
Va jouer au foot avec un machin qui te gratte à te bruler la peau du cou.
Va grimper aux arbres , le seul endroit où elle ne me trouvait pas

Quand j’ai eu mon fils , je lui ai bien signifié que pas question elle pouvait se les garder , il n’était pas question que mon bébé se voient imposer la même punition.

Aujourd’hui même chers les vêtements pour enfants sont nombreux et plaisants à voir dans leur coloris multicolores

Comme il a presque trois ans maintenant c’est ??????? il y a un an et demi que ma belle fille descendant de Paris avait habillé mon Petit fils d’un gilet bien curieux__ je savais pour l’avoir vu sur les nombreuses photos qu’elles disposait de toute une garde robe bien plus seyante.
Mais alors ?Pourquoi? oh! Non! Ce n’est pas vrai !Ces horribles boutons ,cette couleur hideuse, ces coutures trop voyantes entre le dos et les devants les emmanchures proéminentes.

Elle avait encore frappé.

Léon
Léon
31 janvier 2011 11 h 11 min

C’est vrai que c’est parfois ça, aussi… 😆 😆 😆

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
31 janvier 2011 11 h 29 min

Bonjour mon Léon, je vais tenter je dis bien tenter de montrer que le tricot est une activité masculine par excellence , ça fait un peu __ je le reconnais __ culture du paradoxe mais on va voir

Au beau temps du début du néolithique l’élevage fut une des premières activités de la révolution agricole. Le pastoralisme dans les zones semi steppiques était alors une activité d’homme et tout ce qui tournait autour. La surveillance, l’agnelage, la tonte et ce qui vient ensuite le filage …. .Pendant longtemps le tricot fut une activité de bergers, ce qu’il est resté partout où il y a encore des bergers.
Je sais et nous savons que ce métier a très heureusement été féminisé depuis des siècles ce qui nous a donné des bergères et leur blancs moutons et des chansons ♫♫ Oh mon berger fidèl èèleu♫♫
Mais l’histoire a voulu que les bergers nomades se transforment aisément en de terribles combattants c’est toute l’histoire antique et médiévale qui nous l’a appris. La conséquence fut que des légions romaines à notre Légion à nous le tricot fut et est encore une activité typique de soldat. De nos jours les femmes intègrent les armées du monde mais ce n’est surtout pas pour y faire du tricot.

Les femmes n’étaient pas dès l’origine, exclues, du tricot, pas du tout, mais l’homme isolé ou l’homme sans femme( le soldat) tricotait tout comme elles.
Le grognard de Napoléon tricotait tant qu’il pouvait .Le ^prisonnier et son geôlier, le marin aussi ….Je suis certain que de nombreux témoignages du genre de celui de fantômette vont venir abonder dans ce sens
.
.
Un paradoxe du même genre, ce fichu bouquin des années 60, quasi obligatoire pour notre génération, sur les civilisations océaniennes de Margareth Mead…Les hommes qui s’occupaient de la cuisine activité interdite aux femmes

Asinus
Membre
Asinus
31 janvier 2011 13 h 21 min

yep j ai hai mon voisin de banc scolaire jusqu au certif , il se pavanait chaque hiver en pull jacquard
tricoté par la gouvernante de son pere cet enfoiré etait le fils du docteur je n ai jamais été si proche du meurtre que la derniere année ou descendant de la dina bicolore du toubib il se pavanait dans un pull
blanc  » on disait irish » puis la tricoteuse à mis les bout et il redevint mon ami vetu d’un pull de confection comme le commun des mortel  » moi »