Dégradation de la note de la France : grands moments en perspective.

A défaut de pouvoir peser sur les événements, il convient de ne pas laisser passer une occasion de se marrer quand ceux-ci le permettent. Damne ! Une nouvelle dégradation de la note de la France en moins de deux ans, il y a de quoi faire. Dans notre époque où tout se dit et se perd à peine énoncé, où l’indignation du moment est zappée le jour d’après, où la caisse de résonance médiatique décide de ce qui sera martelé ou non et du coup, façonne le discours et la pensée politique, deux ans, c’est loin. La préhistoire en quelque sorte. Hystérie collective de n’avoir à engranger que de l’instant, notre monde est incapable de réfléchir.

Là dedans, un cirque politicien est en place pour faire représentation et appâter le client. Celui-ci est de plus en plus réticent et parfois lorgnerait sur les mauvais clowns. Le bon public se doit d’applaudir et de feindre de croire que le lapin sort réellement de nul part et non du double fond du chapeau… Tout ce fatras communicationnel est toujours un régal à reprendre quelques mois plus tard. Les mêmes événements… seuls les tenanciers de la roulotte ont changé, alors un petit comparatif s’impose.

Je vous conseille donc  de lire les réactions actuelles autour de la dégradation de la note par S&P, en ayant ces petits extraits à l’esprit.

Pour vous faciliter la lecture, j’ai mis en gris les extraits datant de janvier 2012 et en violet ceux d’aujourd’hui.

« C’est la facture Sarkozy », accuse Christophe Cambadélis. « Nous voilà dégradés ! Il nous a dégradés socialement, puis moralement ! Et enfin internationalement. C’est maintenant la dégradation de la confiance économique », fustige le député PS dans un communiqué. Et d’ajouter : «L’austérité sans croissance ! Cela ne pouvait convaincre personne et elle étrangle seulement les Français. Nicolas Sarkozy a durablement plombé la France ! Il est temps qu’il s’en aille. »

Évidemment, vous remplacez Sarkozy par le président et vous avez un communiqué à proposer aujourd’hui pour M.Cambadélis que je n’ai pas encore entendu.

Jean-Marc Ayrault, a évoqué « un sentiment d’humiliation » et « la rançon d’un quinquennat calamiteux qui a affaibli la crédibilité du pays »

Oui mais ça c’était avant! A-t-il la même analyse aujourd’hui ? Attendez :

Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault a réagi en soulignant que la note française restait « l’une des meilleures du monde ».

Ouf ! Tout ne va pas si mal non ?  il est vrai que c’est ce que disait également le ministre des finances de l’époque :

 » C’est un changement de note d’un cran. Ce n’est naturellement pas une catastrophe. C’est comme si vous demandiez à un élève qui a eu 20 sur 20 pendant très longtemps et qui passe à 19 si c’est une catastrophe ou non (…) C’est une excellente notation. »

Meilleur au monde, excellente notation. De quoi se plaint-on alors ? il est vrai que quand on gouverne on a la possibilité de lancer quatre arguments :

1/ minimiser l’importance que vont prendre les faits et positiver sur le verre largement à moitié plein :

20h05. La France a perdu son «triple A», annonce François Baroin, confirmant que la note est abaissée d’un rang, «une demi-surprise» selon lui. «Ce n’est pas une bonne nouvelle» mais ce n’est «pas une catastrophe», estime le ministre de l’Economie sur France 2. «Ce ne sont pas les agences de notation qui dictent la politique de la France», ajoute-t-il. Il assure qu’il n’y aurait «pas de nouveau plan de rigueur».

Pierre Moscovici fait observer par ailleurs que la nouvelle notation «demeure parmi les plus élevées», puisqu’elle est précisément la troisième meilleure possible dans la classification de S&P et qu’elle «témoigne des atouts reconnus de la France».

Mais on peut s’exposer à des critiques :

Ségolène Royal a réagi sur BFM TV aux propos de François Baroin. La députée estime qu’il est «assez lamentable de minimiser cette sanction, qui devrait «servir d’électrochoc».

Bon alors c’est un électrochoc en 2012 et une banalité en 2013 ?

2/ on peut aussi  se plaindre qu’on est des incompris et que c’est injuste :

Pierre Moscovici regrette les «jugements critiques et inexacts». Le ministre de l’Économie et des Finances «regrette la décision de l’agence de notation Standard and Poor’s de porter la note de long terme de la France à AA avec perspective stable et déplore les jugements critiques et inexacts portés par l’agence de notation».

3/ en profiter pour dire que ça conforte dans la politique actuelle (je sais ça peut sembler bizarre mais c’est comme ça, tout est bon à prendre)


Barouin : « Ce n’est pas une bonne nouvelle, on aurait préféré ne pas l’avoir mais on ne s’y arrête pas. Ça ne fait que conforter et confirmer ce que nous souhaitons, c’est-à-dire stabiliser la zone euro dans sa gouvernance »

François Hollande, président de la République:

«Je confirmerai la stratégie qui est la nôtre, le cap qui est le mien, a déclaré le chef de l’État, lors d’une visite au siège de la Banque mondiale à Paris.

4/ on peut aussi critiquer le thermomètre quand la température affichée ne nous plaît pas :

Bruno Le Roux: «Les agences de notation, elles ne nous manquaient pas». Dit le patron des députés PS. Bah pourtant pendant la campagne présidentielle, c’était pas ce que le PS disait…

Les agences de notation n’ont « aucune crédibilité » vu leur comportement durant la crise financière, a déclaré vendredi le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg.

Évidemment, elles n’ont plus aucune crédibilité depuis Mai 2012 ! Voyez plutôt :

Arnaud Montebourg : « la perte du AAA est l… par BFMTV

Car comment fait l’opposition face à ce genre de nouvelle ?

il y a des règles simples:

On peut en profiter pour enfoncer l’adversaire quitte à exagérer un poil… :

Jean-Michel Baylet, coprésident du conseil politique de François Hollande et président du PRG : «La dégradation de la France est un naufrage pour le Chef de l’Etat et une défaite grave face au système financier (…)


Évidemment cette communication date du passage à AA+ et pas du passage au AA.

On peut aussi ajouter de la pub pour son poulain :

Pour Aubry, Sarkozy est le «président de la dégradation de la France». La première secrétaire du PS estime que la perte du triple A sanctionne la politique suivie depuis 2007. «La France a perdu son triple A : quoi que l’on pense des agences de notation, c’est une mauvaise nouvelle, et ce d’autant plus que ce sont les Français qui vont en payer le prix. Elle aurait pu être évitée», estime-t-elle dans un communiqué. «Il aurait fallu relancer la croissance : il a fait le choix de l’austérité», critique encore la maire de Lille. «La perte du triple A a un seul responsable : M. Sarkozy. Il est temps que la France emprunte un autre chemin : le chemin du redressement dans la justice avec François Hollande», conclut la dirigeante socialiste.

Nous avons ici l’invocation habituelle de l’opposition « yaka, yavaika, yauraka », doublée d’une extraordinaire faculté de prédiction. Admirable sur ce coup, beaucoup moins prolixe aujourd’hui. Allo Martine ??

Renchérir sur ses lubies:

tout événement étant prétexte à marteler toujours le même discours :«Le début de la fin de l’euro» pour le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, candidat à la présidentielle. La dégradation de la note française signe, selon lui, «l’échec total de la politique économique de Nicolas Sarkozy».

Bon c’est comme le début de l’inversion de la tendance à la montée du chômage ou la guerre contre l’Iran quoi. On attend toujours.

Réciter un discours avec les mots-clés des boîtes de com’ :

François Rebsamen député maire de Dijon parle d’une «présidence de la dégradation de la France» pour évoquer le mandat de Sarkozy.  «Finalement, cette présidence aura été celle de la dégradation de la France: dégradation financière, dégradation sociale, dégradation morale», ajoute-t-il. «Le temps du changement est venu pour redresser la France, restaurer la justice et redonner l’espoir avec François Hollande», conclut-il.

16h55. Pour Marisol Touraine, la députée PS, «la dégradation du triple A français vient sanctionner 5 ans de dégradation sociale, économique et politique par N. Sarkozy et son gouvernement».

Il aura fallu attendre que 18 mois pour Hollande alors. Ou alors le communiqué était peut être une peu trop « too much » ?

Rester dans son activité première :

Mélenchon lui était actif : Le Front de Gauche appelle à une manifestation. Le parti mené à Jean-Luc Mélenchon appelle à un rassemblement devant les locaux de Standard & Poor’s, 40 rue de Courcelles (XVIIe) vendredi soir à 18 heures 30 en réaction à la dégradation de la note de la France.

Aujourd’hui Mélenchon appelle encore à la manif’. Bon, c’est contre la hausse de la TVA. C’est sans doute plus porteur.

En fait ce qu’il faut c’est un avis d’expert :

Pour le président socialiste de la commission des Finances, Jérôme Cahuzac, « en acceptant par avance une dégradation et en refusant de mener une politique de redressement juste et efficace qui permettrait de l’éviter, Nicolas Sarkozy privilégie son intérêt électoral de court terme plutôt que l’intérêt de moyen et de long terme des Français ».

Il faut dire qu’en intérêts long, moyen et court termes il doit s’y connaître le gars, mais sans doute plus pour les comptes rémunérés que pour une nation!

Parfois les journaux font un article spécifique qui explique pourquoi c’est important :

http://tempsreel.nouvelobs.com/chronique-du-triple-a/20111216.OBS6917/les-10-consequences-de-la-perte-du-triple-a.html

y’en en aura-t-il toujours 10 aujourd’hui avec le recul ?  Il est vrai que nous ne sommes plus en campagne.

Mais au fait Hollande il en pense quoi ?

« La dégradation de notre note financière est grave », a dit le candidat socialiste lors d’une allocution télévisée qui a duré cinq minutes environ. Il a estimé que la politique du président français avait « manqué de cohérence, de constance, de clairvoyance et de résultats ».


François Hollande poursuit ses attaques. «Ce n’est pas la France qui a été dégradée, c’est une politique, c’est une stratégie, c’est une équipe, c’est un gouvernement, c’est un président», assène-t-il.

Lucide sur sa politique le pépère. Ah merde ! ça date d’avant. Pas grave, ça peut resservir pour son prochain discours.

Attendons de voir les réactions. Évidemment, ceux qui n’étaient pas au pouvoir entre 2012 et 2013 boivent du petit lait…

Bon cirque à vous !

sources supplémentaires :

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/11/08/20002-20131108ARTFIG00265-sampp-ne-croit-pas-aux-reformes-de-la-france.php

http://www.leparisien.fr/economie/en-direct-aubry-sarkozy-president-de-la-degradation-de-la-france-13-01-2012-1810010.php

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ranta
ranta
9 novembre 2013 13 h 02 min

J’ai bien rigolé à lire la partie de ping-pong gauche droite et maintenant droite gauche.

Ils se foutent vraiment de notre gueule.

ranta
ranta
9 novembre 2013 13 h 05 min

Où le gouvernement a-t’il trouvé 3 milliards ? ca sent les municipales et les Européennes avec du fric qu’on a pas mais qu’on devra payer de toutes façons.

Léon
Léon
9 novembre 2013 17 h 02 min

Des pitres… A part ça, la seule chose qu’il faut craindre c’est d’avoir à payer plus cher des emprunts dont le intérêts sont déjà exorbitants. Mais ce n’est même pas sûr.

ranta
ranta
9 novembre 2013 18 h 33 min
Reply to  Léon

Qu’est-ce qui n’est pas sûr Léon ?

Léon
Léon
9 novembre 2013 20 h 16 min
Reply to  Léon

… que la note de l’agence ait une influence sur le taux d’emprunt.

snoopy86
Membre
snoopy86
9 novembre 2013 23 h 45 min

La notation n’influera que marginalement sur les taux.

Cette annonce de Standard and Poors n’est pas la grosse nouvelle de la semaine. La grosse nouvelle de la semaine c’est que la BCE baisse ses taux et prolonge jusqu’à juillet 2015 l’allocation illimitée aux banques avec lesquelles les dites banques achètent de la dette. Ceci partant du constat que nous sommes dans une spirale déflationniste que personne ne sait arrêter et du constat qu’aucune politique ne permet d’endiguer l’accroissement de la dette dans les pays de l’Europe du sud ….

La BCE finance ainsi la dette sans déroger à ses statuts. Pour combien de temps ?

Par contre, il faudrait arrêter de dire comme tous les webmabouls que cette dette est une escroquerie. Elle n’est que la conséquence du laxisme et du clientélisme de nos politiques, de l’explosion depuis trente ans de la dépense publique et notamment de la protection sociale qui représente maintenant en France un tiers du PIB.

Ca ne va pas s’arrêter. Tous les indicateurs économiques sont au rouge vif. Tout indique que les recettes fiscales ( notamment IS et TVA ) s’orientent vers une forte baisse et que les déficits vont être beaucoup plus élevés que prévu d’autant qu’on n’a pas encore touché à la dépense ( la dépense dans les budgets 2014 augmente mais  » moins que sa dérive naturelle « , c’est la définition de la baisse par les socialos.

Le gouvernement ne pourra tenir ni ses promesses, ni ses engagements européens . Qui plus est ils font beaucoup de conneries notamment la loi Duflot sur le logament qui sous de bonnes intentions tue complétement l’investissement locatif asphyxiant ainsi les professions du bâtiment.

Pour le moment on cache la poussière sous le tapis.

Dernière chose. On nous raconte que la dette française serait détenue à 60% par des investisseurs étrangers. Sauf que parmi ces investisseurs il y a un paquet de filiales étrangères de banques et compagnies d’assurance françaises. Ici la dernière liste connue des principaux détenteurs de dette française. Je vous ai déjà rédigé un article vous expliquant que les banques et les mutuelles c’était nous.

En un mot, nous sommes dans l’histoire du serpent qui se mord la queue ..

Buster
Membre
Buster
10 novembre 2013 10 h 13 min
Reply to  snoopy86

Excellente analyse, malheureusement, car les probabilités pour la France de sortir par le haut de ce cercle vicieux sont toujours un peu plus minces.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
10 novembre 2013 10 h 44 min
Reply to  snoopy86

Je sais que cela n’est pas très bien porté sur les allées du Net. Mais je n’y peux rien
Je ne comprends pas

1er Point
Faire baisser les taux
Fournir une allocation
N’est-ce pas en accumulant et multipliant ces produits financiers organiser la multiplication de la monnaie en circulation?
.
Donc en restant à mon faible niveau de compréhension …=>faire de l’Inflation.

Pourtant Snoopy nous dit et je le crois
2è point
 » Tous les indicateurs économiques sont au rouge vif. Tout indique que les recettes fiscales ( notamment IS et TVA ) s’… »
Cela veut bien dire que nous sommes entrés dans une période de récession
Cette baisse des échanges s’accompagnent d’une déflation je l’ai appris il y a longtemps.
.
Mais 3è point
Si on réduit les dépenses sociales ne va-t-on pas aggraver la recession..?
.
Ça fait beaucoup de choses que je ne comprends pas la plus ardue étant le lien entre mes trois points
Ce ne serait pas de refus si une bonne âme……..

snoopy86
Membre
snoopy86
10 novembre 2013 12 h 08 min
Reply to  D. Furtif

Premier point : non . La masse monétaire n’augmente pas nécessairement et les taux sont au plus bas, sensiblement en dessous du taux d’inflation européen ( 0,7% actuellement ). Note que cette ouverture de vannes ne se fait qu’au profit des collectivités publiques, les banques ayant relevé de façon drastique leurs conditions de prêt aux entreprises et aux particuliers.

deuxième point : pas encore constatée mais imminente. Seule la dépense publique ( 57% du PIB) soutenant encore l’activité et permettant de consommer du pétrole saoudien et des gadgets chinois.

troisième point : oui . Nous n’y échapperons pas plus que les grecs, les espagnols et les portuguais.

Lucidement, nous vivons au dessus de nos moyens depuis environ 35 ans. La question est celle de la durée et de la répartition de l’effort.

Asinus
Membre
Asinus
10 novembre 2013 8 h 04 min

Il y a deux manières de conquérir et asservir une nation. L’une est par l’épée. L’autre par la dette »

John Adams

snoopy86
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snoopy86
10 novembre 2013 12 h 23 min

Pour ceux qui ne savent pas quoi faire aujourd’hui un rapport public sur la structure et l’évolution de la dépense publique