Direction l’Indochine

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1945 à Saïgon Du massacre de mars 1945 aux nouveaux massacres de septembre 1945. Le 5 octobre le jour même de son arrivée Leclerc fait une entrée triomphale à Saïgon sous une pluie diluvienne. D’autres allaient venir ; une guerre de 9 ans s’annonçait avant de laisser place à une autre.

Boissevain capture
Le Boissevain

Direction L’Indochine

L’ordre d’embarquement est enfin arrivé. Le 1er décembre 1945, le 821 è Bataillon de Transmissions quitte le port de Marseille à bord du «Boissevain», un paquebot mixte hollandais. Le Commandant, les officiers sont Hollandais, les marins viennent pour la plupart de Java et de Sumatra et sont heureux de repartir vers leur pays, toujours occupé par les Japonais vaincus. Nous, nous sommes sous les ordres, à bord, du Commandant Escales-11d’Armes anglais et de son équipe de M.P., Military Police, qui font régner dans les cales où nous couchons une propreté et une discipline rigoureuses. Nous passons le détroit de Sicile, le temps d’apercevoir l’Etna, et nous arrivons à Port-Saïd, à l’entrée du Canal de Suez. Interdiction de descendre à terre…. Très vite, le

PORT SAÏD
PORT SAÏD

«Boissevain» est entouré de barques d’Égyptiens qui nous proposent des fruits et surtout «cartes à jouir», des jeux de cartes avec des images pornographiques, et «li mouche cantharide», dans une petite boîte, une poudre dotée paraît-il, d’une forte capacité aphrodisiaque. Ils accompagnent leurs propositions de vente de gestes obscènes de masturbation, mais quand, du pont, nous leur proposons des francs, ils s’en vont en nous injuriant. Ils ne veulent que des dollars. Le «Boissevain» quitte Port-Saïd et s’engage dans le canal, et nous découvrons ses berges désertiques. Sur la rive est, des milliers d’ouvriers travaillent à enlever du sable, et à notre passage, nous crient des injures en relevant une sorte de djellaba et en secouant leur sexe. A Ismaïlia, le beau-frère d’amis bordelais de ma mère, qui est administrateur du Canal, vient me chercher à bord. Il a été prévenu depuis Bordeaux par ses sœurs et m’obtient une permission de la journée pour m’emmener au Caire, me montrer les Pyramides et le «Sphinx», m’offrir un bon déjeuner, me parler de la France qu’il n’a pas revue depuis 1938 et me faire ré embarquer à Suez sur le «Boissevain» au moment où il entre en Mer Rouge. La mer est très calme, il fait très beau l’étrave du bateau fait surgir hors de l’eau des bancs de poissons volants qui replongent dans la mer après des bonds d’une cinquantaine de mètres. Arrivés à Aden, nous sommes autorisés à descendre à terre pour la

ADEN 1945
ADEN 1945

journée. Il y a la rade, le port et la ville anglaise, typiquement britannique adossée à une sorte de montagne rocheuse et de l’autre côté la ville yéménite. Pour y aller, à trois, nous prenons un taxi après avoir changé à la banque anglaise des francs contre des livres, car ici aussi, personne n’accepte nos francs. La route monte sinueuse pour passer la montagne. Le chauffeur roule à toute allure et dans les virages nous ne sommes pas rassurés. Rouler à gauche, comme c’est la règle ici. fait une curieuse impression. On traverse un tunnel et c’est la descente vers la ville arabe, toute ocre, de maisons basses à toits en terrasse, de rues en terre, pas un arbre. Aussi nous faisons demi-tour et regagnons notre navire.
Je ne me sens pas bien. je suis fiévreux et le «toubib» détecte les oreillons.
Aussitôt je suis isolé, seul dans une jolie petite cabine sur le pont supérieur, et tout contact avec les copains m’est interdit. Je traverse ainsi l’Océan Indien dans les meilleures conditions, bien soigné par d’aimables infirmières, et quand le
«Boissevain » fait escale à l’île de Ceylan, qui faisait alors partie de l’Empire
Britannique des Indes et est maintenant un état indépendant nommé Sri Lanka, en rade de Trincomalee. la guérison arrive, mais pas question de descendre à

TRINCOMALEE 1945
TRINCOMALEE 1945

terre La rade est encombrée de navires de guerre anglais et américains et pour la première fois, je vois d’assez près un gros porte-avions américain. Notre

Cap SAINT JACQUES
Cap SAINT JACQUES

«Boissevain», qui pourtant était un beau navire, paraît petit à côté.
C’est la dernière escale avant l’Indochine. Je passe Noël seul dans ma cabine en entendant la fête en dessous. Au matin du 25 décembre, les infirmières m’apportent du gâteau et un quart de Champagne pour mon petit

déjeuner.

Deux jours après, nous arrivons au Cap Saint-Jacques à l’entrée de la «rivière de Saigon» que le bateau remonte pour arriver le 28 décembre au matin au port de Saigon, où nous commençons à débarquer. Tout a l’air calme, et nous ne savons toujours rien de ce qui se passe ici, ni de ce qui s’est passé sous l’occupation japonaise. Ce n’est que quelques jours plus tard que nous apprendrons, par les récits de nos anciens de l’Infanterie

Manif gigantesque avec portrait de Tuman, Tchang Kai Chek et Ho Chi Minh
Manif gigantesque avec portrait de Truman, Tchang Kai Chek et Ho Chi Minh

Coloniale et par des conversations avec les civils européens, le comportement sauvage et les massacres ignobles commis par les Japonais, que nous devons maintenant désarmer et renvoyer tranquillement chez eux. Nous apprenons aussi les pillages, les viols et les meurtres des civils par des bandes armées de révolutionnaires Tonkinois et Annamites qui se réclament d’un certain chef communiste appelé «Ho Chi Minh» et qui vont constituer le «Viêt-minh». La deuxième guerre mondiale est terminée. Pour nous la Guerre d’Indochine commence.

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Belle Indochine un blog incontournable

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Le même voyage un mois plus tôt

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Nous nous pencherons sur le 821è BT à la prochaine publication

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8 Commentaires
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Léon
Léon
22 avril 2015 11 h 58 min

511 000 lectures ! Y a du robot surdimensionné là-dedans, non ?

Lapa
Administrateur
Lapa
22 avril 2015 15 h 51 min
Reply to  Léon

non c’est l’accolade du nombre de lecture et de 1945, début de l’article.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
22 avril 2015 12 h 15 min

Le 821°BT est aujourd hui nommé 28° régiment de transmissions stationné dans le Puy de Dôme à Issoire

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
22 avril 2015 18 h 00 min
Reply to  snoopy86

Alors je me lance…en prenant le risque de faire ça au vol sans aucun bolduc car c’est plus pénible qu’autre chose. À la fin de la guerre, les USA sont encore empêtrés dans un discours colonialiste anti européen puritain donneur de leçons les peuples sont bons pour l’indépendance….Laisser passer les représentants de commerce US . Ignorant avec le plus superbe culot ce qu’ils ont fait sur leur sol , au niveau des pays du centre Amérique, du Pacifique et …et voulant se préserver des relations privilégiées avec la Chine de Tchang Kai Check qu’ils voient bien plus grand qu’il n’est….. … Aussi la conférence de Postdam prévoit en une sorte de rétribution un demi Viet Nam attribué à la Chine et le contrôle sur le Sud confié à la grande Bretagne…Et vivement que les affaire reprennent entre Washington et Pékin…. … Sur la fin de la guerre, OSS comme les SAS britanniques sont infiltrés au Viet Nam sans relations ou alors très peu avec les français de Cartroux.Ils rencontrent les seuls qui soient organisés les gens d’Ho chi minh qui ont fort à faire à se débarrasser de communistes qui n’obéissent pas très exactement à Moscou et Staline. De mars à Septembre 1945 avec l’assentiment des Japonais nationalistes et gens d’Ho Chi minh s’installent peu à peu voire de plus en plus à partir de Septembre…Par la violence et par le sérieux l’oncle Ho devient le seul interlocuteur au Nord et devient inévitable au Sud. . Les gens de l’OSS observent quand ils n’aident pas. En tout cas ils ricanent ( voir BODARD) Il faudra la prise de pouvoir de Mao Tse Toung en 1949 De Lattre 5 ans en 1950/51 et la guerre de Corée pour les faire changer d’avis ….et encore Un américain bien tranquille Graham Greene( lisez Bodard) Les Britanniques confrontés à des problèmes encore plus graves en Malaisie acceptent d’aider les Français mais sans trop s’en vanter…Il faut savoir que par un accord passé entre Jap et Ho chi minh les prisonniers français le demeuraient. L’amiral anglais en libérant les prisonniers français provoqua la Rupture Le Groupement Massu trancha la question en libérant Saîgon et un an plus tard Hanoï en décembre 1946…. … Ne me demandez pas plus de détails , des sites très riches et très instructifs vous en diront plus . Vous avez l’un d’entre eux en dessous de l’article.Le même voyage un… Lire la suite »

ranta
ranta
22 avril 2015 20 h 43 min

Ahhhhhhhhh, enfin !

depuis le temps que je réclame 😈

Léon
Léon
22 avril 2015 22 h 44 min

Du Fanta ?

Asinus
Membre
Asinus
23 avril 2015 6 h 40 min

yep, beau récit qui croise les bribes que mon père m’a laissé de son séjour avec les Tabors.

Le s/off salue snoopy86 pour la découverte du blog belle Indochine me suis couché à pas d’heures !!!!!

@+