Je ne suis pas certain de partager vos dithyrambes concernant Polisse. Du coup, je ne suis pas certain d’aller le visionner… Peut-être parce que la protection des mineurs, on est dedans toute l’année mais aussi surtout parce que je crains de faire un léger nervous breakdown et j’ai d’excellentes raisons de le craindre…
Il y a quelques mois, j’ai éprouvé le besoin de rencontrer des mecs de la brigade des mineurs en chair, en os et en tripes, histoire d’obtenir quelques contacts nominatifs et directs, utiles en cas d’urgence, de révélations de violences sexuelles et autres histoires sordides nécessitant l’intervention de la police. Le rendez-vous a été fixé dans un restaurant parisien grâce à une de mes connaissances chez les bleus (Ne cherchez pas, ce n’est pas Ribéry).
Le type était de premier abord sympathique, le look civil Quéchua-l’air-de-rien commun au keuf qui veulent se fondre dans la masse. Toutefois il semblait un rien fatigué, voire désabusé par de sombres histoires de hiérarchie. Du classique. Rien du commissaire poudreux à l’indic nasal ou du pandore bling-bling, laissant son ADN sur les moquettes du Carlton. On a commandé, pris un coup de rouge et je lui ai parlé de mon job de prévention, des révélations faites par les unes et les uns, de mes attentes le concernant. Il m’a écouté tout en taillant sa bavette, et puis, ce responsable d’un service de la brigade des mineurs me dit, en souriant, que quand même, toutes ses filles, qui viennent les voir juste parce qu’on leur a peloté un peu les seins alors qu’elles arborent un décolleté aguicheur, et bien ses filles, elles exagèrent un peu… Limite si je n’ai pas droit au petit clin d’œil, genre « on s’est compris » entre mecs qui en ont, sous la douche du gymnase. Et oui, ils ont d’autres chats à fouetter les défenseurs de l’orphelin : il y a du vrai homicide à se mettre sous la dent alors les petites histoires de viols de l’intimité de ces gamines qui le cherchent bien… Comme les baqueux ou le GIGN, le type marche au gros shoot d’adrénaline pimentée de testostérone. Il tance un peu ces filles qui font des fellations pour un oui ou un non et qui viennent se plaindre (Il paraît que dans le film justement, une fille raconte à des flics qu’elle doit faire des fellations pour récupérer son portable et ça les fait bien marrer). J’entends souvent ce genre d’histoire où sucer une bite devient une monnaie d’échange ou répond à un chantage affectif bien huilé, bien orchestré. Et la réponse masculine est souvent la même : elles n’avaient qu’à dire non si elles n’étaient pas si consentantes que ça… DSK pourrait revenir à l’Intérieur sans souci.
Mais la cerise sur le gâteau, c’est quand on aborde le volet des collègues féminines de la brigade : il y a en vrac, la salope qui allume dans les vestiaires, celle qui cherche les coups de bite et qui se plaint qu’on la traite comme une vulgaire pute, la gonzesse qui veut jouer au mec…etc. Je laisse tomber le dessert et demande l’addition, prétextant un RDV. Le type me filera son numéro de portable…que j’ai balancé dans une poubelle, dix mètres après la sortie du restaurant. Je suis reparti non pas indigné, mais passablement dégoûté.
On peut se dire qu’après tout, ces héros du quotidien sont comme tout le monde, avec leurs grandes actions au service de l’humanité et leur part d’ombre commune à tout être humain. Mais ce qui m’a le plus choqué, c’est que nous étions dans un RDV professionnel, entre acteur de prévention et là, le discours tenu était inacceptable. Nous n’étions pas en train de disgresser au troquet pour masquer un peu la saleté de cette putain de vie et tenter de se sauver en s’essayant au cynisme houblonné. Des conneries, on en dit tous, pour prendre de la distance quand la réalité est trop lourde à digérer mais dans le cadre du boulot, on s’abstient. Il est grand temps de créer des postes de psychologues dans ces services de police, certes pour accueillir les victimes mais surtout pour faire un suivi des flics.
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Kpote
doit voir le film avant d’en parler.
Je me souviens de Finkielkraut (et de BHL) critiquant l’ underground de Kusturica sans l’ avoir vu .
Donc acte .
Si Kpote veut parler d’autre chose, c’est différent .
hks
Il est vrai que l’on risque de tomber dans le travers de ceux qui dénient tout talent à Céline en avouant ne l’avoir jamais lu, ou qui voient dans une référence à Proust une idéologie nauséabonde.
Il se pourrait fort que Kapote parle ici de tout autre chose que du seul film .Ce que l’accumulation du malheur et de la souffrance peut infliger comme éradication/perte des repères de la conscience morale par exemple.
Mais je ne suis pas Kpote
Euh il parle pas du film. Il ne fait que le citer…
D’ailleurs ce témoignage est plus parlant qu’un film de fiction. Je me demandais en lisant cet article, quelles genres de formations ils recevaient ces flics de la brigade des mineurs.
Pas trop envie de voir ce Polisse.
Kpote parle sur des thèmes abordés par le film, je ne conteste pas.
Que les dithyrambes d’un tiers concernant Polisse ne le motivent pas, c’est son affaire.
C’est dommage , son avis sur le film serait d’autant plus intéressant qu’il a de l’expérience.
Mais sans doute se ravisera- t-il.
Ne pas oublier que ce film n’est pas un documentaire .
Il y a toute la distance repérable entre par exemple Shoa et la liste de Schindler ou entre le Vida Loca et Gomorra.
Une minute de sérieux . Kpote rencontre un flic ( à supposer que son témoignage soit authentique), pas deux. Étonnant éveil à l’urgence de la part d’un qui ne se prétend pas novice. Il intitule son message « polisse « et non « police ».
Ce qui na rien d’anodin chez quelqu’un qui a très probablement bénéficié d’ un genre de formation au savoir communiquer .
Maïwen a passé plusieurs semaines à observer de près une BPM . Maïwen ne fait pas un film sur les travailleurs sociaux qui font de la prévention.
Lisez un texte de Kpote, il y a la même distance entre vous et la réalité que lorsque vous visionnez un film.
Mais bien entendu Kpote est plus crédible qu’un film qu’on a pas vu.
(fin de la minute )
Donc , si j’ai bien compris le dernier commentaire d’Hks où il affirme être sérieux, il ne fallait pas le prendre (au sérieux) à son premier.
Quel déconneur ce hks.
Il y a 3 sujets soulevés par ce texte :
1- la misogynie traditionnelle de la société et notamment de la police. Le parcours de la combattante pour une femme victime de viol est hyper-connue. Certains commissariats ont organisé des cellules particulières d’écoute et de réception des plaintes pour les femmes, adolescentes et enfants victimes d’agressions sexuelles, incestes, viols.
L’expérience relatée par le Dr Kpote est bien le reflet d’un comportement inadmissible dans un secteur professionnel où l’on attendrait un minimum de prise en compte de la victime.
Je comprends parfaitement que cet entretien l’ait scandalisé. Et je pense d’ailleurs que c’est le vrai sujet de cet article.
2- l’extrapolation de ce policier à tout le service de la Brigade de Protection des Mineurs est, certes, compréhensible vu le machisme ambiant, mais certainement exagéré. A sa place, j’aurais cherché à rencontrer un autre responsable.
Du reste, je crois avoir entendu Maïwenn dans une de ses interviews sur le fait qu’elle avait choisi les personnes qu’elle allait mettre en scène, d’autres policiers étant plus retenus ou douteux. Elle a bien dit qu’elle ne prétendait pas du tout à faire un documentaire objectif ni une analyse sociologique exhaustive.
C’est un film.
3- Le film enfin, la fiction. Là, on aime ou pas, mais c’est tout.
Moi, j’ai vu le film, j’ai été légèrement déçue car le précédent, Le Bal des Actrices, était un film hors norme : original, drôle et surprenant. Un ovni. Là, on retrouve le talent créatif de Maiwenn, mais en moins abouti, avec des éléments de scénario plus bâclés. Mais cela reste un film impressionnant, un film choc, sans voyeurisme.
Et puis, la plupart des acteurs sont excellents, et je pense en particulier à Marina Foïs, et surtout Karin Viard qui fait une interprétation époustouflante.
Voici une des meilleures actrices actuelles, et c’est un vrai plaisir de la voir jouer ce rôle qu’elle incarne avec un talent admirable.
Bonsoir Colre,
Sur le film :
J’ai lu la critique postée au-dessus par Causette et elle m’a un peu (beaucoup) découragé d’aller voir ce film.
Faut croire que je n’en avais pas une énorme envie à la base.
Sur l’article :
Pas bien comprendre ce jugement de Kpote, à mon sens un peu hâtif, sur la seule l’impression faite par une personne rencontrée, hors de son boulot.
Je ne doute pas qu’il y ait ce genre de personnage, mais pas que, et puis même ces gens là ne sont pas constamment sur ce même mode désabusé/machiste.
Supporter leur boulot doit avoir tendance à ne pas inciter à nourrir trop d’illusions sur la nature humaine !
.
Je me désabuserai pour moins que ça.
Déjà que.
Bonjour Buster,
Sur l’article : je comprends très bien la réaction de Kpote ! Il vient chercher une aide professionnelle auprès des spécialistes de l’enfance maltraitée, et il découvre le discours d’un gros beauf macho et aviné qui devait s’estimer plus à sa place à la brigade des stups ou au grand banditisme.
Probable qu’il ait vécu comme un échec d’être affecté à la protection des mineurs…
Sur le film : pas grand chose à te répondre, c’est un bon film, pas parfait, mais qui à mon avis mérite d’être vu si on a le temps. Les critiques s’empoignent, comme d’hab, ce n’est pas intéressant, tu en prends ce que tu veux.
Pour le fond, je trouve qu’il fait bien passer le message : ce service de police est assez invivable… Aux prises continuelles avec l’horreur de la maltraitance d’enfant…
Le cocktail est presque ingérable : enfants, adultes, victimes, bourreaux, pédophilie, violence, prostitution, pauvreté, misère, débilité, alcoolisme… etc.
Pour moi, la problématique d’un policier de cette brigade s’apparente plus à un médecin des urgences qui subit, impuissant, la mort et la misère sociale, qu’à un policier du grand banditisme (avec ses codes d’action hyper-simples).
à Colre
Maïwenn Le Besco est plus qu’intéressante. Je n’ai hélas pas vu son premier film .
D’accord sur Le Bal des actrices.
Je n’ai pas été déçu parce qu’ on ne peut refaire deux fois le Bal des actrices . Maïwenn se renouvelle donc et c’est en cela qu’elle est dejà une grande parmi les grandes et les grands* . Elle semble avoir cette aptitude à faire bouger des lignes.
Des scènes d’anthologies mais pratiquement toutes les scènes sont des scènes d’ anthologie.
La réussite est totale .
J’ espère beaucoup d’une autre ( débutante si l’on veut ) qui m’a déjà comblé avec deux films, je verrai le troisième bientôt (Julie Delpy )
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*je suis fervent de T Malik mais il ne méritait pas cette fois la palme d ‘or. Melancholia était dans la course et bien sur « polisse » néanmoins récompensé.
( je vous dis ça parce que vous me semblez cinéphile … et je repars vaquer )
Kpote raconte une expérience avec un flic de la brigade des mineurs qui l’a écoeuré. Qu’est ce que c’est que cette histoire ? Il ne fait pas un article de fond sur cette brigade, ni un article sur le film, il raconte une tranche de vie. Un coup de gueule, un cri de colère qu’il exprime en disant, en gros, qu’on est loin, dans la rencontre qu’il décrit, de ce que semble être Polisse (d’après ce qu’il sait des critiques de ce film), à savoir une hagiographie de ce service dans ses rapports avec les mineurs.
Peut-être pourrait-on prendre ses textes pour ce qu’ils sont, à savoir des « tranches de vie » liées à son métier, sans se croire obligé de les passer au scanner de la pensée correcte sur des généralisations abusives ou des préjugés sur des films…
L’article de Kpote va au-delà de l’anecdote et de la « tanche de vie ». S’il ne prétend pas être un article de fond sur cette brigade, pas plus que le film Polisse d’ailleurs, il pointe néanmoins la bêtise ambiante, comme le film pointe, sans illusion, les bas-fonds de notre société dans ce qu’elle a de pire : la maltraitance de ses enfants.
Sur ce point, d’accord.
Effectivement, je n’ai pas vu le film mais j’ai utilisé la sympathie ambiante vis à vis de celui-ci pour relater UNE rencontre qui m’a profondément déçue. Cela peut paraitre un peu gratuit, voire simpliste mais je ne suis, sur mon blog, ni dans la stat, ni dans l’analyse. Mais, vous ne pouvez pas imaginer l’angoisse que nous avons tous à lancer un signalement avec la peur de tomber (et cela arrive souvent) sur des flics dénués d’un semblant de psychologie ou d’empathie pour les victimes. On appelle cela la double peine. J’ai tenté une rencontre plus personnelle et directe avec un type de la brigade des mineurs suite à deux interventions de celle-ci où les flics avaient été très très limite sur leur manière de le faire. Et puis, quelques infirmières de lycée me l’avaient demandé, n’ayant aucune confiance dans les commissariats de leurs quartiers à qui, parfois la brigade délègue ses pouvoirs. J’aurais aimé avoir en stock sur mon portable une ligne directe avec au bout l’assurance de déclencher une procédure plus humaine, plus attentive à la victime… Naïf j’ai été. Mais ça ne m’empêchera pas peut-être de recommencer et de d’aller voir le film…
Ce qui m’a le plus gêné c’est cette façon de minimiser les atteintes à l’intimité sur des jeunes filles et cette manière de sous-entendre qu’après tout, certaines le cherchent bien. Inacceptable.
Je ne voudrais pas tirer sur une ambulance mais le premier commentaire est donc non seulement malvenu et en plus, malveillant.
Sauf à reconnaitre par son auteur qui nous a confié qu’il était en mode déconne à donf qu’il s’est lourdement trompé une fois de plus.
J’avais donc parfaitement compris que cet article n’était pas une critique de film, ni une dissertation sur la distance entre la réalité et sa représentation, mais bien la relation d’une rencontre qui avait répugné Kpote, liée à son travail.
Et puis me comparer à BHL… Je vais boire pour oublier, tiens. Puis je frapperai mes gosses en attendant l’arrivée de la polisse.