A quoi sert l’Education Nationale acte III : la laideur des parents

vendredi 6 décembre 2013, par

Grosse Fatigue

Tout petit, je regardais les parents des autres. Comme j’étais méchant, je trouvais les parents moches. Et je trouvais que leurs enfants leur ressemblaient. Et ça m’allait bien. Nananère. Je détestais le monde entier, c’était formidable.
Aujourd’hui, j’ai souvent envie d’étrangler un parent d’élève, voire de canarder une famille entière à coup de privation de confort, de stage de survie en Tchétchénie ou au Groënland. Mais même là, ces sbires sont capables de faire les pires dégâts. Je remercie l’une de mes fidèles lectrices (Louise K. c’est toi, tu as droit à un bon d’achat de vingt euros sur mon site en ligne, et tu peux renouveler ta carte). Car Louise m’interpelle. Oui, l’Education Nationale nous pond de jolies choses inutiles et les gamins ne savent ni lire ni écrire en CM1 mais tout le monde s’en fout. Et surtout les parents. Oui je suis bien d’accord, les parents sont les pires car ils ne doutent de rien, ils ne se doutent de rien, ils sont les anges-gardiens de leurs enfants-rois, ces enfants vite paumés au premier divorce – on a les égoïsmes qu’on peut – et d’ailleurs on peut, c’est autorisé ! Alors oui Louise, je le sais bien que les parents d’élèves d’aujourd’hui ont pour principe la laideur et pour horizon son extension infinie à coup de nouveauté et d’écoute de l’enfant qui veut ceci et cela, et ceci finira comme cela : brûlé au prochain Noël. Ah que oui le parent d’élève exècre l’instituteur ou l’enseignant du secondaire, ce fonctionnaire qui croule sous les vacances et reste en manque d’autorité, ce pauvre type qui ne connaît rien aux managers d’entreprises qui font les richesses, les seules richesses de la France !
Autrefois, c’était l’instituteur qui faisait la seule richesse du pays. Les valeurs ont de ces inversions…. Oui, aujourd’hui, les parents incapables de s’élever plus haut que les prochaines vacances recomposées se croient capables d’élever leurs enfants à défaut d’élever le ton. Alors ils les emmène dans des centres de loisirs comme aux Amériques, des structures gonflables et gonflantes, hiver comme été, pire que les bowlings, avec écrans géants et bières à gogo, ces usines nouvelles se remplissent aussi sûrement que les écrans vidéo de nos ambitions maniaques.
Tristesse.
-« T’es content de toi ? » me dit Roy.
Je croyais que Roy, ma conscience américaine, était reparti chez lui.
-« Ben, t’es pas rentré dans le Tennessee ? »
– « Non, je suis là, je suis ta conscience américaine. T’es content de toi, à dire du mal des parents d’élèves à l’heure où les organismes internationaux pointent du doigt la France et son ministère de l’Education Nationale, qui dépense le plus au monde pour un résultat très moyen ? »
-« C’est parce que je pense que les parents y sont pour quelque chose. Tiens, l’autre fois, un parent m’a dit qu’il était très content que l’instituteur ne donne aucun devoir le soir. C’était contre la loi, et lui, il voulait que son gamin s’épanouisse. Le gamin est épanoui. Il ne sait pas trop écrire le français, mais bon. »
-« L’important, c’est qu’il parle anglais à l’américaine. »
-« Oui sans doute. »
-« Et qu’il aime les parcs d’attraction. »
-« Euh ».
-« Et les pop-corns. »
-« Je » ?
-« Et les fast-foods ? »
-« Mais non ! »
-« Mais si ! C’est la vie d’aujourd’hui merde : l’Amérique vient à toi ! Si tu veux que tes gamins soient bons, mets-les dans le privé ! Qu’est-ce qu’on fait chez nous ???? Vous, vous importez des pauvres pour leur faire croire ! Nous, on les fait bosser ! Et nos gamins intelligents vont dans des écoles privées où ils préparent des concours pour l’Ivy League où leurs parents allaient déjà ! »
-« Mais chez nous c’est pareil sauf pour les droits d’inscription dans les grandes écoles d’ingénieurs… »
-« Chez vous, c’est encore mieux : les pauvres financent les écoles gratuites des riches… »
-« EUH. »
-« Allez, tais-toi donc maintenant. Encore une fois, tu dis n’importe quoi. »
-« Je. »

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Article suivant, le 8 décembre 2013 : Rachid Mandela n’est pas mort.

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2 Commentaires
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Léon
Léon
16 décembre 2013 10 h 17 min

Excellent comme d’habitude. Et il faut lire « Rachid Mandela n’est pas mort ».

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
17 décembre 2013 23 h 25 min

Il faut tout lire.
Tout est à prendre dans Grosse Fatigue.
Un jour dans ma salle des profs j’ai affiché un texte contre la cérémonie annuelle de la Réunion parents profs.
Sempiternelle farce où il ne fallait pas dire la vérité.
Surtout pas la vérité.