Les Wisiquoi?

Les Wisiquoi ????

Je ne sais si vous le savez, mais Août c’est le mois des Wisigoths

Nous avons été présentés, je ne sais plus par quel instituteur de mon enfance. Le mot avait été lâché pour nous faire rire. Nous rîmes. Le soir le gros dictionnaire de Papa m’apprit : Wisigoths = goths de l’Ouest. Je n’étais guère avancé .

C’est du moins tout ce qu’il m’en resta pendant longtemps l’armée de la République ayant réclamé mon excellent prof d’histoire de 5è pour l’envoyer sous d’autres cieux. Il avait eu juste le temps de faire pousser le germe laissé par le prof de 6è . Ce fut une des rares ( peut-être la seule) années où un programme ROME ne fut pas bouclé. Faut-il y voir la cause du grand nombre de livres consacrés à son histoire ? Est-ce à cause de Rome que je passe ma vie à multiplier les étagères ? Il fallut attendre, après bien des péripéties,  ma deuxième année de fac pour entendre parler de ces amuseurs. Coup de bol le Bas Empire était au programme.

Alors ces Wisigoths ?

Bin, ils étaient pas tout seuls. Il y en avait d’autres, des tout aussi tordants et tordus, des Hérules , des Alains ( tiens ! comme  mon copain ) des Gépides, des Huns mais ces derniers je les connaissais, c’est ceux qui faisaient pleurer tous les ans Jean Pierre, dans les petites classes de l’école primaire. Et puis des tas d’autres, des bien diaboliques comme les Teufel du château de Toufou

Paraitrait même que les Huns auraient tenu les premiers rôles et provoqué un sacré foutoir. Mes Wisigoths ? …bof la routine . Des victoires , des défaites, des généraux romains valeureux,  des empereurs débiles, une prise de Rome, un gros morceau d’Espagne et de Gaule à la fin. Un truc particulier: un revers à Vouillé en 507, la Gaule passe aux Francs. Vers 700 des querelles de pouvoir entre prétendants au trône, des gens de l’autre côté sont appelés en renfort d’un camp contre l’autre en 711. En même pas 10 ans , il n’y a plus d’Espagne wisigothe.

Pas vraiment la peine d’aller à la faculté. Inscrivez-vous, réinscrivez-vous qu’ils disaient. Pour en arriver à ça ?  Très sincèrement, c’est plutôt  le petit journal de route d’un certain Caius Julius, qui nous avait tous emballé cette année là.

1- Ce fut eux mais c’aurait pu être les autres

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, les barbares c’est des gens qui viennent de l’Est et qui franchissent le Rhin gelé, à pied, la nuit de la Saint Sylvestre 406. Un truc pareil ça te vous marque l’empreinte sur la cire des jeunes cerveaux.

Les Wisigoths eux n’en étaient pas de ce rallye-là. Leur histoire a même commencé dans un tout autres sens. Au tournant du changement d’ère, on les trouve en Suède du sud ou en Poméranie.

  • Extension approximative des cultures de Wielbark (rouge) au IIè siècle  et de Tcherniakov (orange) au IIIè siècle . Seul point non discuté : les Goths surgissent au début du IIIème siècle dans le bassin du Danube et sur la côte nord-occidentale de la Mer Noire     http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Chernyakhov.PNG .
  • Une histoire de sépultures identiques et de mobilier funéraire qui se ressemble. Si vous voulez du mal à quelqu’un , faites lui lire de force des commentaires de fouilles .Tacite, qui a des relations et qui répète tout ce qu’on lui dit, les voit dans la région de l’estuaire de la Vistule . On les appellerait les Gotons . Ils s’appellent tous des Goths . Pas d’histoire de Wisi de l’Ouest ni d’Ostro de l’Est. Le vrai sens  serait plutôt les sages et  les brillants, voire des verseurs de semence ( la leur)

    À cette époque les armées d’Auguste puis de Tibère se promènent assez fréquemment dans les champs d’Allemagne du Nord, jusqu’à la Weser voire l’Elbe. Ce qui signifiait à l’arrière de cette zone,  populations en fuites, razzias, pillage et captures d’esclaves. Les peuples de la région, toujours en guerre entre eux ou en guerre entre alliés de Rome et adversaires des Romains, étaient en passe de s’unifier et se révélaient un tantinet sourcilleux sur les droits de passage.

    Aussi, guerriers nobles, hommes libres , femmes, enfants , bétail esclaves [toutes les sociétés antiques sont esclavagistes ] , tout le peuple Goth part à l’Est. Galicie -> Bukovine => Ukraine pour débouler un jour des années +180/200 en plein dans une zone grecque mais passée sous contrôle romain depuis Caligula : les bords de la Mer Noire

    Le tournant du 2è/3è siècle amène pour Rome des ennuis autrement complexes que les habituelles razzias des Alains contenues depuis longtemps par les armées romaines elles mêmes  et par la diplomatie . Une politique d’alliance et de contre poids avec d’autres peuples de la région Nord Caucase /Ukraine. Les Goths sont là. Avec eux ce n’est plus la même chose. La destruction de Tyras marque la fin de la Mer Noire /lac romain . Bateaux et ports  vont servir aux Goths pour leurs expéditions sur les cotes Nord de l’Asie Mineure. Les pirates font la loi .

    Pour les Romains  ce peuple n’en est même pas un. Nous les savons avant tout  guerriers, pour les hommes libres.. L’homme libre doit choisir un chef auquel il se lie personnellement. Le groupe guerrier formé par le chef et ses hommes fait des raids et des pillages. En cas de victoire, ils en partagent le fruit , en cas d’échec, le chef risque d’être abandonné par ses hommes ou devoir se mettre sous les ordres d’un autre chef. L’homme libre de base, lui aussi, descend d’un cran, il ne lui reste plus qu’à se montrer plus combattif la fois prochaine, à risquer la captivité ou la mort.Le guerrier wisigoth n’a pas d’uniforme, il s’équipe du mieux qu’il peut. Les meilleurs d’entre eux disposent d’un cheval, d’une armure, d’un casque , d’une épée, d’une lance, d’une hache et d’un bouclier. Le guerrier ordinaire n’a lui qu’une lance et un bouclier.

    Vers 250 Rome perd le contrôle de la situation militaire. C’est l’épouvantable 3è siècle

    Les Goths maintenant installés sur la mer Noire n’ont plus grand chose à voir du point de vue de leur composition ethnique avec ceux des bords de la Vistule  De nombreux peuples ont été intégrés de gré ou de force . Le IIIe siècle va accélérer cette évolution.  De nombreuses alliances militaires vont se créer et les Goths auront un rôle prédominant dans ces coalitions. La couche Goth s’ajoute à la couche Scytho-Sarmates de la région. Les pirates Goths sillonnent la mer Egée, frappent la côte  d’Asie , ravagent Rhodes et même la Crête.

    Les villes romaines de Moesie ( sud Danube) doivent payer un tribut.Philippe l’arabe, ayant interrompu le tribut, les Goths se ruent sur la Dacie ( Roumanie) et franchissent le Danube.Mais le géant romain n’est pas mort, il a encore les moyens de se défendre. Une flotte est armée pour lutter avec succès contre les pirates en Mer noire et un général, futur empereur, Claude le Gothique les écrase  à Naissus( Nich) en Serbie) 268/9  Les barbares y perdraient 50 000 combattants. Après la défaite,un nombre conséquent de guerriers est intégré à l’armée romaine et les Goths très affaiblis repassent le Danube.

    Allons nous avoir la paix ?

    Les Goths s’installent, cultivent , s’adonnent au commerce, ils s’entendent avec Constantin, ( vers 330) ils fondent Kiev. Ils se convertissent au christianisme arien. Rome reprend  ses implantations en Colchide et sa politique d’alliance avec les roitelets du Nord de la Mer noire.

    Quand brusquement l’orage éclate. On n’a rien vu venir.370

    Supérieurs en nombre, en vitesse, en armement, en connaissances tactiques, les Huns foudroient le monde antique . Ils bousculent devant eux les autres barbares qui  s’échappent ou se soumettent. Ceux qui deviendront les Ostrogoths sont battus, soumis,  vassalisés – 376 . Fuyant devant l’ennemi, les Wisigoths demandent à entrer sur le territoire romain. On les accueille en Thrace avec clause implicite qu’ils la défendent. Il faut bien le dire, ils sont un peu démunis. Un véritable flot humain se mêle aux Wisigoths, l’administration romaine est incapable de contrôler et ravitailler cette marée humaine.

    Il faut dire aussi qu’on accumule à leur égard les vexations risquées.

    -Les préfets locaux veulent les désarmer

    -Le mariage avec des Romains leur est interdit

    -On leur fournit des vivres à des prix prohibitifs

    Le problème social vient s’ajouter au problème militaire, d’autres barbares les rejoignent  ainsi que des Goths déjà romanisés et même des esclaves en fuite. Ils se dirigent vers  la capitale. L’empereur en personne, avec ses troupes d’élite, vient les affronter à Andrinople. On va leur faire comprendre. Ce sera bref et définitif. On n’aura pas affaire à plus de 10 000 combattants , dit-on…

    Quand au matin du 9 août 378, les Wisigoths et leur camp de chariots en cercle sont en vue , on déchante . Ils sont en vérité un peutropbeaucoupplus nombreux que ça.

    Alors ?  Si on causait. ?

    On arriverait à s’entendre , car les deux camps ont tout intérêt à trouver un apaisement.

    C’est vrai si on y pense . On ne peut se permettre de faire tuer les si rares soldats romains dans une bataille à l’issue  finalement assez indécise . On ne peut pas non plus se permettre de perdre de si belles (et si désespérément prêtes à tout) éventuelles recrues. N’oublions pas les Huns ne sont pas loin, les Huns sont partout.

    C’est ce que les courtisans du palais, qui n’ont pas manqué le voyage et une expédition que tout annonce facile pour se pavaner devant l’empereur, n’entendent pas de cette oreille. On ne  va pas pactiser avec ces grossiers barbares, ces sous-hommes voués à l’esclavage. Alors, sans rien demander, ils chargent.  Beaucoup de ceux qui attendent encore reconnaissent des familiers de l’empereur parmi les fanfarons qui chargent,  ce doit être un plan secret, qui sait. Hé les gars!  On ne va pas se faire mal voir. Alors on y va tous, mais hélas dans le désordre. Une armée romaine dans le désordre , il lui manque un bras.

    Et c’est le carnage. Le cercle  de chariots, instrument tactique millénaire, fait encore ses preuves. Curieusement absente au début, la cavalerie wisigoth revenant de « fourrager » dans les environs, sonne le désastre en procédant à l’encerclement de l’armée romaine engluée au contact.

    Avant de mourir avec les 2/3 de son armée, l’empereur a-t-il regardé au loin ? Espérait-il la moitié absente de son armée sous les ordres  de son neveu qu’il n’avait pas jugé bon d’attendre avant de venir au contact de l’ennemi.?

    2-Nous sommes bien au bas empire

    C’est peut-être le moment de savoir ce qu’était l’empire romain. Ce qu’il est encore à l’époque d’Andrinople .

    Dans un monde où la richesse est produite par les esclaves, le territoire est aux mains d’une bande qui se chamaille sans arrêt pour en tirer le maximum de profit. Dans la région méditerranéenne, la bande à Romulus a apparemment réglé son compte à celle de Carthage et aux descendants d’Alexandre. Prouesse considérable.

    Oui, mais à Rome même, c’est un sacré foutoir. La bande à Lucius s’oppose à la bande à Caius qui se méfie de celle de Lucilius, qui a un vieux compte à régler avec Lentulus……..Tout ça au nom de la vertu et de l’honneur. Il faut dire que le pactole est tellement énorme. Chaque bande a son secteur et ses hommes de mains mais depuis le 1er siècle avant  JC et surtout depuis la révolte de Spartacus, on vit dans une guerre civile permanente où l’armée intervient comme dernier argument des conflits politiques.

    La légion romaine est un outil insurpassable qui surclasse les forces militaires des voisins, mais si on continue à s’étriper entre Romains ça ne va pas durer. La République sera-t-elle capable d’affronter une nouvelle révolte des esclaves ? Tous ces brigands se surveillent et se tendent des pièges aux réunions de la « Coupole » à la Curie : Le Sénat. Caesar supplante ses rivaux et installe une espèce de rationalisation du système. Il devient le Capo di tutti capi .

    Les déçus, les envieux , les idiots, les prétentieux  l’éliminent , au nom de la vertu de l’honneur et de la République. Un magouilleur  super doué,  Octave,le remplace, au nom de la vertu de l’honneur et de la République

    Et c’est parti, dès la première dynastie , le poison, le glaive, sont là pour régler les problèmes de succession..

    Les dangers extérieurs étant maitrisés, l’affrontement se livre entre membres de  la famille de l’empereur et  celles des prétendants. Peu à peu, on monte en puissance dans le choix des moyens pour éliminer le Caesar : des esclaves empoisonneurs, la garde personnelle achetée, une garnison qui intervient au bon moment, un soulèvement judicieux  d’une ou deux légions quand il faut sur le Limes.

    Au troisième siècle, les magouilles du sénat et des généraux en vue conduisent à la situation chaotique que tout le monde connait. Élimination en série des princes, usurpations en cascade.

    Le pouvoir romain est à celui qui veut le prendre s’il en a les moyens militaires. Parfois,  tout surpris, un général vainqueur se trouve acclamé par ses troupes sans n’avoir rien  fait pour cela. Parfois c’est contre sa volonté. On  voit même les régiments de parade de la garde prétorienne venir chercher un vieux sénateur qui ne demandait rien, pour le vêtir tout tremblant de la pourpre, dans l’espoir de la gratification automatiquement versée aux troupes par le nouvel empereur. Attention si la gratification n’est pas versée en temps et en heure,  s’il elle est insuffisante, ou si on augmente les prix au dernier moment, le nouveau promu peut se faire égorger par les déçus.

    Ainsi, du Rhin, de Bretagne, d’Asie, d’Afrique, d’Illyrie sont élevés à la magistrature suprême des gens qui n’en demandaient pas tant et des gens qui, eux, attendaient  en rongeant leur frein.

    La division administrative en 2 ( en fait en quatre) du pouvoir impérial par Dioclétien ne fait qu’ajouter aux  troubles et aux affrontements internes.

    C’est bien plus compliqué que la guerre, c’est la politique.

    On dit qu’on est pour Marius, parce qu’en fait  Marius est le candidat qui me permettra de faire mes petites affaires, ou celui qui m’élèvera en même temps que lui et qui me permettra après l’avoir éliminé d’accéder moi-même à la pourpre.

    L’armée, outil indispensable pour accéder au trône est devenue le pire danger de ce trône.

    Ils se tuent entre eux , ils se remplacent , on voit arriver les plus improbables ( Elagabal), les soldats font monter les prix. Pas difficile à comprendre pour le bidasse le plus obtus que les millions de sesterces espérés par le candidat empereur doivent passer en partie par sa bourse à  lui. Sinon ?  Bin sinon,  on déplorera  comme une baisse de motivation chez le légionnaire,  il risque même d’aller se faire embaucher par la concurrence. Toujours au nom de la vertu, de l’honneur et de la République, ça va de soi.

    3-Le jeu se complique

    Tout ça coûte de plus en plus cher et à cette époque, comme sous la nôtre, un seul moyen : le cochon d’esclave qui produit la richesse, dans les champs, dans les mines, aux rames des galères … La multiplication des Bagaudes au IIIè et IVè siècle montre que ça ne se passe pas tout seul. La guerre des gangs ce n’est pas bon pour le business, pas bon pour le racket .

    C’est d’autant moins bon que des bandes de pouilleux venus on ne sait d’où, au courant de la pagaille, se sentent pousser des ailes et viennent réclamer sans avoir été invitées. Les  Wisigoths s’installent au bord de la Mer Noire et pas simplement pour faire pousser l’avoine. Ils veulent une part du gâteau.

    La bande de l’empereur , les bandes rivales des Optimes, les sénateurs qui espèrent leur tour, et les spécialistes de la gâchette ( les légions) voient arriver un nouveau joueur : les barbares.

    Dans un premier temps on courbe le dos, on espère que l’orage frappera ailleurs, on discute , on paye. Le nouveau venu ne respecte vraiment rien  il en veut toujours plus. C’est là qu’on va avoir besoin des spécialistes.

    Facile à dire, mais au troisième siècle il est loin le temps où le légionnaire des origines payait lui-même son équipement. Vers les 250 un légionnaire ça coûte la peau, et la cavalerie lourde, je ne vous dis pas. C’est d’autant plus cher que les généreux donateurs ne se bousculent pas, tout étant organisé depuis des siècles pour que les plus riches soient justement exemptés de tout paiement. Alors l’empereur doit puiser dans sa caisse et  c’est là que ça se complique.

    Si les choses tournent bien, l’Empereur va l’emporter. Oui mais il va se retrouver beaucoup moins riche et donc en situation de faiblesse. Il pourra moins payer les soutiens dont il a besoin et  acheter les défections chez ses concurrents. Un concurrent, il vient de s’en fabriquer un , en offrant une popularité énorme à un général . Cette popularité se ressent déjà dans la capitale Rome ou Constantinople mais aussi dans les rangs des légions victorieuses et dans quelques temps, de proche en proche, dans les rangs des autres légions, voire dans les garnisons du palais.

    Rien n’est plus dangereux pour l’Empire Romain qu’un général vainqueur

    Il serait pourtant simple d’intégrer les barbares de leur donner des terres, la chute de la démographie offre de la place et les propriétaires latifundiaires ne verraient même pas la part offerte à ces nouveaux arrivants. De plus ces hommes libres fourniraient des troupes de 1ère force pour protéger la région de leur installation

    Oui , …, mais non.

    Les grands dignitaires de l’Empire, de l’armée, les grands propriétaires ne voient pas du tout l’affaire de cet œil-là. Rien ne les incline à soutenir une politique qui rognerait leur richesse au profit de ces pouilleux qu’ils méprisent et de cet empereur qu’ils ne portent pas dans leur cœur.

    Dans l’armée on veut bien intégrer en contrôlant le processus mais pas accepter de se laisser  submerger par des milliers de barbares à l’obéissance problématique. À quoi ça sert d’être un bon général si au premier succès on vous met au chômage ? Comment accepter que l’on offre à des  Goths ce qu’on refuse à des Vandales, quand on est soi-même fils de Vandale ‘ (Stilicon) En même temps quand on est général c’est mieux quand on a un ennemi. On reste  indispensable

    Dans ce billard à 3 bandes, on a examiné le jeu  de l’empereur,  des grands propriétaires, des généraux , il nous reste à nous pencher sur celui des barbares. Nos Wisigoths.

    Heu…la paix comme ça tout de suite , bin heu… on va peut-être penser à augmenter nos prix. D’ailleurs quand on y pense : qui peut payer et combien.? Piller des fermes , on en pille tous les jours. Piller des villes on a essayé. Depuis que les romains ont fortifié les cités c’est pratiquement impossible. Quelques villes de Mésie effrayées nous payent tribut mais ça ne va pas durer. Alors il suffit de se montrer exigeant juste ce qu’il faut, en maintenant la pression, en pillant de plus en plus profond, la Thrace , la Grèce, la Mer Egée, la Mer Noire

    Après Andrinople , on accepte l’offre de s’éloigner de Constantinople de s’installer en Illyrie, (Serbie/Croatie) et on fait monter les enchères en menaçant Rome. Pendant qu’on y est on se tient bien loin des Huns qui ont complètement soumis nos frères Ostrogoths. C’est vrai que  ces Huns sont terribles et qu’il faudrait que quelqu’un les élimine. Mais tout ce qu’on nous propose c’est de nous mettre en première ligne.

    On pille, on discute, on se fait payer. La richesse de cet Empire est inépuisable

    À l’entrée du Vè siècle le chef des Wisigoths  Alaric tourne ses projets vers l’Occident

    IV- Tout est en place

    Fidèle à la politique de Théodose le Grand, le général Stilicon souhaite maintenir l’unité de l’Empire. Il s’attire par là la haine des courtisans des deux palais de Constantinople et de Rome où les envieux et les jaloux ne manquent pas . Stilicon est trop important, trop compétent, il est monté trop haut. Il fait de l’ombre à trop de gens. À Constantinople, il n’a plus que des ennemis. On le déclare ennemi public. Lui, le gendre du grand Théodose. L’homme qui veut avec acharnement réunifier l’Empire. À Rome, il est le protecteur du jeune empereur Honorius, il en épouse une des sœurs, Serena,  et il arrive à lui faire épouser sa fille. Alors en Orient on fait tout pour lui mettre des bâtons dans les roues. On l’accuse de vouloir accéder au trône en personne. On lui suscite des adversaires, on pratique la politique du pire. On favorise des usurpations : Gildon en Afrique, un autre en Bretagne, et on multiplie les rumeurs. N’est-il pas barbare avant tout, ce Stilicon ?

    Alaric assiège Milan, Stilicon l’attaque, le poursuit et le bat par deux fois, à Pollentia et à Vérone en 403 l’année suivante. Oui mais à Constantinople , et même à Rome, la rumeur circule d’une sortie laissée délibérément   au dernier moment de la bataille, une fuite offerte  à Alaric, alors que tout était réuni pour l’écraser définitivement….. On accuse ouvertement Stilicon de complicité avec Alaric. Ce dernier se replie en Illyrie pour un bon moment. C’est alors qu’un groupe de Barbares : Suèves, Ostrogoths, Vandales, Burgondes, Hérules, Alains pénètrent en Italie et ravagent la plaine du Pô. Le général impose au Sénat des contributions pour solder des troupes barbares, il impose aussi l’enrôlement de nombreux esclaves avec la promesse de liberté.

    Le Sénat bougonne mais s’exécute.

    Les envahisseurs sont écrasés près de Florence. Stilicon se voit offrir le triomphe sur le même char que l’Empereur d’Occident. Ça y est, il est l’homme le plus détesté de Rome.

    À la Saint Sylvestre 406, le Rhin craque, Mayence tombe. Un officier de Bretagne se lance dans l’usurpation, sous le titre de Constantin III, il s’empare de la Gaule du Nord et de l’Hispanie. Ne faudrait-il pas contacter Alaric pour en recevoir un soutien, propose le grand  général Stilicon ?

    Stilicon n’impose plus, il demande. Les opposants anti-barbares ne se cachent plus, la cour complote. Les partisans du général sont éliminés, sa famille, puis lui-même. Tout se passe en un clin d’œil du 13 au 22 août 408

    À Constantinople et à Rome le parti anti barbare exulte.

    Dès octobre, Alaric entre en Italie, en novembre il est sous les murs de Rome.

    Négociations, rançon, négociations. Levée du siège puis réinstallation. Au troisième siège le 24 août 410 Rome est prise et mise à sac.

    Entre temps,  Galla Placida, fille de Théodose, sœur des empereurs d’Orient, Arcadius, et d’Occident, Honorieus,  a obtenu la mort de la femme de Stilicon, sa demi sœur. Elle sera prise comme otage par Alaric puis épousée par son successeur Athaulf  le 1er Janvier 414 à Narbonne.

    Elle est alors reine d’Hispanie et d’Aquitaine, épouse du nouveau chef Athaulf  qui sera assassiné. Puis , des mains du nouveau roi Sigeric elle passera à celles de son assassin Vallia, qui la rendra finalement au Général romain Constance…Les folles aventures de Galla Placidia continueront encore longtemps.

    Nos Wisigoths ? De  70 000 à 200 000 personnes, beaucoup moins  selon mon prof de fac, s’installent dans les  provinces d’ Hispanie qui deviennent avec eux l’Espagne. Ils ont été précédés par les Vandales 3 ou 4 ans plus tôt. Le Bas Empire d’Occident n’a plus que quelques années à vivre . On peut choisir de reprocher cet effondrement aux Wisigoths mais le navire romain a été à mon avis coulé par son propre équipage. Un peu comme le bateau pirate d’Astérix.

    Heu……..tout ça c’est grosso quomodo.

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    Tall
    Tall
    7 septembre 2011 7 h 55 min

    Chouette ! J’aime bien ce style pour raconter l’Histoire. Au moins, ça intéresse.
    Je me souviens de profs d’histoire pédagogiquement très contrastés en la matière. Les uns m’endormant systématiquement à la 3e phrase, tandis que d’autres me faisaient dire « oh zut, déjà ? » quand la cloche sonnait la fin du film. Car c’était vraiment un film qu’ils nous faisaient vivre.
    A quoi ça tient, l’éduc.

    Vox(agora)
    Vox(agora)
    7 septembre 2011 11 h 10 min

    « Un truc pareil ça te vous marque l’empreinte sur la cire des jeunes cerveaux« .

    Exactement ! On aime l’histoire, les histoires ou l’Histoire parce que les mots que les enseignants nous donnent
    nous entrent dans la chair.
    Est-ce que Donatien est votre vrai prénom ?

    Causette
    Causette
    7 septembre 2011 13 h 32 min

    Bonjour à tous

    Furtif, comment on dit bonjour en Wisigoth? Je lisais tranquillement les wisiquoi? j’ai cliqué sur Héliogabale. Je lis sa bio. Et hop la page c’est bloquée 😯 j’chais pas pourquoi? un des tours de magie à distance de Furtif! c’est certain. J’ai tout éteint.

    Donc…

    Moi j’adore l’Histoire. J’ai noté que Heliogabale a laissé les rênes du pouvoir à sa mamy, et à sa maman qui imposa sa présence au Sénat, ça choque nos « guerriers » bien entendu! une femme au Sénat quelle horreur :mrgreen:

    Il y a un autre truc dans sa bio qui est curieux:

    Héliogabale prend la route de Rome avec une procession qui transporte une pierre noire sur un char d’or conduit par des chevaux blancs qu’il conduit à reculons jusqu’au Palatin qu’il atteint durant l’été (…)
    Son cousin, Sévère Alexandre, devint empereur, et la pierre noire retourna à Emèse.
    Qu’est-ce que cette pierre noire…?

    Bon je retourne à la lecture de l’article
    Le jeu se complique

    Causette
    Causette
    7 septembre 2011 13 h 40 min
    Reply to  Causette

    J’ai aussi découvert le mot césaropapisme.

    finael
    finael
    7 septembre 2011 16 h 14 min

    Très intéressant et documenté

    asinus
    Membre
    asinus
    7 septembre 2011 16 h 48 min

    yep ! la belle Histoire !

    Causette
    Causette
    7 septembre 2011 18 h 29 min
    Reply to  asinus

    Dchamelle et sa science :mrgreen:

    Bon alors? pas de réponse à cette pierre noire? sur un char d’or et en plus par des chevaux blancs qu’il conduit à reculons… à reculons?

    je me suis un peu arrêtée au clan des Balthes: la question de l’origine des Goths est un puzzzzle historique et philologique important… Dans Postérité des Goths en Europe occidentale, à historiographie française: la section est vide grrrr!

    J’ai trouvé ce document (ça peut aider pour réviser son latin 🙄 ) Un autre truc que j’ai trouvé intéressant: Le statut des femmes à l’époque mérovingienne concerne une période allant du Ve siècle à 751.

    bon je vais me payer une petite cervèse au bar.

    Causette
    Causette
    7 septembre 2011 19 h 42 min
    Reply to  D. Furtif

    ‘Xcuse Furtif d’empiéter sur ta future Nistoire 😳 😀

    ça m’intrigue cette histoire, je vais chercher. T’a pas une piste ❓

    Léon
    Léon
    7 septembre 2011 18 h 04 min

    Pour cause de plage, je n’ai pas eu le temps de venir dire que j’aimais bien cet article qui comble des manques terribles. Les gens de mon âge se rappelleront peut-être que cette période qui va de la fin de l’empire d’Occident au début des Capétiens était étudiée dans les petites classes et j’en garde le souvenir d’une époque merdique où on ne comprend rien et où on ne sait rien ou pas grand chose : les vespasiennes, Berthe au Grand pied, le vase de Soisson et les missi dominici, c’est à peu près tout.
    Alors là je découvre…

    ranta
    ranta
    7 septembre 2011 18 h 46 min
    Reply to  D. Furtif

    Te donner du Dchamelle ? Non mais, comme tu y vas ! 😯 On sait bien que tu as des pouvoirs para-normaux mais tu crois vraiment que tu peux l’imiter ❓ ➡ Mélanger Kant avec la recette des oeufs brouillés assaisonné d’un zeste de mécanique quantique servie dans un plat de relativité ?

    ranta
    ranta
    7 septembre 2011 18 h 56 min
    Reply to  Léon

    Pas que ceux de ton âge Léon. Pas que ceux là.

    ranta
    ranta
    7 septembre 2011 19 h 04 min
    Reply to  Léon

    Moi, j’avais un instit qu’avait une marotte : l’ Afrique. L’histoire faisait le tour du préau et de la cour de récré, les anciens t’expliquait le truc suprême : Lorsque t’étais interrogé et que tu avais pas appris ta leçon, si tu parvenais à placer le fleuve Zambèse t’étais sauvé. Tu pouvais confondre la Loire te le Zambèse. Même avec l’océan Arctique, ça le faisait aussi.
    Là, il te reprenait et se mettait à t’expliquer ce qu’était le zambèse….T’avais plus qu’à attendre la récré 😆

    Causette
    Causette
    7 septembre 2011 19 h 39 min
    Reply to  ranta

    Et alors, c’est bien cette Histoire zambèsienne de ton prof 😆 y s’appelait pas môssieur môrice :mrgreen:

    ranta
    ranta
    7 septembre 2011 19 h 47 min
    Reply to  Causette

    Instit causette, instit, confond avec le grrrrannnnnnnnd prof de Tourcoing 😆

    Tall
    Tall
    7 septembre 2011 20 h 02 min
    Reply to  ranta

    marrant, le coup du zambèze, ça me rappelle des trucs avec un prof
    il le savait bien, mais c’était + fort que lui
    alors un jour qu’il s’était encore une fois fait embarquer, la cloche sonne et il s’exclame :
    – Ouais ! Bon ! Vous m’avez encore eu, hein !? 😀

    ranta
    ranta
    7 septembre 2011 20 h 04 min

    « On dit qu’on est pour Marius, parce qu’en fait Marius est le candidat qui me permettra de faire mes petites affaires, ou celui qui m’élèvera en même temps que lui et qui me permettra après l’avoir éliminé d’accéder moi-même à la pourpre. »

    ça n’a pas beaucoup changé de nos jours, non ?

    ranta
    ranta
    7 septembre 2011 21 h 03 min
    Reply to  D. Furtif

    Faudra vraiment qu’un jour je me penche sur cette putain de guerre.

    snoopy86
    Membre
    snoopy86
    7 septembre 2011 22 h 25 min

    Période fascinante et méconnue ….

    Des mouvements de populations comme il y en eut peu dans l’histoire de l’occident …

    Dans not’Poitou il y a des populations noiraudes et mates au fin fond de nos campagnes. En fouillant, l’histoire nous apprend que les romains avaient installé dans cette région riche à l’époque des colonies de taïfales et de sarmates (des perses ) avec obligation de service armé façon cosaques …

    Moi-même, français dit de souche authentifiée, j’ai découvert il y a quelques années que j’avais des gênes plus répandus chez les mongols que chez les celtes …

    Causette
    Causette
    7 septembre 2011 22 h 55 min
    Reply to  D. Furtif

    Très joli ce château du Toufou. Il y aurait eu un tremblement de terre à Bonnes au XVIIIe siècle? étonnant.

    ranta
    ranta
    7 septembre 2011 23 h 45 min
    Reply to  D. Furtif

    Serait-je dans l’erreur en disant que l’épisode ou épisodes Huns ont fait le plus grand mal à l’empire Romain, peut-être bien plus que tous les wisigoths réunis ?

    Causette
    Causette
    7 septembre 2011 22 h 42 min
    Reply to  snoopy86

    Mongol? Snoopy. Alors ce film devrait vous plaire. Moi j’ai aimé.

    yohan
    yohan
    7 septembre 2011 23 h 28 min

    J’avoue que je n’ai trouvé jadis aucun bon prof pour fixer dans ma gélatine personnelle ce coin d’histoire passablement touffu. La prise de « risque pédagogigue » s’impose sur un tel sujet, la preuve par Furtif.
    PS : J’aurais bien voulu connaître les Alains. En tout cas, ces gars avaient sacrément la bougeotte. Mais c’est peut-être aussi parce qu’ils n’avaient pas la télé. 😳

    ranta
    ranta
    7 septembre 2011 23 h 47 min
    Reply to  D. Furtif

    gaffe Furtif, tu te momorisses en annonçant la suite 😆

    Hé, y’en pas 80 ? 😆

    Lapa
    Administrateur
    Lapa
    8 septembre 2011 1 h 08 min

    passionnant et avec des cartes en plus! que demande le peuple??

    snoopy86
    Membre
    snoopy86
    8 septembre 2011 10 h 17 min

    Il y a deux F à Touffou comme il y a deux SS à ….

    L’histoire récente de ce chateau est aussi passionnante …

    Il appartenait encore à une vieille famille locale les De V….
    Ceux-ci furent ruinés par un de leurs cadres  » victime  » notamment de sa passion pour le foot et le Stade Français en particulier …

    Le patriarche Enguerrand, qui aurait pourtant pu sauver l’essentiel, mit son honneur à payer les créanciers. Il trouva un acheteur, David Ogilvy, inventeur de la publicité moderne et propriétaire d’une des 2 plus grosses agences mondiales. Ogilvy acheta tout : le chateau, les meubles, la meute, les chevaux ….

    Les locaux n’ont pas eu à s’en plaindre, le patrmoine français non plus

    COLRE
    COLRE
    8 septembre 2011 17 h 19 min

    En pleine forme le furtif ! j’ai enfin lu ton papier = le sourire accroché par tes tournures stylistiques toute furtiviennes ! très drôle, vraiment.
    Quant au fond de l’histoire, j’en garde l’idée d’un vaste foutoir… :mrgreen:

    Vilain Petit canard
    Vilain Petit canard
    14 septembre 2011 11 h 24 min

    Génaial ! J’ai a-do-ré, encore, encore, encore ! Que sera le suivant ? Les Huns, les Alains ? Cette période me passionne.