Hier 15H30, visite à la médecine du travail dans un endroit pas possible, une Cité Administrative en périphérie de la ville Préfecture. À l’origine, cette cité devait se trouver plus ou moins à la campagne mais depuis pas mal de temps, déjà, elle a été engloutie par de multiples ZAC, ZUP, ZEP et je ne sais quoi encore, vous savez les fameux plans d’urbanisme et autres binzz qu’on modifie au besoin et qui enrichissent.
Rien que le nom déjà, Cité Administrative, ça donne envie de fuir, un ghetto cerné par d’autres ghettos avec des voies carrossables dignes du temps des chars à bancs, même que quand deux diligences se croisent, il y en a une qui doit se garer dans le fossé pour laisser passer l’autre. Et comme nous sommes au XXI ème siècle, plus personne ne veut se garer. Et puis quoi encore !
Donc pour m’y retrouver dans ce fouillis péri-urbain, je consulte Google maps. On ne remerciera jamais assez les services de Google maps. Bon, je repère le trajet qui me semble le plus approprié et l’imprime dans ma caboche. Vingt minutes, qu’il m’a dit le monsieur google. Mais méfiance, je suis prudent de nature, donc méfiant quand je ne connais pas, aussi je prends un pied de pilote de dix minutes. On ne sait jamais, hein, des fois que j’aurais été marabouté par un dépanneur d’ordinateur à distance et puis… bon bref, on ne va pas en faire une encyclopédie, non plus. Résultat de mon intense cogitation : je dois mettre en route à 15h00.
15h15, j’aborde la grande ville et engage mon véhicule à quatre roues, motorisé au gas-oil, sur le périph’ nord-ouest. À ce moment du récit je crois utile de vous signaler que je demeure un poil à côté du trou du cul du monde, juste un poil. Pendant quelques instants je culpabilise à mort : « quand même Xavier du gas-oil, tu te rends compte ? Là tu déconnes à plein tube ! Penses à l’avenir de la Planète, la couche d’ozone, à tes petits n’enfants, et tout et tout … » Vous savez comment qu’ c’est, on roule, on roule et puis de jolis visages viennent se greffer sur vos pensées, on se prend à rêver d’une dégustation de bulots avec ou sans mayonnaise… Ah, non, stop ! J’ai jamais pu saquer les bulots. Et puis moi, j’ai rendez-vous avec la médecine du travail.
Il est chouette ce périh’ tout neuf. Financé en grande partie par le Conseil Général, donc par moi. L’Europe a versé son obole pour pouvoir mettre un grand panneau sur le côté de la route et nous rappeler que sans elle point de salut. L’Etat ? Oui, il a aidé un peu. Oh ! Pas grand chose, décentralisation oblige, mais il a participé. D’ailleurs il compte bien rentrer dans ses frais, une autoroute dernier cri limitée à 90 km/h. Pensez donc ! Avec quelques radars ça devrait coller, non ? Mais je deviens mesquin là.
« Hé ho ! Plutôt que de révasser là, tu ferais mieux de regarder les pancartes si tu veux pas louper la sortie ». Atterrissage brutal mais bienvenu, c’est ma petite voix intérieure qui me ramène aux dures réalités de la vie.
Hopppppppallààààà, la voilà la sortie !
Attention extrême, réflexions intenses et hasard bienveillant font que je trouve, enfin, cette si bien nommée Cité Administrative, entrée unique et pas de sortie. Je découvre alors une enfilade de bâtiments en quinconce plus ou moins prononcée, tous plus moches les uns que les autres, avec de grands parkings, vides parfois, mais la plupart du temps riquiquis et débordants. Il y a bien des pancartes censées présenter les activités foisonnantes de chaque immeuble mais , apparemment, les concepteurs, architectes ou urbanistes, n’ont pas été mis au courant, durant leurs longues études, que la végétation ne végète pas et même qu’elle pousse. Enfin à 15h25, je dirige mon bolide à gas-oil sur le parking idoine.
Comme de juste le mien, de parking, est bourré à craquer ! Des envies de meurtres me montent à la tête, qu’est ce qu’ils font tous ces gens-là sur mon parking, alors que j’ai rendez-vous dans cinq minutes? Non mais, franchement !
Je tourne, je tourne. Au poil, là-bas il y a des places libres. Pas le temps de médire, ma petite voix intérieure me dit : « Ta gueule Xavier, t’es pas handicapé, alors passes ton chemin !»
15h30, le bestiaux à gas-oil est finalement rangé. En faisant vite, je vais m’en tirer avec deux ou trois minutes de retard, pas terrible mais pas honteux non plus.
Et là, mais alors là ! Horreur et stupéfaction ! Nulle part, il n’y a de porte d’entrée. En forme de V élargi, le bâtiment mesure à vue d’oeil une cinquantaine de mètres. Beau aller d’un bord et de l’autre, pas d’entrée.
Pas de panique, ma petite voix intérieure me dit : « allons voir de l’autre côté ! » Je grimpe un raidillon sur tribord et – ô bonheur ! – une myriade de portes se dévoilent à ma vue, toutes vitrées du haut en bas. Là je sens que vous allez me dire que tout va bien, de quoi tu te plains ? Et ben non ! Parce que … quelle porte choisir, hein ? je vous le demande.
Là, je me trouve à l’intérieur du V, il y a deux trois personnes qui me jettent des regards circonspects. Je sens qu’ils sont aussi déboussolés que moi et décide qu’ils ne pourront m’être d’aucune aide.
Finalement, je repère une porte plus grande que les autres, en plein milieu de l’immeuble et avec un porche en plus, et puis c’est la seule qui est pourvue d’un escalier. Je crois bien que je l’ai trouvée cette entrée, malgré le grand pictogramme représentant un sens interdit affiché sur l’un de ses battants. Optimiste comme toujours, je me dis que le sens interdit c’est pour indiquer aux nouveaux venus comme moi le bon battant à pousser ou à tirer. Ben non, ça marche pas ! Impossible d’entrer ! Désarroi complet !
Je prends un peu de distances métriques, ça gamberge dur dans le ciboulot. Ma petite voix intérieure ne dit plus rien sur le coup. Bon si ce n’est celle-là c’est donc sa soeur. Enfin après mûres réflexions, je décide de me payer toutes les portes les unes après les autres jusqu’à ce que l’une ou l’autre capitule. Rien à faire, je suis enfermé à l’extérieur !
Impossible de rentrer dans ce bâtiment biscornu, il y a des portes partout mais impossible de les ouvrir de l’extérieur, condamnées qu’elles sont. Je suis sur le point de faire demi tour et de me rentrer à la maison quand une âme charitable ayant perçu ma détresse et mon angoisse vient à mon secours en voulant bien m’ouvrir, de l’intérieur, une de ces fameuses portes.
Comme toutes les personnes bienveillantes, sa pitié étant sans limite, elle me conseille de passer par le standard l’année prochaine. Bien content d’être dans les murs, je n’ai pas osé lui demander où se trouvait son standard. Ne pas tenter le diable. N’empêche qu’avec toutes ces histoires, je suis en retard et j’aime pas ça.
Dans la salle d’attente, je retrouve une collègue qui m’apprend que la toubib a une ½ heure de retard sur son planning. Pfooouuuufff !!!! Que de stress et d’angoisse pour rien !
Nous sommes stockés dans un couloir. La secrétaire médicale laisse la porte de son bureau ouverte, nous entendons toutes ses discussions. Son problème actuel ? Envoyer un mail ! Ca lui prendra une bonne ½ heure après force communications téléphoniques, « je voudrais bien t’envoyer un mail mais j’arrive pas, comment je fais ? ». Véridique !
Une bonne ½ heure plus tard, son problème de mail résolu, l’agent délégué daigne s’occuper de mon cas :
- Délivrance de la fiole contenant la pisse du matin, à jeûn.
- Enlevez votre veste, vos godasses et montez sur la balance.
- Mettez votre front là, dans la machine, nous allons contrôler votre vue.
Drôle de machine : de celle-ci sort une voix féminine, mais néanmoins autoritaire qui me pose des questions et je dois appuyer sur un bouton en guise de réponse.
Je presse le bitonniau au pif parce que je n’y vois que dalle et ne comprend pratiquement rien aux questions qui me sont posées. À la fin, la machine décrète que j’ai une bonne vue. La bonne blague !
Ces formalités accomplies, la coincée du mail m’enjoint de retourner dans le couloir d’attente. Au passage, je signale que leurs locaux ne sont pas conformes aux normes de sécurité.
Enfin, l’objet de tous mes désirs, la toubib du travail, me fait entrer dans son cabinet.
Bonjour Docteur, bonjour Monsieur, serrage de menottes. Au bout d’une vingtaine de minutes d’un interrogatoire inquisitorial et de quelques papouilles qu’elle m’impose, je suis enfin libéré. Diagnostic : je suis vivant.
Heureux de l’apprendre, je file à toute berzingue vers mon chariot à gas-oil, une furieuse envie de griller une clope. Trente minutes plus tard, peinard à la maison, je déguste une Gueuse. Non mais, et puis quoi encore !
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On peut dire ce qu’on veut, mais pour un grand nombre d’entre nous, cette visite obligatoire se sert pas à grand chose et reste scandaleusement coûteuse pour l’entreprise, d’autant que certains médecins du travail caviardent. Le contrôle de la vue, ça doit être pour justifier leurs honoraires. Une visite tous les deux ans, mais la facture reste annuelle. Peut-être pour certains, qui négligent d’aller voir leur médecin et qui se préoccupent peu de leur santé, elle sera utile, pour détecter un problème, mais je continue de penser qu’on devrait pouvoir faire mieux, à moins cher.
Pour en revenir à ces fameuses Cités administratives, j’ai fait l’expérience de celle de Cergy Pontoise vendredi. Sans mon GPS, j’étais cuit. Leur particularité c’est de vous interdire tout stationnement aux abords et de vous faire comprendre qu’en dehors du parking Vinci, point de salut. Une fois extirpé du dédales d’escaliers et de coursives pleines de courant d’air, vous arrivez sur une dalle où sont regroupés les services (poste, banque, téléphonie), un café, une sandwicherie et une boucherie halal, vestige incongru d’un lieu qui n’abrite en apparence que des bureaux. Sur dix personnes que vous questionnez pour trouver votre chemin, un seul connait la réponse. Un ratage architectural, du béton et encore du béton.
Je m’y croirais ! 😯
J’y retrouve l’univers vaguement cauchemardeux que je connais bien…
Des portes qui refusent de s’ouvrir… des espaces bétonnés déserts… des couloirs sans issue… un sentiment d’être en retard… d’être en faute… une impression de solitude… qu’on va pas y arriver… qu’on s’est trompé… de jour, d’heure, de lieu… on allonge le pas, on fait le tour, on va voir plus loin, le souffle court… on tente les raccourcis, on marche sur les pelouses, on coupe, on cherche, on revient sur ses pas, l’heure tourne… mêmes impasses, même angoisse… a-t-on pris la bonne sortie ? sont-ce les bons bâtiments ?… tout est gris, une chape de silence ouatté… personne…
… et soudain : la lumière, une porte s’ouvre, un humain derrière, oui oui, vous êtes bien où il faut, allez par là…
La délivrance !
… et là, en général, je me réveille…
Ouachte ça me rappelle que j’avais promis à ma toubib en chef d’aller la voir en Janviercomme tous les ans.Bofff j’attendrai Septembre…si l’autre ma toubib traitante officielle ne me chope pas avant.
Un seul espoir : que le secrétariat soit submergé . Comme ça elles m’oublieront.
Bonjour Xavier, bonjour à tous
Je refuse catégoriquement d’aller dans ce genre de labyrinthe bétonné, j’suis claustro.
Une fois je suis allée à la défense… plus jamais!
Une de mes amies travaille dans un centre médecine du travail. Elle a été menacée de licenciement car elle insistait trop auprès de son employeur, un médecin, pour avoir une chaise adaptée à son travail de secrétaire. Pendant près de deux ans elle n’avait qu’une simple chaise en bois! ouille le dos.
A mon avis faut qu’elle en parle à son médecin du travail 🙄 😆
Il est membre de l’Organisation, qui, d’après Ernest, revendique une absence de positionnement politique 😯