Un mot un peu technique de la musique de JS Bach.

La musique de Bach , et c’est le cas pour la plupart de celles de son époque, est fondée sur le principe de l’imitation, c’est à dire qu’elle est construite en superposant et développant un thème avec des éléments de celui-ci.

Nous connaissons ce système avec le chant en canon comme « Frère Jacques » où ce sont les notes de la même mélodie qui se superposent,  décalées dans le temps.
La fugue, outil très utilisé par Bach est un mélange très sophistiqué de procédés de ce genre : les canons  peuvent être transposés ( la même mélodie décalée mais transposée d’une tierce, une quinte au dessus par exemple), en miroir, (la mélodie que l’on superpose est la même, transposée ou pas mais jouée à l’envers, décalée ou pas. On ajoute des procédés comme celui du contrepoint où le principe est de superposer la même mélodie (toujours transposée ou pas) mais avec des durées différentes, multiples des durées des notes de la  mélodie initiale.

D’une manière générale, toute la musique de Bach consiste à répéter en permanence un thème mais en faisant en sorte que cela ne s’entende pas. On a bien  à l’écoute cette sensation de musique lisse et assez linéaire, pas construite sur des ruptures, des contrastes et des oppositions violentes.

La Fugue n’est pas le seul procédé compositionnel vérifiant ce principe : on citera par exemple, celui de la Passacaille qui oblige à développer une musique en gardant constamment une ligne de basses strictement à l’identique sur toute la durée du morceau.
Pour autant, à cause des contraintes harmoniques de cette époque, la fugue reste un exercice des plus difficiles, un véritable casse-tête dès que l’on va au-delà de deux ou trois voix et la maîtrise de Bach y est réellement époustouflante.
Si vous êtes un peu musicien, essayez-donc de composer un simple canon à la manière de « Frère Jacques », vous verrez…
Imaginez ensuite que vous le fassiez avec deux ou trois voix de plus qui doivent respecter ce principe et tomber dans des harmonies plaisantes lorsqu’elles sont jouées ensemble…

La rigueur très contrainte de ces procédés se prêtait assez à l’idée d’une possible programmation informatique et l’une des première expériences qui ont été faites à l’IRCAM lorsqu’ils ont disposé des ordinateurs et des logiciels adéquats  a été de fournir à la machine des thèmes de Bach pour voir ce qu’elle ferait et ensuite les comparer au travail du compositeur.

Le résultat est assez intéressant : les fugues générées par l’ordinateur ne sont pas révélées mauvaises, mais très inférieures en intérêt à celles de Bach et en y regardant de plus près, la raison en était que Bach ne respectait pas toujours de manière rigoureuse les contraintes de l’exercice et, notamment, les contraintes harmoniques.

On peut sans doute considérer que c’est Bach qui a déverrouillé avec le tempérament égal de l’accord ce qui bloquait la prodigieuse expansion harmonique qu’a connu ensuite la musique savante occidentale. Raison, d’ailleurs, pour laquelle, à maints égards, il n’est plus tout à fait, selon moi, un musicien « baroque ». Avec son système il devenait possible de moduler, c’est-à-dire de changer de tonalité au cours du morceau, de transposer d’une tonalité à une autre et tout à coup de nouveaux objets musicaux, les points de passage, de transition, devenaient intéressants et requéraient toute l’attention du compositeur.

Difficile d’expliquer simplement de quoi il s’agit pour le « tempérament de l’accord ».
En gros cela revient à, créer une gamme chromatique de douze demi-tons égaux, équidistants entre eux, en privilégiant l’octave qui devait être parfaitement juste, au détriment des quartes et des quintes qui devenaient un tout petit peu fausses. Le problème posé par la physique était que si l’on additionnait une quarte juste à une quinte juste, on obtenait bien une octave, mais qui était fausse…

Un autre point de détail concerne l’idée de « mélodie » chez Bach.

Attention le terme est sans doute impropre, la « mélodie » est un formant musical qui suppose qu’elle soit principale par rapport à un « accompagnement » qui serait secondaire et juste destiné à la mettre en valeur, à l’appuyer.
Dans sa manière de penser la musique, chez Bach le « thème » n’est qu’un prétexte aux développements dont on a donné plus haut les principes et n’a pas, même dans sa musique vocale, cette prééminence sur le reste, caractéristique des « mélodies ».
Disons, pour finir que Jean-Sébastien Bach est un prodigieux compositeur, un des rares qui ait toujours fait l’unanimité des autres musiciens et compositeurs et ce, à toutes les époques…

Un extrait de variations Goldberg, au clavecin, pour faire plaisir à Wald !

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Ph. Renève
Ph. Renève
21 juin 2010 7 h 51 min

« Lisse et assez linéaire »… on en a pendu pour moins que ça, méfie-toi Léon !
Mais l’unanimité que tu évoques n’a-t-elle pas eu son éclipse ? On dit toujours qu’il était tombé dans l’oubli et que Mendelssohn l’a redécouvert, non ?
Et je crois bien que Wald a raison: quelle subtilité dans le clavecin.

Léon
Léon
21 juin 2010 12 h 15 min
Reply to  Ph. Renève

Bach a été redécouvert très tôt puisque Mozart, Haydn comme Beethoven ont connu et admiré ses oeuvres. Je n’ai pas entendu parler d’une éclipse ensuite, mais je suis loin de tout savoir, faut que je me renseigne.

Waldgänger
Waldgänger
21 juin 2010 19 h 41 min
Reply to  Léon

Oui, on a parlé d’une éclipse, car Bach fut peu joué en public jusqu’à Mendelssohn. Son fils Carl Philippe Emmanuel, compositeur connu, fit jouer une partie de la Messe en si en 1786, provoquant l’admiration, mais il ne retrouva une vraie notoriété auprès du grand public qu’après l’exécution de la Passion selon Saint Matthieu en 1829 et de celle de Saint Jean en 1833. Par contre, Bach était connu dans le monde des compositeurs et des amateurs les plus pointus de musique. Mozart découvrit Bach par l’amateur Van Swieten, et il y a de nombreuses oeuvres qui portent la marque d’une influence de Bach, comme le final de la symphonie Jupiter ou des fugues composées pour le piano. Beethoven jouait par coeur dans sa jeunesse le Clavier bien tempéré (et il est révélateur qu’il le faisait savoir autour de lui, ce qui en dit long sur le respect que l’on avait pour Bach) et avait deux éditions de l’Art de la Fugue chez lui. Chez Beethoven, il y a des traces innombrables de Bach dans ses ouvres des années 1815 à sa mort : les fugues des dernières sonates pour piano, les Variations Diabelli qui sont une réponse-hommage aux Goldberg, le quatuor « Grande Fugue » opus 133. L’idée d’une éclipse de Bach vient de biographes anciens du compositeurs, car au contraire les auteurs les plus récents qui ont écrit sur lui, comme Roland de Candé, Alberto Basso ou, plus proche encore, Gilles Cantagrel, ont au contraire affirmé que cette idée d’un Bach oublié était fausse à leurs yeux. Il faut aussi dire que, à ces époques, on n’avait pas le même rapport aux oeuvres qu’aujourd’hui. Elles étaient composées pour une occasion particulière et étaient peu ou pas jouées ensuite. Si un compositeur aimait ce qu’il avait fait et voulait le faire réentendre, la meilleure chose à faire était le réemploi de morceaux. C’est probablement ce qui explique qu’une bonne partie de la Messe en Si ait été composée antérieurement (le Kyrie, le Crucifixus, qui est une amélioration d’un morceau de la cantate BWV 12 « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen »), tout comme dans le recueil tardif des chorals de Leipzig, où on retrouve des oeuvres qui datent des années 1710 à Weimar, ou encore la fantaisie de choral « An Wasserflüssen Babylon », BWV 653, dont il existe une version antérieure qui est reliée à un voyage et une audition mémorable de Hambourg en 1720(dont… Lire la suite »

Léon
Léon
21 juin 2010 8 h 29 min

Subtilité dans le clavecin ? Ah, non, la subtilité elle est dans l’invention du compositeur qui a (presque ) réussi a faire croire à la subtilité d’un instrument qui par sa, conception, n’en a aucune ! Mais vraiment aucune, il n’y a pas plus égal et indifférent que cet instrument, vraiment… Aucune nuance n’est possible, ni dans le toucher ni dans le volume, rien.
Lorsque le piano est apparu, c’est sa possibilité de nuances de volume qui est apparue révolutionnaire au point qu’on a commencé par l’appeler piano/forte, c’est à dire l’instrument qui permettait de jour doucement et fort !

Ph. Renève
Ph. Renève
21 juin 2010 11 h 20 min
Reply to  Léon

Subtilité dans le timbre, Léon: les aigus du clavecin sont foncièrement différents de ceux du piano, non ?

Léon
Léon
21 juin 2010 11 h 59 min
Reply to  Ph. Renève

Les aigues comme les graves sont très différentes. Je ne sais pas si « subtil » est le mot qui convient : le son du clavecin est très riche, trop riche même peut-être, jusqu’à la confusion. On entend parfois beaucoup mieux la musique pour clavecin lorsqu’elle jouée au piano dont le son plus « pauvre » est aussi plus pur, moins chargé des bruits parasites provoqués par le sautereau du clavecin. Les musiques un peu rapides et complexes, au clavecin ont tendance à être de la bouillie. On remarquera par exemple que dans ce début des variations Goldberg, Bach fait très attention à ne pas trop charger en nombre de notes jouées simultanément (rarement plus de deux à la fois). C’est que sur cet instrument cela devient vite inaudible. Non, non, votre clavecin, là, c’est objectivement un instrument assez louche.

Ph. Renève
Ph. Renève
21 juin 2010 12 h 13 min
Reply to  Léon

Ah ces pianistes-accordeurs, ils vitupèrent le clavecin, hein ! 😀

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
21 juin 2010 10 h 47 min
Léon
Léon
21 juin 2010 11 h 04 min
Reply to  D. Furtif

Même pas peur…

Claude
Claude
21 juin 2010 16 h 08 min

Hélène Grimaud : extrait de la Chaconne : total respect !

http://www.youtube.com/watch?v=1JZzAupJap0

Claude
Claude
21 juin 2010 16 h 10 min

Toccata et fugue en ré mineur : c’est la plus connue mais pas celle que je préfère :

http://www.dailymotion.com/video/xrn2y_bach-toccata-et-fugue-bwv-565_music

Claude
Claude
21 juin 2010 16 h 15 min

Suite d’orchestre 1027 Ton Koopman

http://www.youtube.com/watch?v=xVxwuirUX-M

Claude
Claude
21 juin 2010 16 h 20 min
Claude
Claude
21 juin 2010 16 h 45 min

à Verbier , en Suisse , pays du chocolat…

Concerto pour 4 pianos , le 1065…

A ne pas rater !

http://www.youtube.com/watch?v=GJTX1ePL_SA&feature=related

Claude
Claude
21 juin 2010 16 h 50 min

Il faudra un jour que l’on s’occupe des toccatas , beaucoup de compositeurs s’y sont coltiné :

La plus incroyable est celle , je pense de Prokoviev…

Mais restons dans Bach

http://www.youtube.com/watch?v=sqp2_LaYoSU&feature=related

Léon
Léon
21 juin 2010 17 h 05 min
Reply to  Claude

Oui, celle de Prokofiev est vraiment particulière et intéressante…

Claude
Claude
21 juin 2010 16 h 52 min

La preuve !

Leon: c’est pour te donner une idée un jour de vague à l’âme !

http://www.youtube.com/watch?v=i6AhHBu_A_U

Claude
Claude
21 juin 2010 17 h 19 min

Il y a aussi celle de Ravel du Tombeau de Couperin :

Pour mon pote Zen :

http://fr.truveo.com/video-detail/ravel-toccata-from-le-tombeau-de-couperin/2070456782

Rocla
Rocla
21 juin 2010 18 h 15 min

Si Bach revenait il écrivrait des Passecailleras qui déchirent sa race.
Vrait.

Claude
Claude
21 juin 2010 18 h 29 min

Tenez, bande d’assassins , suis même pas sûr que vous ferez la différence avec une vuvuzella :

http://www.youtube.com/watch?v=-CwICXwLBmo&feature=PlayList&p=81D26D4A47388279&playnext_from=PL

Claude
Claude
21 juin 2010 18 h 37 min

Bande de gougnafiers, vous aller m’entendre !

http://www.youtube.com/watch?v=d03Kmh3bEe8&feature=related

Claude
Claude
21 juin 2010 18 h 40 min

je vas vous les déboucher vos oreilles !

Celle là c’est la plus réussi des toccatas et fugue , mais je parle dans un désert !

Maudite race humaine ! Quand il y a de la gégène il y a pas de plaisir ! Hein Zen ?

http://www.youtube.com/watch?v=M3X-uF4zQTs&feature=related

Waldgänger
Waldgänger
21 juin 2010 19 h 46 min
Reply to  Claude

Oh pas pour moi Claude, je la connais bien cette oeuvre. En effet, c’est la plus aboutie des quatre toccatas de Bach, mais le morceau que je préfère (c’est une affaire purement personnelle) est la fugue de la Toccata dorienne BWV 538, à l’écriture dense, puissante, élaborée et sombre, dans une magnifique tonalité en mineur.

rocla
rocla
21 juin 2010 18 h 52 min

Ne pas oublier les  » inventions  » de Bach .

Waldgänger
Waldgänger
21 juin 2010 19 h 51 min
Reply to  rocla

Salut Capitaine, pas de risque, je connais bien aussi, j’en ai deux versions chez moi (Walcha et Leonhardt), ayant plus de 100 CD de Bach chez moi. Je suis content de voir que quelqu’un connait les mentionne. Vous m’avez l’air d’un fin mélomane.

Rocla
Rocla
21 juin 2010 20 h 33 min

Salut Wald
Les Bach sacrée famille de musicos
Bien à toi

Waldgänger
Waldgänger
21 juin 2010 21 h 15 min
Reply to  Rocla

Une dynastie musicale sans égale Capitaine,
Bien à toi aussi

Lapa
Administrateur
Lapa
22 juin 2010 14 h 14 min

Merci pour cet article!

avez vous des liens vers ces fugues crées informatiquement?

je me souviens, lors de mes cours d’harmonie, le professeur dépiottait des chorals de Bach et, tout en nous donnant les règles, pointait du doigt les « erreurs » des lignes mélodiques tout en considérant déjà à l’époque que c’était ce qui les donnaient une véritable sensibilité humaine.

La perfection parfois, c’est aussi de sortir du modèle mathématiques aux bons moments; tout le génie est là!

la musique de bach est tout simplement GENIALE.

L’analyse du tempéramment égal mériterait des infos complémentaires pour les non initiés. Une étape importante dans l’art musical.

Ph. Renève
Ph. Renève
22 juin 2010 14 h 23 min
Reply to  Lapa

Bonjour Lapa

Léon, notre musicien à nous qu’on a, est parti pour quelques jours d’un repos bien mérité.
Ayant personnellement du mal à distinguer une double croche d’un croche-pied, je vous conseille d’attendre son retour pour lui poser des questions techniques !
Mais je crois qu’ici tout le monde est mélomane, et apprécie le plaisir toujours renouvelé de la musique, même sans savoir – hélas – y participer !

Waldgänger
Waldgänger
22 juin 2010 16 h 11 min
Reply to  Lapa

Lapa,

Sans aller jusqu’à l’informatique, il est notoire que Bach n’aurait pas pu avoir par ses compositions un grand prix de fugue dans un conservatoire national, il y a trop d’irrégularités, trop d’entorses à la consttruction formelle canonique. D’ailleurs, la fugue bachienne est parfois mélangée à d’autres types de structure musicale ; je peux citer le cas de fugue « da capo » dans ses oeuvres pour luth, avec une reprise intégrale du début. Plus étonnant,il y a des cas de synthèse du style fugué et du style concertant, comme dans la fugue du prélude et fugue pour orgue BWV 548.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
23 juin 2010 14 h 51 min

Un petit mot sur la modernité absolue de Bach. je ne retrouve pas sur le net la version de Corboz qui m’a mis sur le cul il y a des années quand j’ai découvert et le chef et l’œuvre; mais celle ici, de Philippe Herreweghe est dans le même esprit. Les stridences dissonantes de cette entrée de la passion selon Saint jean sont un cri qui vous déchire concrètement. Le ciel s’ouvre pour vous montrer la profondeur et l’entendue de la faute.

Une fois que vous serez entré dans cette musique , perdez toute espérance vous passerez votre vie à aller d’une l’une à l’autre , de la Saint Matthieu à la Saint jean

Un jour je trouverai les 2 minutes des la Saint jean de Sacarlatti , Alexandre( le vieux) et nous verrons alors si la musique baroque n’est que froides architectures sans âme désincarnées et obsolètes???

ranta
ranta
26 juin 2010 8 h 53 min

J’ai lu il y a quelques années (je ne sais plus où) un article qui en gros disait : avec l’informatique nous avons pu produire, en analysant et programmant sa technique, des morceaux que Beethoven aurait probablement écrit s’il avait vécu plus longtemps.

Pour revenir à la comparaison entre les oeuvres produites et les libertés que s’accordait Bach ça m’a fait penser à une phrase de J. Hendix : »j’ai été tellement bien imité qu’on a même copié toutes mes erreurs » : c’est sans doute cette part d’erreur humaine qui donne l’émotion.