Les Wisigoths- C’était bien la peine !

Le tout jeune royaume Wisigoth a le goût, la couleur et les tares du Bas Empire

Ils voulaient tant en  être, des convives de cette corne d’abondance, mais…

Bravaches, voire ombrageux quant à leur identité ethnique ils aspirent plus que tout à accéder à une civilisation qu’ils prétendent  commune. Portes et fenêtres  portent les traces de leurs déprédations mais ils veulent faire partie du club. Ils ne veulent plus qu’on les prenne pour des barbares. Ils se convertissent au christianisme selon des formes souvent accidentelles (arien ou catholique). Ils adoptent ou singent les modes de vie romains : la langue abâtardie des légionnaires et se teintent parfois d’un peu de culture classique.

Au Vè siècle les aristocrates barbares de l’Occident conservent leurs traditions et  les riches romains leur prétention  faite d’un sentiment de supériorité culturelle. Peu à peu les barbares s’acculturent, passent au catholicisme. Le sentiment d’appartenance s’inscrit progressivement dans une identité de langue de religion et de droits.

Ce mouvement de rapprochement  culturel  prendra du temps en Espagne  à cause de l’arianisme  et de statuts juridiques différents (mariages mixtes interdits) . Les Hispano-Romains sont catholiques. Quand le pouvoir royal wisigoth passe au catholicisme, les élites,  leur prestige et leur pouvoir s’en voient redéfinis ,

–         richesse foncière

–         mode de vie rural

–         romanité

Enfin on assiste à la fusion des élites barbares et hispano-romaines. Les ex- Romains richissimes voient leur intérêt dans cette assimilation. Ils choisissent de se dire Goths comme, plus au nord, les mêmes se disent Francs. Un melting  idéologique militaro-chrétien  devient le fond commun d’un monde essentiellement rural. La culture classique elle, se cantonne à un monde urbain en régression  et devient l’apanage des clercs. Ils la dénatureront à leur profit.

Alors ?

Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? La grandeur de Rome et la gloire de Dieu ?

On fait comme si il ne s’était rien passé et on continue comme avant ?

Ce machin gigantesque qu’on appelait Empire romain avait une fonction : ponctionner la masse de la population pour en tirer corvées, prestations et impôts. L’oppression fiscale était poussée à son extrême limite. La notoriété et l’honneur des puissantes familles romaines mettaient  un point d’honneur  à cet écrasement. Il aurait été fort mal vu de ne pas exploiter tous les possibles pour la gloire de Rome et la (désormais)  grandeur de Dieu..

Les dissensions et les conflits internes à l’empire ont joué un rôle déterminant dans son effondrement, et décisif  dans   l’intrusion barbare. Évidemment ces derniers, en s’invitant au festin de monde antique, ne comptaient pas passer les plats, encore moins  les confectionner. Ils attendent qu’on se pousse un peu pour leur faire une place et se servir en premier. Pour que tout soit plus clair, ils pousseront l’identification aux élites romaines et la collaboration jusqu’à écraser les insurrections de la misère où esclaves et hommes libres de modeste condition (la grande majorité de la population) se retrouvent côte à côte. Les bagaudes.

L’État romain et son hégémonie mondiale […]fondait son droit à l’existence sur le maintien de l’ordre à l’intérieur, et sur la protection contre les Barbares à l’extérieur. Mais son ordre était pire que le pire des désordres, et les Barbares, contre lesquels il prétendait protéger les citoyens, étaient attendus par ceux-ci comme des sauveurs.  Engels

Plus l’empire déclinait et partait en lambeaux plus les parties restantes voyaient  la ponction fiscale augmenter,  leur situation s’aggraver.

L’usure étouffant l’activité économique : commerce, artisanat et chantiers publics, on assiste à une décadence des villes accélérée par les accidents démographiques (épidémies). On constate aussi  un retour à une agriculture répondant aux seuls besoins locaux.

L’échange commercial des surplus régressant de plus en plus, les immenses domaines perdent de leur rentabilité, même en exploitant la main d’œuvre servile. Le mode de production esclavagiste avait fait son temps, on passait à la  petite agriculture et au petit artisanat. Le grand marché ayant disparu, il devenait inutile d’accumuler et de concentrer la force de travail.

Une des contradiction les plus aigües du Bas Empire : le travail des esclaves perdait de son efficacité, le travail des hommes libres demeurait  moralement  dégradant.

La condition des esclaves ne s’en trouve pas améliorée; produisant de moins en moins de richesse, on leur demande de plus en plus d’efforts en contrepartie d’un entretien toujours plus mesuré à la plus stricte et simple survie. De plus, un autre mouvement incontrôlable, permanent depuis des siècles, peut-être depuis l’origine néolithique de l’esclavage, la fuite,  poussait les esclaves à échapper à leur condition. Dans ce mouvement ils retrouvaient les hommes libres tombés dans la misère et des affranchis surnuméraires errant sans ressource. Ce mouvement  les conduisait dans des zones sous-administrées comme le bas empire en comptait de plus en plus et, ensemble, ils  se plaçaient sous la protection de l’homme puissant du coin, riche en terres , encore riche en esclaves et donc riche en armée privée. Ce ne fut pas seulement un mouvement d’isolés, mais de plus en plus souvent de villages entiers, on se réfugie sous la protection d’un Patron.

Il n’y a plus d’Etat central , ou de plus en plus lointain, mais une puissance locale qui en tient lieu, de qui on peut obtenir une protection dans un échange moins oppresseur.

L’oppression n’est pas un but en soi. La question est : comment accaparer la richesse

  • Pour entrer dans les pantoufles de l’Empire romain s’asseoir à la table et y attendre la même pitance  en qualité et en quantité. Il faut …Comment dire …Faire un état des lieux , un état du stock.

Un survol général

L’empire dans sa splendeur engendrait des richesses considérables. L’Etat  ponctionnait une part de la richesse produite pour la redistribuer aux armées des zones frontalières et aux capitales régionales. Il assurait et perfectionnait de nombreuses infrastructures : routes, ponts,  ports, monnaie unique, usage de l’écrit. Ces moyens fiscaux finançaient le recrutement et l’entretien  de la force, garantissant une paix durable  génératrice d’une prospérité réelle. Mines , oliviers, céramiques, textile …etc …Progrès démographique et  progrès de la production, s’inscrivaient dans une augmentation des échanges, ces derniers favorisaient une spécialisation régionale et la production  s’en trouvait amplifiée.

La crise de 406 (les patineurs du Rhin) marque un renversement durable : baisse sensible et générale de la production et du commerce. L’Etat privé de moyens fiscaux ne paie plus ses soldats, provoquant la crise dans les régions de garnison — la Rhénanie essentiellement. On assiste à la fermeture des manufactures impériales. Rome  ne paie plus qu’épisodiquement son administration. Pour compenser ses pertes, il accentue la pression fiscale sur les régions restées sous son contrôle, franchissant de plus en plus souvent la limite « déclencheuse » de révoltes. Ces révoltes sont favorisées par l’incapacité à faire régner l’ordre interne et la sécurité extérieure.

On se met à se débrouiller comme on peut sur place avec les moyens locaux. Cette déficience de l’autorité centrale  vient en aggraver un autre phénomène, les usurpations militaires  et les séparatismes. Une légion qui attend sa solde devient capricieuse, se voue à qui a les moyens. Le patriotisme romain devient plus que jamais une illusion virtuelle.

Après 500 la circulation commerciale est atteinte par la chute du monnayage( la frappe monétaire en régression) et la fin de l’entretien des routes et des ports. La spécialisation et la sophistication de la production régressent, laissant la place à une production de plus en plus autarcique. La fabrication d’objets de grand luxe pour une clientèle rare et friquée (orfèvrerie) se maintient, mais le commerce de la qualité (en gros pour une clientèle urbaine nombreuse) disparaît. Le contexte économique change radicalement, les standards de vie déclinent, moins de métaux, moins de céramiques, moins de bâtiments. On revient à ce que le niveau local peut produire et consommer. Pour certaines régions c’est un brutal retour en arrière.

Déception chez les Barbares.

Avez-vous eu dans vos relations ou connaissances des gens venant des pays de l’Est dans les années 60-70 ?.Le mal que l’on avait à leur expliquer que l’on ne pouvait acheter tout ce qui leur passait sous les yeux dans les grands magasins, qu’on ne s’arrêtait pas toutes les cinq minutes pour contempler une Porsche ou une Studebaker.

Nos Wisigoths les yeux encore pleins des merveilles des vitrines de l’Empire se voient fort désappointés quand la machine  qui produisait toutes ces fanfreluches s’arrête brutalement. Désolé monsieur le Barbare , mais les bijoux, les pièces d’or, les esclaves , les femmes , les étoffes, les troupeaux tout ça c’est à vous, mais comme vous êtes désormais chez vous, quand c’est fini , c’est fini. Quand y en a plus, y en a plus. Pour en avoir d’autres il va falloir trouver du temps , du travail, des ateliers , des travailleurs …..et du temps et du travail…et …Vous pouvez peut-être aller en piquer chez le voisin, mais lui aussi est un Wisigoth.

Et si vous voulez un palais en dur cessez un moment de brûler les maçons.

On peut essayer de dépouiller un peu le richissime Hispano-Romain d’à coté, mais comme pas mal de ses semblables il est cul et chemise avec le Roi, ou avec l’évêque,  quand il n’est pas devenu évêque lui-même. Qui aurait dit ça, quand on brûlait tout sur les bords du Danube, que notre roi aurait comme homme de confiance : un conseiller juridique ou un gros prélat ? Une trentaine de soldats c’est bien mais un bon millier d’esclaves, même avec des bâtons… On y regarde à deux fois

Il va falloir veiller à ménager la ressource car sous peu on va se retrouver aussi pouilleux qu’aux temps héroïques d’Andrinople ( août 378 vous vous rappelez ) . Une série de conflits inextricables entre la  vingtaine de familles aspirant au trône, entraine les aristocrates dans une fuite en avant coûteuse en armes et en soldats. Ces conflits larvés virent bien vite aux conflits ouverts. Des guerres permanentes ravagent la péninsule ibérique, pas idéal pour faire repartir l’économie. Quand la seule activité économique où l’on soit compétent est la razzia, on manque un peu de compétence en gestion. Si on ajoute à  cela des vendettas permanentes et tellement imbriquées que chaque banquet ou partie de chasse devient une embuscade, le climat n’est pas à la surveillance des champs et des intendants. La couche des petits aristocrates wisigoths voit sa condition économique se dégrader. En compensation, ces assoiffés d’or vont pousser à l’aggravation d’une constante dans les sociétés barbares : l’esclavage

De la richesse , on en a, on peut même la multiplier.  Mais enfin , mais c’est bien sûr

Nous sommes bien d’accord, désormais le vol et la razzia sont interdits mais, heu , siou plait…dans le cadre légal ?, la confiscation  elle, est autorisée.

N’est-ce pas ?    Suffirait juste  de bidouiller un peu la loi.

Et qui fait la loi?  Bin c’est nous les Wisigoths. Avouez que le monde est bien fait.

À première vue la puissance wisigoth n’a rien changé, les Goths sont eux aussi esclavagistes. Comme à Rome les degrés différenciant les libres  sont nombreux et très prononcés. Le groupe des hommes libres n’est pas homogène. Au sommet on a une très  haute aristocratie restreinte ( Priores, Primates, Optimates, Honestories, Viri Illustres), elle  rassemble Goths et Romains de plus en plus confondus par les mariages .

Hélas pour eux et pour les « Espagnols » on ne peut pas dire qu’ils s’inquiètent beaucoup de la protection de l’outil de production

Un petit nombre de familles anciennes, au passé mythique conservé dans des sagas, se font la guerre en permanence pour accéder au trône. Plongées dans un vertige d’autodestruction, ces familles se livrent à leurs affrontements aux dépens des couches inférieures dont elles n’ont rien à faire.

De 612 à 711 on assiste à 6 accessions au trône par usurpation, 4 dépositions et 2 assassinats. À ce jeu se prête la haute hiérarchie de l’église associée aux magnats, qui doit valider la nomination au titre de roi. Chaque changement de roi  est l’occasion de meurtres, en gros, des perdants et de confiscations. L’église n’est pas absente de cette course aux dépouilles. Que ne ferait-on pas pour la grandeur de Dieu ?

En-dessous, par mariages et compagnonnage militaire, se rangent les familles clientes, le roi y choisit ceux qui administreront le royaume. Comprendre : ceux qui recevront la récompense de leur fidélité. Le roi y trouvera aussi ses propres assassins s’il vient à mégoter de la rétribution. Cette noblesse côtoie ceux qui se font encore appeler les sénateurs romains, propriétaires d’immenses domaines fonciers sur lesquels travaillent des milliers d’esclaves pouvant servir d’armée privée. Ces sénateurs ont été les premiers à pactiser avec les Barbares, pour conserver leurs privilèges. Ils baptisent leurs enfants de prénoms Goths et offrent leurs filles en mariage. Quand il faut filer un coup de main à un seigneur Goth au plan de la sécurité ou de l’administration de la justice, pour des tractations administratives…. ils sont là. Détail amusant, ils se laissent pousser les cheveux à la mode Goth

Les libres non nobles sont les plus nombreux. Infériores, Minores , Pauperes. Ils sont le plus souvent les descendants de petits paysans propriétaires du bas Empire, soit isolés, soit vivant dans des communautés reculées, ils vivent sous la menace des empiètements et de la rapacité des Optimates. Ils ont pu, un temps, placer leurs espoirs dans l’arrivée des Wisigoths. Hélas pour eux, ces derniers n’étaient pas des  libérateurs mais au contraire des aspirants oppresseurs à l’identique des sénateurs. Ils le prouveront en écrasant les Bagaudes de Tarraconaise en 453.

Après endettement la misère et la famine poussent bien souvent les plus démunis à se vendre eux et/ou leur progéniture comme esclaves contre quelques sacs de grains. Survivre étant à cette condition. L’esclavagisme est un des traits essentiels de l’Espagne Wisigoth, la moitié des textes qui nous ont été transmis de cette époque en traite. Les riches propriétaires en possèdent des centaines voire des milliers. Parmi eux on trouve les établissements ecclésiastiques

La servitude est évidemment héréditaire, mais elle est alimentée par l’arrivée toujours plus massive d’hommes libres déchus La misère est la première pourvoyeuse, elle découle des   guerres permanentes où la masse des vaincus devient de nouveaux esclaves, on y rafle les terres, le bétail et le cheptel humain. Les grandes opérations mais aussi la plus petite embuscade sont occasions de captures. La justice, pourtant embryonnaire, dispose de tout un arsenal pour alimenter cette ressource lucrative. C’est même  par le biais judiciaire que l’on est réduit le plus souvent à l’esclavage. Tout est prétexte à condamnations et amendes. En cas de manquement,  et les montants énormes des amendes et compensations sont prévus pour ne pas être acquittés, la seule solution de dédommagement de la partie plaignante étant la mise en esclavage de la partie adverse.

Tout nouvel esclave perd tous ses droits et son existence sociale, son mari ou sa femme peut se remarier au bout d’un an. La multiplication des mises en esclavage s’accompagne d’une dégradation de leur condition humaine  Devenus des choses, ils sont traités comme telles. Les mauvais traitements et les amputations mutilations sont pratique courante.

Le réconfort de l’église

Le sens commun pourrait faire penser que l’Eglise s’opposerait à cet état de fait mais bien au contraire elle s’y inscrit sans trop de scrupule.

Le XVIè concile de Tolède stipule qu’une église ne peut avoir de prêtre à temps complet à moins de 10 esclaves.

La loi en conformité avec les préceptes de l’Eglise justifie de telles ventes

« Quiconque songe à se vendre n’est pas digne d’être libre » (celui qui est esclave ou se vend pour être esclave)

L’église en possède des milliers.

Officiellement elle encourage l’affranchissement, elle pense même un moment à en faire un sacrement, tergiverse et finalement renonce… Certes les esclaves sont chrétiens mais, comme l’aurait dit Saint Paul ou, en tordant sa parole : n’y a-t-il pas une légitimité à leur condition et une origine divine à cette institution ?

Le grand Isidore de Séville voit en la servitude une manière d’expiation de la faute originelle, une sorte de pénitence providentielle pour le rachat de l’humanité. Les maitres,  en ayant reçu la douloureuse mission sacrée, administrent  cette coercition à la main d’œuvre servile pour le plus grand bien de tous, la grandeur de l’église et la gloire de Dieu. On peut trouver chez Isidore  « toute la compassion ressentie pour les tourments de  ces pauvres maitres dans l’exercice de leur mission divine ».

Et puis, argument des arguments, suprême artifice du sophisme : L’Eglise ne doit-elle pas chaque jour assurer par ses dons et ses œuvres la survie de milliers de malheureux en leur faisant l’aumône. Alors ? Comment offrir toute cette nourriture sans esclaves pour la produire ?

Hein ? Qui c’est le plus malin ?.

L’église en général n’était pas en reste pour susciter condamnations, extorsions d’amendes et mauvais traitements. On rencontre plusieurs textes rappelant aux clercs l’interdiction de mutiler les esclaves appartenant à l’église.

Compassion, intérêt bien compris ? Rien n’est précisé.

Ecrit au VIIIè siècle mais s’appuyant sur des textes datant de bien avant, un Manuel de Pénitence rédigé par un certain Vigila, nous montre ce qu’une religion d’amour peut prescrire « pour le salut des âmes »

« Si un chrétien consulte les devins, enchanteurs, sorciers, augures, haruspices, et autres gens semblables, cinq ans de pénitence

Si quelqu’un pour faire un enchantement ou pour une raison quelconque, se baigne en nageant sur le dos, dix-huit jours de pénitence.

Si quelqu’un, pour guérir quelqu’infirmité, se baigne sous la jetée d’un moulin, quinze jours de pénitence. Si quelqu’un est émissaire de tempêtes, quinze ans de pénitence »

Poussés par les évêques les Rois font une guerre sans merci à la concurrence des sorciers et guérisseurs. Les lois du  roi Ervige à la fin du VIIe siècle stipulent

«Les « tempestaires » qui font tomber la grêle sur les vignes et les moissons et qui parlent avec les diables…ceux qui la nuit font des cercles ( sic)…que tous ceux là soient pris, reçoivent deux cents coup de fouet, soient tondus et marqués au front très laidement et montrés ainsi dans les villages autour de la ville pour que les gens soient effrayés par ce châtiment ». Ceux qui seront surpris à leur demander conseil recevront les mêmes coups de fouet.

Eglise et souverain semblent avoir une rancœur particulière pour les donneurs de breuvage aux herbes (les tisanes abortives) => coups de fouet et servitude en sont le prix.

Tout cela finira , mais sans eux

Comme depuis le VIè siècle la querelle pour la couronne entre grandes familles avait vu:

  • Athanagild,  en 555, faire appel aux Byzantins,
  • Sisenand, aux Francs de Dagobert 1er ,
  • en 653,  Froia, aux Basques.
  • En 711, les fils d’Akhila font appel aux gens du Maghreb pour abattre l’usurpateur Rodrigue.

… une fois les Sarrazins  installés, les grands Wisigoths renonceront sans murmure à la couronne en échange de la confirmation de leurs propriétés. Comme un bégaiement de la conduite des Hispano-Romains.

L’avidité aveugle et stupide des seigneurs wisigoths aura réussi à dresser leur propre peuple contre les possédants militaires ou religieux. Le VIIe siècle connaitra la pire dégradation des conditions d’existence du peuple. C’est la survie, sans plus. Ce n’est pas des couches supérieures, du sabre ou du goupillon, que viendra l’amélioration de la condition servile et de celle des hommes libres pauvres. La dégradation systématique de la vie des seconds les rapprochera des premiers au point de leur faire vivre la même vie. Partageant les mêmes souffrances et le même mépris, ils adopteront des conduites de solidarité. Solidarité coercitive  mais à l’égard de leurs tourmenteurs. Par la concentration,  première étape de leur prise de conscience de leur identité,  ils connaitront les moyens d’une émancipation solidaire qui prendra des siècles.

Libres et esclaves, prendront ensemble les mêmes chemins de la fuite millénaire des  hommes devant l’oppression de la servitude. La vieille barrière du sang entre libres et non libres s’estompera pour s’évanouir. C’est dans ce mouvement qu’il faut aller chercher la facilité de la conquête par un groupe nouveau,  pas plus cruel qu’un autre, la facilité à prendre la tête d’un espace que des tyrans avides et sans compassion aucune pour leur propre population n’avait pas su conserver.

Les mercenaires Sarrazins invités  par ceux  là même qui auraient dû les combattre, ne trouveront aucun soulèvement populaire pour contrarier leur installation. Il faudra qu’ils atteignent le Nord et s’affronte à l’irrédentisme Asturo Basque pour rencontrer une résistance. À toi Pelayo…

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Il n’est pas inutile de lire ou relire

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asinus
Membre
asinus
22 octobre 2011 7 h 52 min

« une fois les Sarrazins installés, les grands Wisigoths renonceront sans murmure à la couronne en échange de la confirmation de leurs propriétés.  »

ralliement habituel du possedant à celui qui etablis l’ordre et garanti la proprieté !
pour le gueux le creve la faim macache ! l’ordre allogéne reste l’ordre venu de l’exterieur
ce que définira Jaures par « La nation, c’est le seul bien des pauvres » nation s’entendant au temps des wisigoths :
par religion ,langue ,référents culturels et etnie .Et c’est la que comme le suggere ce Bon Furtif
déboule « l’ane sauvage des Asturies » hé hé …..sacré Pélage.

ranta
ranta
22 octobre 2011 8 h 55 min

Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est une très bonne description de notre situation actuelle.

J’exagère sans doute un peu mais il n’y a pas un seul paragraphe de ce récit que l’on ne puisse mettre en parallèle avec notre 21e siècle.

Ceci dit, vulgariser c’est très compliqué : bravo Furtif.

COLRE
COLRE
22 octobre 2011 10 h 06 min

Pareil que ranta…
J’aime bcp cet épisode, Furtif, qui touche à l’universel.

Comme quoi, la banale formule « l’histoire est un éternel recommencement » n’est pas si cliché que ça… les mêmes ressorts dans le fonctionnement humain, à 2000 ans d’intervalle, donnent les même cycles, action / réaction, cupidité / révolte, baignant toujours dans les mêmes hypocrisies (religieuses), les mêmes violences, la même voracité…

À quand la concrétisation d’un autre cliché : « il leur faudrait une bonne guerre » ?… 🙄

maxim
maxim
22 octobre 2011 10 h 43 min

La nature humaine ne change pas, d’un côté les baiseurs, et de l’autre les baisés et les cocus!et de l’avis de tout le monde l’Eglise choisit son camp, toujours le même et c’est l’éternel recommencement!

de temps en temps les baisés et les cocus ruent dans les brancards, ça pète un bon coup, on a foutu le baiseur en chef en l’air ou on l’a zigouillé …

les baisés et les cocus triomphent,- Ah non mais, chacun son tour !.le monde nous appartient maintenant,mais il va nous falloir élire un chef !

alors commence une campagne électorale entre anciens baisés et cocus,qui secrètement veulent devenir baiseurs à leur tour,( c’est quand même plus confortable et revalorisant !)

puis un jour,tout le monde va voter pour élire enfin le chef des baisés et des cocus qui sera forcément un des leurs, mais porté sur le trône puisqu’il est censé être le meilleur représentant des baisés et des cocus enfin maîtres croient ils de leur destinée ….

alors enfin le grand jour arrive ou l’élu des baisés et des cocus parvient au pouvoir suprême! Cocorico ..Alléluia etc …..

mais le nouveau chef des baisés et des cocus est enfin arrivé au rang de baiseur (en chef de surcroît !)….

et nos pauvre baisés et cocus se rendent vite compte que leur statut ne change pas d’un poil,baisés et cocus ils sont baisés et cocus il demeureront!

et puis ça dure depuis la nuit des temps!

Causette
Causette
22 octobre 2011 16 h 08 min

Bijour Furtif, à tous Moi je me régale avec cette Histoire des Wisigoths. Ce Manuel de Pénitence écrit au VIIIe siècle, ça prouve bien que la majorité des populations n’étaient pas encore réellement converties au christianisme, il me semble. Car devins, enchanteurs, sorciers, augures, haruspices… c’est pas très chrétien tout ça! En fait la religion est imposée aux populations par les chefs pour renforcer les alliances, fortifier le clan et imposer la monarchie. Petit apercu de déclarations à propos de l’esclavage: _ Le problème de l’esclavage se pose dans les communautés chrétiennes du monde gréco-romain. Paul (apôtre et saint)le rencontre notamment à Corinthe. Sa réponse est très ferme : «ce qui importe désormais, ce n’est pas telle ou telle condition sociale, c’est l’appel de Dieu (I Corinthiens 7,17). L’esclave fera donc son devoir de chrétien en servant son maître «comme le Christ » (Ephésiens 6,5-8). _ Dans sa première Epître, Pierre-Simon (apôtre, 1er évêque de Rome) recommande aux esclaves « d’être soumis avec craintes à leurs maîtres ». A la suite des apôtres et à leur exemple, les Pères de l’Église ont approuvé l’esclavage. Ignace (+ 115), évêque d’Antioche, recommande aux esclaves de l’Église de servir avec zèle en vue de la gloire de Dieu, et de ne point désirer la liberté de peur de devenir esclaves de leurs passions. _ Basile de Césarée (évêque) s’exprime ainsi : « Ceci prouve que l’esclave doit obéir à ses maîtres en toute bonté de cœur et pour la gloire de Dieu ». Il rappelle la conduite de l’apôtre Paul à l’égard d’Onésyme, esclave fugitif qu’il renvoya à son maître avec prière de le recevoir en grâce, et veut que tout esclave qui se réfugie dans un cloître soit admonesté, amélioré et renvoyé à son maître. _ Selon Jean Chrysostome (archevêque), l’esclave qui obéit aux ordres de son maître remplit les préceptes de Dieu ; cependant il souligne l’importance de la communauté des biens, du travail et la nécessité de la libération des esclaves. _ Pour Augustin d’Hippone (évêque), c’est le péché « qui fait que l’homme tient l’homme dans les chaînes et toute sa destinée ; et cela n’arrive que par le jugement de Dieu, en qui il n’est point d’injustice, et qui sait mesurer les peines aux démérites ». A son avis, les Blancs, en réduisant les Noirs en esclavage, faisaient une bonne action puisqu’elle permettait aux Noirs d’expier la faute… Lire la suite »

Léon
Léon
22 octobre 2011 16 h 35 min

Une période vraiment mal connue : on nous présente toujours ça comme une vaste pagaille sans plus et, finalement on ne comprend pas vraiment comment est née la féodalité. Là Furtif fait oeuvre utile.