Le cocktail Muhammad

Cette fois Iskender, en se fondant sur la réalité historique qui a précédé de peu l’apparition de Muhammad suggère que ce dernier serait un personnage au moins très synthétique, sinon largement mythique. Voilà qui va plaire aux mosquées proches et lointaines…

César

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Cette fois-ci, Asma va vous expliquer comment on fabrique un prophète.  N’importe lequel, vous avez le choix.

Prophète… Il faut d’abord un beau barbu charismatique, un grand bâton, une grosse voix, un troupeau derrière, des idées simples, et une belle assurance : Charlton Heston dans Les Dix Commandements… Voilà comment les petits enfants apprennent les débuts des religions, disons des trois religions « dont on entend parler tout le temps». Evitez de dire les religions abrahamiques, comme dit Le Monde des Religions, ce journal pour enfants crédules. Abraham a l’historicité d’Hercule et même moins. Moins crédible qu’Albator ou Casimir. Abraham… d’après son nom, le père primitif, l’ancêtre tribal que tous les clans nomades du Proche-Orient se sont créés.  Après, l’histoire du type qui se pratique tout seul une circoncision à 90 ans avec une hache… non.

Alors donc, comment vous a t-on raconté la naissance de ces religions ? Avant, c’était le rien, ou le pas bien, ou le très vilain : ténèbres, vices, abominations. Arriva un barbu autoritaire et sûr de lui, qui se mit à parler quand tous se taisaient. Prophète, en grec, celui qui parle avant les autres, qui dit aussi ce qu’ils veulent entendre. Dans la catégorie, il y a foule, mais on pense tout de suite aux vedettes : Abraham, Moïse, Jésus (Christ), et Mahomet, ou Muhammad, ou mieux Mhmd. Après lui et ses belles paroles ? Ah… le bonheur, la gloire, la vérité, la justice, la certitude, une beau chemin large et clair, et l’apocalypse pour finir.
Sauf que, bien entendu, tout est faux, de la légende et des récits puérils. L’Histoire nous enseigne que rien n’arrive d’un coup et la science historique est d’abord la science des causes et des interrogations. La réalité a dû être celle-ci (rien n’est sûr) : une lente évolution, des regroupements sectaires, des débats, des tentatives doctrinales, des schismes, des délires de bergers, des engueulades entre prêtres, des crises mystiques à n’en plus finir. Tout cela sur des siècles.
A l’évidence, il était bien plus sexy, plus tard, de refaire le scénario, pour le rendre simple, séduisant, transmissible et, pour ce faire, les rédacteurs de ces textes fondateurs ont eu recours à un procédé classique que tous les romanciers connaissent : il faut le HÉROS. Alors tout va être ramené à un type, qui est en fait une marque qui permettra de revendre tout cela. Sans doute y a t-il eu un vrai personnage à l’origine, mais on n’en saura jamais rien. Il a été déformé et submergé par tout ce qui a été raconté sur lui par la suite, ce qui fait qu’il a disparu.

L’exemple de notre ami Muhammad est éclairant et nous allons maintenant nous pencher sur son cas, quoique les autres mériteraient aussi notre intérêt. Mais voyez-vous, celui-ci déclenche de tels mouvement d’hystérie de par le monde que cela cache bien quelque chose. Et l’islam est, de ces mouvements, celui qui en fait a le plus développé, jusqu’au délire, l’adoration du « prophète ». A bien observer sa doctrine, et je reprends ici la formule d’un très grand spécialiste de la question, A.L. de Prémare, il s’agit à proprement parler d’un « mono-prophétisme », plutôt que d’un monothéisme.

La littérature islamique va tout miser sur Muhammad, jusqu’à l’obsession et reprendre ainsi le schéma précédent : avant lui, l’horreur, après lui, le bonheur. LUI, LUI, LUI.
Une observation attentive, sérieuse et non-islamique (haram, dirons-nous) des événements fait apparaître une situation tout à fait différente. La littérature islamique (chroniques, hadiths, biographie) est atteinte de logorrhée, et se met à produire des quantités prodigieuses d’informations, qui sont un trésor. Et parfois, elle en dit trop et dit ce qu’elle ne devrait pas dire. Il en est ainsi du processus qui amènera à la construction du personnage prophétique central, Muhammad.
En réalité, Muhammad est le résultat d’une synthèse.  Il est synthétique au sens strict du terme, soit le mélange intime et subtil de plusieurs éléments.

Imaginons alors un cocktail.

Que racontent les textes musulmans de la période précédant de peu l’existence de Muhammad ?

Autrefois, il y avait déjà eu des processus bien visibles de transformation des croyances arabes, progressives, évolutives. En gros, et la formule sera choquante, un islam avant Muhammad. Le contexte général est celui d’une évolution vers le monothéisme, surtout sous influence juive.

Mais dans les environs de la Mecque, des phénomènes particuliers sont observables, qui vont concerner, de près ou de loin, le personnage de Muhammad et, finalement, le construire : des mouvements sectaires qui distinguent quelques individus du reste de la population par leur croyance et surtout leur pratique. Il en existe trois, qui concerne le Hejaz, la région de la Mecque : les FUDUL, les HUMS, les HANIF.  Sans doute n’avez vous jamais entendu parler de ces bidules avec leurs noms bizarres. Personne ne peut vous en blâmer. Eh bien, si vous voulez faire un cocktail Muhammad, il faut alors une mesure de FUDUL, une de HUMS, une de HANIF. Ce sont trois mouvements distincts, mais si l’on regarde bien, ils comportent chacun des éléments qui seront récupérés quand on devra construire le personnage de Muhammad.

Les FUDUL

Commençons donc par les FUDUL. Ils sont les plus anciens.Alors que Muhammad avait une vingtaine d’années, une petite guerre éclate autour de la Mecque, tout à fait banale, ayant débuté par une vengeance. Le point de départ précis, comme souvent en Arabie, est un meurtre, celui d’Urwa al Rahhal, des Banu Amir, par al Banad des Kinana. La HARB AL FIJAR ou “guerre sacrilège” a secoué le sanctuaire, pendant quelques jours[7]: la tradition veut réduire la participation de Muhammad au minimum, puisqu’il s’agit d’une affaire d’irrespect de la religion, de manière générale. Il a bien fallu en finir et, comme souvent, des négociations interviennent et calment tout le monde. L’important est, que fut alors décidé de créer un  groupe garantissant la paix et s’appuyant sur l’autorité du sanctuaire de la Kaba. Ils sont les FUDUL, les “Vertueux”. Le biographe officiel Ibn Hisham , dans la Conduite de l’envoyé d’Allah (85-6) écrit: « Les clans des Quraysh décidèrent faire un accord (…) Ils se jurèrent  par une convention solennelle que s’ils estimaient que quelqu’un, qu’il soit mecquois ou étranger, avait été maltraité, ils agiraient contre l’agresseur et feraient en sorte que la propriété volée soit restituée. Les Quraysh appelèrent cette confédération la “Confédération des Fudul”.

Voici donc le premier groupe constitué : il est ancien, vaste, et personne ne sait si Muhammad en a fait partie. Sans doute était-il encore trop jeune. Le but était d’assurer un arbitrage entre les tribus, et tout reposait sur la prééminence de la Kaba.

Les HUMS

Il y eut plus tard un autre groupe, centré cette fois-ci sur le sanctuaire lui-même, qui avait pour but d’assurer la supériorité de celui-ci sur les autres: ils sont les HUMS. Ils sont des dévots de la Kaba, prêts à tout pour assurer la domination de la Kaba sur les autres sanctuaires mecquois du Maqam, de Safa, Marwa, Arafat, Muzdalifa, Abu Qubays etc… Ils sont aussi le bras armé des Quraysh pour accroître la mainmise sur le sanctuaire. Ils sont donc de fervents partisans de l’hénothéisme, de la domination, qui en devient exclusive, d’un dieu sur les autres.

Le sanctuaire est, une fois de plus, à la base du mouvement. Il est possible, voire probable que Muhammad ait été membre de cette confrérie dévote qui contrôle l’accès au sanctuaire et surveille les rondes autour de la Ka’ba. Au moins un document le déclare clairement. Ce groupe de militants, plus étroit que l’alliance des FUDUL, attaché à étendre la gloire du sanctuaire dans toute la région et distinguant clairement leurs membres des autres fidèles, est encore mal connu.

Les HANIF

Enfin, étape ultime avant la synthèse mohammédienne, voici les HANIF. La tradition musulmane a insisté sur la présence à la Mecque, avant la révélation à Muhammad, de quelques personnages pratiquant déjà une vague forme de monothéisme (la tradition doit rester imprécise, pour laisser la vraie gloire à son héros Muhammad) : ils sont des sortes de précurseurs, hésitant comme des errants entre les différents types de doctrines de cette période et rattachés à la figure tutélaire d’Abraham.  Ce tableau naïf est là pour prouver l’attente qui se fait sentir d’un nouveau système religieux. Il s’agit aussi de masquer l’appartenance trop forte de ces personnages aux doctrines juives et chrétiennes, surtout. Jésus avait son Jean-Baptiste, Muhammad a son petit essaim de personnages vagues. Leur existence doit être acceptée, car cette mention constante du nom, dans le Coran et dans la Tradition, perturbe et pose problème, trouble l’eulogie mohammédienne.

Le principal est Zayd ibn Amir, et les contacts établis avec Muhammad sont embarrassants, car le premier domine  et sermonne le second. Un autre, Abu Amir, devient plus tard un mystérieux moine opposé à l’islam et qui promène son ombre autour de Médine et de la Mecque pour lutter contre les progrès islamique. Le chrétien Waraqa, enfin , par son influence sur Muhammad, est le plus important, pour le peu que l’on sache réellement sur lui. Ils sont alliés dans la même famille. Heureusement, Waraqa meurt juste quand Muhammad commence son aventure. Muhammad lui-même n’est jamais vu comme hanif, ni même comme sympathisant. Tout au contraire, c’est une posture d’attardé qu’on lui prodigue naïvement. Ce n’est pas le fruit du hasard, rien n’est hasardeux dans la tradition islamique: associer Muhammad à des hanif serait associer Allah à des parèdres, et la doctrine repousse avec férocité l‘association comme le crime absolu. Alors Muhammad le Mecquois reste dans son superbe isolement. S’il avait été compromis dans le mouvement, alors la “révélation” devenait inutile.

Ainsi, Muhammad n’apparaît plus comme une jolie fleur isolée : s’il a existé, il était en fait environné d’une multitude d’autres personnages, soit des individus, soit des groupes. Il est notable que l’évolution se fasse en trois temps, dans ce «pré-islam », ou cet islam « pré-mohammédien » : les FUDUL, vaste alliance tribale appuyée sur la Kaba, les HUMS, sorte de confrérie vouée à la gloire du même sanctuaire, les HANIF, influencés par d’autres doctrines, évoluant vers le monothéisme. On remarquera que d’abord, le point de départ concerne le sanctuaire. De manière générale, le sanctuaire est antérieur à la religion, et la Kaba de la Mecque le prouve admirablement. Ensuite, chacun de ces trois mouvements possède un centre d’intérêt, et un domaine d’intervention de plus en plus restreint et précis. Muhammad et sa proclamation d’unicité absolue et obsédante en est l’aboutissement. Enfin, chacun des trois concerne, en fait, de moins de moins de personnes. Là encore, Muhammad est la synthèse. A partir de la petite foule des FUDUL, l’Histoire réécrite en arrive au personnage unique et exclusif de Muhammad, le mono-prophète.
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7 Commentaires
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Léon
Léon
3 mai 2012 11 h 55 min

Passionnant… Bon, apparemment il n’y a que cette foutue campagne et ces foutues vacances qui mobilisent.

Buster
Membre
Buster
3 mai 2012 12 h 00 min

Et 1 fois un prophète créé, il faut l’entretenir soigneusement.
Sinon, Atteinte aux bonnes moeurs = 1200 Euros !

Léon
Léon
3 mai 2012 12 h 47 min

Finalement ils ont été condamnés ! Et ça, c’est en Tunisie, donc dans soi-disant le pays musulman le plus « évolué »

Causette
Causette
4 mai 2012 15 h 06 min

Les femmes… « frappez-les battez-les »

Chebel-le-modéré: « ça dépend de quelles femmes il s’agit… » 😯

Pour voir l’émission en entier « islam au féminin » (en 4 parties)

Causette
Causette
4 mai 2012 15 h 42 min
Reply to  Causette

et toujours la même chanson.

« Avant l’arrivée de l’islam la femme n’avait aucun poids social, aucun. Elle n’avait même pas d’existence juridique tenez-vous bien. Donc l’islam lui donne au moins une existence juridique. » Il parle de l’Arabie je pense. D’ailleurs il dit que de toute façon l’Europe n’existait pas, na!
blablabla
« La situation de la femme en France… il y a une sorte d’a priori positive sur les femmes ici dans la mentalité française et dans les usages de la politique française qui font que la plupart des femmes maghrébines sont prises en charge, favorisées, soutenues… A force de favoriser les femmes notamment dans les nominations… vous voyez les Rachida Dati, les Amara, les…, c’est toutes des femmes qu’on nomme à des postes à très forte plus value symbolique. Et pas un seul homme etc etc » – Chebel, le Vrp de « l’islam des Lumières » :mrgreen:

🙁
Furtif, il semblerait qu’il y ait plus de pleureurs que de pleureuses ces temps-ci. Sniff!