Certains de nos aïeux ne nous laissent que peu de traces, alors que d’autres ont mené une vie que nous pouvons suivre et comprendre, avec force détails et anecdotes, grâce aux documents laissés. J’ai choisi de vous raconter la vie de François Amaury C. (grand-oncle de mon arrière-grand-père Pierre C.), né en 1787, soldat d’Empire, titulaire de la médaille de Sainte-Hélène et aussi marchand de fer.
Ses origines
François Amaury, né le 27 février 1787 à Saint-Vran (qui s’orthographiait alors Saint-Véran), est le sixième des dix enfants de mes ancêtres directs François C. et Jeanne D., laboureurs ou cultivateurs à Merdrignac (mais aussi à Saint-Launeuc ou Saint-Vran selon les périodes). Les C. (dont le nom s’écrivait alors d’une autre façon) font leur apparition à Merdrignac (Côtes d’Armor) vers 1700, ils sont alors bûcherons ou laboureurs.
De tous ses frères et sœurs, François Amaury est le seul à avoir voyagé, c’est aussi le seul à avoir appris à lire et à écrire, et c’est enfin le seul à avoir exercé un autre métier que celui de laboureur. Il faut croire que ses années passées comme soldat, ainsi que sa pension militaire, l’ont aidé à sortir de sa condition initiale.
Ses faits d’armes, sa vie de soldat
Notre François incorpora la 4ème Compagnie du 5ème Bataillon du 61ème Régiment d’Infanterie de ligne le 15 mars 1807 à l’âge de 20 ans, et servit dans la Grande Armée du Rhin comme fusilier pendant deux ans, six mois et cinq jours, dont trois campagnes de guerre.
Le 61ème régiment d’infanterie de ligne, créé en 1699, portait aussi le surnom de « Vermandois ». On distinguait ses soldats par la couleur aurore des revers des parements et cols, par ses boutons blancs et ses poches en long. Entre 1807 et 1809 il faisait partie du IIIème corps d’Armée (Maréchal DAVOUT, Général de Division MORAND) et fut présent pendant la campagne de Pologne en 1807 aux batailles d’Eylau (8 février 1807), d’Ostrelenka et de Guttstadt. En 1809 durant la campagne d’Autriche, ce même régiment s’illustra à Ratisbonne, Abensberg, Landshut, Essling (21 et 22 mai 1809) et Wagram.
La bataille de Wagram fut sans doute l’une des plus formidables de toute l’histoire, en tous cas de toutes les batailles de Napoléon. Elle mit en présence les 5 et 6 juin 1809 près de 350000 soldats (180000 Autrichiens et 160000 Français), 1000 canons (480 côté autrichien et 560 côté français), sur un front de bataille s’étirant sur près de 15 km de long au nord-est de Vienne. Les pertes humaines furent effroyables : de chaque côté on déplora plus de 35000 morts ou blessés, estropiés à jamais. Bien que Napoléon ne disposât plus alors de ses troupes aguerries d’Austerlitz ou de Friedland (les troupes étaient composées pour moitié de vétérans et pour moitié de jeunes conscrits peu entraînés), l’issue de la bataille lui fut favorable, mais ce fut une victoire difficile et coûteuse sur bien des plans.
C’est lors de cette bataille de Wagram que François C. eut la mâchoire inférieure droite fracassée par un coup de fusil, ce qui mit fin à sa carrière de militaire au soir du 6 juillet. Il rentra alors au pays comme soldat invalide pensionné, avec une solde de retraite de 197 francs.
Grognard à la parade
Le 20 septembre 1809, le Docteur NEBEL, médecin militaire, rédigeait ainsi son certificat pour que notre blessé puisse obtenir une retraite et une pension pour blessure :
« Je soussigné officier de santé certifie que le nommé François C. fusilier à la 4ème compagnie du 5ème bataillon du 61ème régiment de ligne, a reçu un coup de fusil qui a traversé la mâchoire inférieure droite d’où il résulte que la mastication est extrêmement gênée, il ne peut parler librement le mouvement de la langue n’étant pas soutenu par la mâchoire, il a reçu cette blessure à la bataille de Wagram le 6 juillet 1809. En conséquence j’estime qui le dénommé ci-dessus est dans le cas d’obtenir sa retraite. »