A propos du financement de la culture

Au lendemain de la manifestation contre le traité ACTA et l’avènement des anonymous, la question à se poser ne me semble pas être celle du piratage, qui ne fait que repousser à plus tard une question plus fondamentale, celle du financement de la culture.

Musique, cinéma, théatre, arts graphiques… Le modèle économique actuel me semble obsolète.

Déjà, les arts ne sont pas tous logés à la même enseigne. Musique et cinéma sont produits par des entreprises aux budgets qui font frémir les états, arts graphiques, photographie et théâtre ont des moyens beaucoup plus proches du système D.

Globalement, certaines disciplines artistiques sont soumises à des lois économiques selon lesquelles beaucoup de monde s’enrichit aux dépens ou sur les artistes, et souvent beaucoup plus que les artistes eux-mêmes, alors que d’autres fonctionnent en complète autonomie.
Dans le même ordre d’idée, certaines disciplines ont un temps de préparation plus ou moins important et des possibilités de prestations inégales. Pour l’exemple, des musiciens écrivent des chansons, et ils peuvent ensuite les proposer presque à l’infini en concert. Idem pour une pièce de théatre. Un peintre, en revanche, passe énormément de temps à peindre une toile et il ne la vend qu’une fois… il a aussi la possibilité de l’exposer, c’est vrai, mais cela est moins rentable qu’un concert! comme les photographes…

L’artiste produit une oeuvre de l’esprit, et la propose au public. Ce public l’apprécie ou non, et permet à l’artiste de trouver ou non un moyen de rémunération. Cela est la base.

A l’heure d’Internet et du partage des informations, et donc des fichiers, il semble complètement ahurissant de s’obstiner à bloquer l’accès à la culture!

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. La culture, qui a la possibilité d’être mise à disposition du public, comme tant d’autres choses sur internet, se voit règlementée pour en bloquer l’accès et permettre soit-disant aux artistes d’en vivre, mais il s’agit en réalité du profit des producteurs…

Posons nous donc une question plus d’actualité : comment permettre à la fois aux artistes de voir leur travail rémunéré et au public d’avoir accès à la culture?

Une première piste est évidemment celle du financement public, mais est-elle viable? en des temps de crise où les états sont déficitaires, où la santé a des difficultés à être financée, où les ages des retraites sont sans cesse repoussés, où de plus en plus de personnes vivent dans des conditions précaires, doit-on mettre l’argent de la solidarité à disposition de ceux qui produisent des oeuvres de l’esprit? Il y aurait un problème de priorités…

Une autre piste est celle du fonctionnement de toute entreprise. Une entreprise produit quelque chose, et travaille pour le vendre. Pourquoi les artistes seraient-ils considérés autrement? Peut-on revendiquer de vivre de sa production par l’argent de la solidarité? Pourquoi un cordonnier serait-il obligé d’investir dans un loyer, une échoppe, du matériel, et pas un artiste? de quel droit la contribution à la société des hommes et des femmes qui travaillent serait-elle reversée à un artiste plutôt qu’à un cordonnier?

Parce que c’est de la culture, et que ça contribue à l’éducation de la société, aux questionnements des hommes et des femmes, au lien social, à une somme de réflexions personnelles qui aboutit à plus de prises de conscience, de respect d’autrui, de compréhension de l’autre et de tolérance. En deux mots, à l’harmonie sociale.

L’accès à la culture est donc un enjeu social. Il est facilité aujourd’hui par Internet, et baffoué par des dirigeants qui subissent les lois économiques de grosses entreprises de production… qui financent… leurs campagnes et donc leurs intérêts personnels!

Il y aurait bien un moyen… Que la culture soit financée (en partie j’entends, il est évident qu’un artiste doit contribuer à sa rémunération par un travail de « vente ») par le média qui la diffuse, et donc internet. Une taxe (ce n’est pas un gros mot, c’est une participation collective à ce qui présente un intérêt pour la collectivité 😉 ) pourrait être instaurée sur l’accès internet, puisque c’est un accès à la culture! Charge ensuite à une commission de spécialistes de répartir l’argent ainsi récolté vers les productions culturelles qui participent le plus à l’harmonie sociale! Au 2ème trimeste 2010, 20 millions de foyers étaient connectés à internet. A raison d’un euro par mois et par foyer connecté, cela représente 240 millions d’euros par an… ça me paraît un bon début…

Voilà, c’est une réflexion que j’avais envie de partager, une discussion qui reste ouverte, pour remettre le débat là où il doit être…  🙂

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Lapa
Administrateur
Lapa
2 juin 2012 11 h 24 min

bonjour!

absent ce WE donc je reviendrai plus tard discuter sur cet article car le sujet est intéressant.

Buster
Membre
Buster
2 juin 2012 11 h 39 min

Ouachte ! 😯

Insoluble question, trop générique.

Et puis, ce genre d’affirmations : .… beaucoup de monde s’enrichit aux dépens ou sur les artistes … / … Car c’est bien de cela qu’il s’agit. La culture, qui a la possibilité d’être mise à disposition du public, comme tant d’autres choses sur internet, se voit règlementée pour en bloquer l’accès et permettre soit-disant aux artistes d’en vivre, mais il s’agit en réalité du profit des producteurs … Mmouais. Assez facile et convenu. Il faudrait d’abord séparer la création artistique (unique) de la diffusion des oeuvres (multiples) et considérer aussi que la diffusion permet à d’avantages d’artistes de vivre (bien ou mal) des fruits de leur création. Faites donc vivre un écrivain sans éditeur, laissez le vendre ses manuscrits à 1 exemplaire à chaque fois. Il m’étonnerait que beaucoup d’écrivains persistent longtemps dans cette voie.

Internet a changé la donne, tari des sources de financements antérieures et permis de nouvelles formes « d’exploitation ».
Le process est en marche, à peine entamé, déstabilisant et fascinant.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
2 juin 2012 15 h 39 min

Bonjour Fred et Salut à tous.
Qu’une seule partie d’argent public puisse aller dans les poches d’usurpateurs genre Taverne , Villach ou le Nain bleu me rend fou de rage.Pourtant la machine qui finance des Jeff Koons à Versailles existe et je dois en assumer ma part, contraint et forcé.
Par ailleurs je n’ignore pas que l’art n’accède au public que dans la mesure où il est enseigné et où les éléments de sa compréhension sont transmis.Alors , alors.
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Personne ne peut nier que les chiffres astronomiques atteints par le marché de l’art sont accompagnés par la misère aggravée des enseignements artistiques.
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La question abordée par l’article est trop générale pour recevoir une réponse suffisamment précise et claire,avec des contours nets et délimités, en gros pour éviter l’écueil des banalités.
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J’envisagerais pourtant une manière oblique d’y répondre.Je ne me suis jamais posé la question de posséder une oeuvre d’art.Ce qui ne m’a pas empêché de vivre de grand moments à Rome à Florence à Paris et dernièrement à Pékin.Les œuvres d’art existent , elles sont là où elles sont et ça me va très bien.

Léon
Léon
2 juin 2012 21 h 23 min
Reply to  D. Furtif

Euh, à mon avis, Fred n’a pas la moindre idée de qui est Taverne ! 😆

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
2 juin 2012 22 h 43 min
Reply to  Léon

Ahhh parce qu’il connait Villach ou le Nain Bleu?

Léon
Léon
3 juin 2012 7 h 49 min
Reply to  D. Furtif

Non plus ! 😆

Léon
Léon
2 juin 2012 16 h 46 min

La question est effectivement très vaste. Trop peut-être. On voit un modèle économique s’écrouler, mais aucun se mettre en place pour le remplacer sinon en revenant aux recettes anciennes : par exemple pour les artistes, les concerts. Ou pour les graphistes les posters décoratifs ( gros clin d’oeil…)autrement dit du matériel.
Un autre truc: ce dont il est question ce sont les produits culturels et pas la culture. Là je rejoins Furtif et d’ailleurs le très intéressant débat qu’on a eu à propos de Rothko (que cette feignasse de Buster n’a pas mené au bout…) :mrgreen:

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
2 juin 2012 17 h 07 min
Reply to  Léon

Ouais! Il y a là un véritable scandale.
Au milieu de bénévoles qui passent leur temps et leur retraite à alimenter un blog, je me suis laissé dire que le dénommé Buster oserait sans honte gaspiller le temps qu’il nous doit à des activités laborieuses.
Ça fait peur .

Léon
Léon
2 juin 2012 16 h 48 min

Malraux n’avait pas théorisé cette question avec « Le musée imaginaire » ? M’en rappelle plus…

COLRE
COLRE
3 juin 2012 12 h 51 min
Reply to  Léon

« Le Musée imaginaire » ? c’est le musée imaginaire DE Malraux… celui d’un écrivain, lyrique, porté sur le « sens » de l’Homme, de la vie, de la transcendance, du sacré…
C’est un peu vieux, tout ça, dans ma mémoire, mais sa vision de l’art était très « classique », me semble-t-il. Ce n’est pas un défaut, mais une petite limitation sur l’essence de l’art… non ?

COLRE
COLRE
3 juin 2012 12 h 29 min

Oui, bien d’accord, la culture « ça contribue à l’éducation de la société, aux questionnements des hommes et des femmes, au lien social, à une somme de réflexions personnelles qui aboutit à plus de prises de conscience, de respect d’autrui, de compréhension de l’autre et de tolérance. En deux mots, à l’harmonie sociale »
Comment une société digne de ce nom pourrait-elle l’abandonner aux seuls circuits financiers et marchands ?
À partir de là, toutes les solutions sont envisageables. Un euro prélevé sur les connections internet, pourquoi pas ? un bon début, en effet, car je crains que ce ne soit insuffisant…

Lapa
Administrateur
Lapa
4 juin 2012 15 h 30 min

En lisant l’article et les commentaires une question me vient à l’esprit.

quel modèle économique s’écroule?

celui de la production artistique ou celui de sa distribution?

en quoi l’accès à la culture serait bloqué aujourd’hui? en quoi serait-il plus bloqué qu’il y a 15 ans?

A mon avis il faut déjà pouvoir répondre à ses questions pour continuer le débat.

Quant à la taxe sur l’abonnement internet proposée, elle représentera même pas la moitié de celle de l’avance sur recette pour le cinéma, avance dont le principe est loin de faire l’unanimité. la distribution de prébendes par les commissions idoines où siègent les copains pour lesquels la population n’a strictement aucune visibilité n’est pas nouveau dans le domaine culturel.