Honneur à jamais.

Sans hésitation et sans phrase

Évitons  d’encombrer les vestibules de la mémoire par les exercices pesants des éloges incongrus de faiseurs besogneux . Malraux en a dit assez . Que la péroraison, aujourd’hui encore dans tous les esprits, soit gravée à tout jamais dans nos mémoires

Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d’exaltation dans le soleil d’Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle – nos frères dans l’ordre de la Nuit…

Commémorant l’anniversaire de la Libération de Paris, je disais : « Ecoute ce soir, jeunesse de mon pays, les cloches d’anniversaire qui sonneront comme celles d’il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi ».

« L’hommage d’aujourd’hui n’appelle que le chant qui va s’élever maintenant, ce Chant des Partisans que j’ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard des Vosges et les bois d’Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Corrèze avançaient à la rencontre des chars de Runstedt lancés de nouveau contre Strasbourg. Ecoute aujourd’hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C’est la marche funèbre des cendres que voici. A côté de celles de Carnot avec les soldats de l’an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu’elles reposent avec leur long cortège d’ombres défigurées. Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé; ce jour-là, elle était le visage de la France. »

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4 Commentaires
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snoopy86
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snoopy86
8 juillet 2013 18 h 04 min

Merci Fufu

J’avais juste quatorze ans et j’avais vu et écouté Malraux en direct sur l’unique chaîne TV de l’époque …

Grand moment d’émotion ( au Mont-Valérien ? ) par un jour sinistre, glacial et venteux …

Le lendemain, notre prof de français-latin , le meilleur que j’aie jamais eu, jeune agrégé juif pied-noir rapatrié depuis peu ( et qui avait donc toutes raisons de n’aimer ni de Gaulle ni Malraux ) nous relut le discours en classe et nous colla une dissertation sur le patriotisme. Ses collègues, majoritairement communistes, le lui reprochèrent vivement et le firent savoir …

Il y eut un peu d’agitation dans le lycée. Notre prof eut bien peu de soutien officiel à part celui d’une autre excellente enseignante de français dont j’apprendrai plus tard qu’elle était la fille de Jules Moch …

snoopy86
Membre
snoopy86
8 juillet 2013 18 h 11 min
Léon
Léon
8 juillet 2013 23 h 14 min

Un beau texte à côté duquel j’étais passé, à l’époque.