Prime de présentéisme

En furetant sur le net, je suis tombé ce jour sur une offre d’emploi de conseiller en insertion professionnelle émanant d’une collectivité locale francilienne. Celle-ci fait état d’une prime de présentéisme allouée d’emblée au futur et heureux élu.

Présentéisme ! Voilà un étonnant vocable, qui en dit long sur l’impuissance de nos édiles, et qui m’a laissé, il faut bien le dire, sans voix, pour ne pas dire sur le cul.

Bien sûr, je sais le mal pernicieux qui affecte notre fonction publique qui, dans certains services, affiche des taux d’absentéisme frôlant les 20%, sans compter la « démarque inconnue ». Je veux parler ici de ces petites rapines quotidiennes, allant du simple quart d’heure à la demi-journée de service escamoté, bref tout ce qui mine l’efficacité du service public, en écornant son image.

J’ai encore en mémoire l’hallucinant aveu d’une directrice d’agence de feu l’ANPE, me confiant que chaque vendredi, vers 14h30, elle se résignait à devoir faire le planton devant la porte de son agence pour dissuader ses propres collègues de s’éclipser en loucedé avant l’heure règlementaire de débauchage.

Evidemment, il s’en trouvera toujours un, comme sur Maboulvox, pour justifier la « démarque inconnue »  quitte à invoquer le fameux stress censé affecter ces valeureux soutiers dévoués de Pôle emploi, de zélés personnages qui n’hésitent pas à s’en prendre méchamment à l’usager pour un seul rendez-vous manqué. Rassurons ce dernier, il recevra bientôt sa lettre de radiation directement sur sa boîte mail, ce qui lui évitera, au demeurant, de prendre en peine poire les sarcasmes des cerbères de Popol emploi.

A ce rythme, il n’est pas stupide d’envisager que la relation à l’usager finisse par être totalement dématérialisée elle aussi, contribuant du même coup (espérons-le) à réduire le stress du professionnel, et par voie de conséquence, à accroître son présentiel au bureau.

M’enfin ! Que dire de cette prime de présentéisme ?

Voilà encore un de ces néologismes, une spécialité des crânes d’œuf qui inspirent les réformes de nos administrations, des gars qui n’ont de cesse d’inventer des patchs anti fuite, comme cette prime de présentéisme, remisant au placard cette bonne vieille prime d’assiduité, tombée en désuétude. Avouez qu’ils n’ont pas fait l’ENA pour rien, car faire du neuf avec du vieux, c’est déjà, en quelque sorte, faire l’économie d’une dispendieuse étude.

Pour ma part, une pénalisation financière pour rapinage abusif eût été plus efficace et plus franc du collier, mais vous m’ objecterez avec élégance que c’est à cela que l’on distingue ceux qui ont fait l’ENA de ceux qui se sont faits sans elle.

A la décharge de nos crânes d’œuf, reconnaissons qu’il est difficile d’arbitrer entre une absence pour cause de grossesse ou de cancer avancé et une autre pour cause de lombalgie récurrente. Cette dernière a d’ailleurs valeur de sésame magique, si tant est qu’il suffit de trouver un toubib en fin de carrière et de le prendre par les sentiments,… à l’heure de l’apéro.

En ces temps de constat partagé sur l’état de la dette astronomique de l’Etat-providence, je ne doute pas de votre clémence pour avoir écorné la sainte institution, coupable à mes yeux, de préférer encore une fois la carotte au bâton.

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Léon
Léon
3 septembre 2011 10 h 01 min

Mmmouais… D’accord que donner une prime pour quelque chose qui fait normalement partie du contrat de travail est anormal. D’accord aussi pour constater des abus manifestes du point de vue de l’absentéisme à certains endroits. Mais je n’aime pas ces généralisations qui ne font aucun cas, ni du stress qui pèse sur certains fonctionnaires (police, enseignants ) dû à leurs conditions de travail (J’ai pu voir les dégâts incroyables sur un ex-collègue pas fait pour le métier de prof, chahuté etc…), le découragement qui pèse sur certains autres faute de reconnaissance et d’efficacité. Ne vous y trompez pas Yohan, la situation du point de vue de la charge de travail et du stress est très variable suivant les secteurs : allez donc voir ce qui se passe aux impôts, par exemple, ou à l’hôpital, les gens y sont de plus en plus burn out.
Si on parle d’abus il faut les mettre dans leur contexte, les évaluer. Que diriez-vous d’un article qui traiterait les patrons de salauds, de voleurs et d’escrocs à cause de fraudes à l’URSSAF ?

ranta
ranta
3 septembre 2011 10 h 08 min

La particularité du service public est d’être comme son nom l’indique un service. Dans la grande majorité des cas comme il n’y a pas de valeur ajoutée ou de production industrielle le sentiment que les personnels ne foutent rien est profondément ancré.

L’autre particularité est qu’il est quasi impossible de frauder ou de détourner de l’argent. Tous est vérifié, revérifié et rerevérifié avant qu’un centime ne soit utilisé, ce qui donne aussi le sentiment d’inertie.

Léon
Léon
3 septembre 2011 14 h 29 min

Mon objection concerne la mesure de l’ampleur du phénomène. Mais je suis d’accord que si l’on commence à mettre des primes de présence, c’est que l’absentéisme est très développé et ce n’est effectivement pas normal.
On aurait à peu près les m^mes problèmes avec un article sur les fraudes patronales à L’URSSAF, sauf que là, on a des données statistiques !

COLRE
COLRE
3 septembre 2011 14 h 32 min

Salut Yohan 🙂 toujours à taper sur la fonction publique et l’Etat-providence… 😉

Je rajoute à ta liste de feignants les caissières à 910€ par mois, qui reçoivent une « prime de présence » de 96€, ou une prime de 10€ pour les 766 ouvriers de l’usine Citroën Sevelnord à Hordain, dans le Nord, récompensés pour leur assiduité au travail ou les salariés de Publitex Offset qui ont droit à une prime d’assiduité dont on dit que le montant est suffisamment conséquent pour la rendre intéressante…

Encore un truc rigolo, une petite annonce demandant une hôtesse d’accueil aux Urgences d’un hôpital privé, payée au SMIC, avec une « prime de présence » de 75€ par mois, et… une « prime d’activité » ! si si, de 50€ par mois… Elle est donc payée, non seulement pour être présente mais pour agir…

Ah là là… tous ces privilégiés… 8)

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
4 septembre 2011 21 h 02 min

Yohan…….
Bonne rentrée des classes.
J’ai vu un commentaire de Taverne ( d’il y a deux ou trois jours)qui nous confiait combien il gagnait 3 400 Euros après 23 ans de carrière .
23 ans ???? Il devait être très franc et très honnête pour confier de tels chiffres
Je me rappelle de lui un article d’il y 3 ans où il __ tout comme toi__ il tapait sur les fonctionnaires. C’était l’époque où il jouait les vedettes du Modem et à l’artiste déjà dans la traine du Nain Bleu qui ne lui laissait que ce qu’il avait l’habitude de laisser derrière lui.

Un gars qui travaille dans une préfecture , se moquer des fonctionnaires…..Faut dire qu’il se prétend chanteur, qu’il se prétend musicien, qu’il se prétend parolier, qu’il se prétend militant…qu’il se prétend……J’arrive pas à faire le compte……
.
Ahhh, si tout comme toi , il prétend offrir des solutions à la question de la misère, des bas salaires et des retraites au compte gouttes