A l’instar de feu le SIVP (Stage d’initiation à la Vie Professionnelle) qui avait défrayé la chronique en son temps, l’AFPR (Action de Formation Préparatoire au Recrutement) fait parler d’elle, au point que Pôle emploi envisage sa suppression prochaine pour cause d’entorses à l’éthique, pour ne pas dire…pour cause d’arnaques récurrentes…
Un dispositif qu’on imagine appelé à être remplacé par une énième mesure du même acabit, puisqu’il en est ainsi depuis de longues années.
A la base, la sacro-sainte doctrine gouvernementale qui consiste à créer sans cesse de nouvelles usines à gaz pour – croit-on – lutter contre la raréfaction des emplois et inciter les employeurs à embaucher et qui au final, tournent encore trop souvent à la mauvaise farce pour les personnes concernées.
Des dispositifs qui ont vocation à être détournés ensuite par des employeurs peu scrupuleux, qui savent profiter des contrôles défaillants de l’administration pour exploiter des chômeurs aux abois.
Ainsi, tout récemment, trois assistantes commerciales sont tombées de haut après avoir été embauchées via l’AFPR par une société de recouvrement de créances, basée à Villepinte (93).
Pour seule et unique formation, cette agence bien peu scrupuleuse, s’est fendue de deux heures d’explications techniques, pour aussitôt mettre leurs fraîches recrues sur l’établi.
Un travail bien peu enthousiasmant fait pour décourager les meilleures volontés, tant il consiste à faire pression sur des personnes endettées pour les contraindre à rembourser tout ou partie de leur dette, et ce par des moyens par toujours estimables.
Non seulement, cette société villepintoise s’offre du personnel à très bon compte, puisqu’elle ne verse pas de salaire pendant la période de formation de deux mois, mais mieux, elle peut obtenir de Pôle emploi jusqu’à 2.250€ par stagiaire, en déclarant des heures de formation que visiblement elle n’assure pas.
Un filon bien juteux pour qui entend tirer profit de cette AFPR.
Rapidement édifiées sur les pratiques douteuses de leur entreprise par des collègues averties, ces dames réalisent que leur embauche, pourtant contractuelle à l’issue de la période de formation, est en réalité fort compromise, en raison du découragement qui gagne les nouveaux arrivants devant l’impossibilité de réaliser les objectifs et face au désenchantement du métier qui pointe très rapidement. De fait, la société de recouvrement en question affiche un turn-over anormalement élevé.
Christelle*S. tient à témoigner aujourd’hui sur ce qu’elle considère comme une filouterie organisée. « Au bout d’un mois, j’ai cru bon d’adresser un courrier à la direction pour demander des explications sur l’absence de formation et sur les horaires d’ouverture fantaisistes de la société. A mon retour dans l’entreprise, je me suis vue intimée de quitter les lieux sur le champ, au soit disant motif de ne pas avoir atteint mon quota de recouvrement, alors que je suis censée être en période de formation ».
De bien étranges pratiques en effet…
Il s’avère que cette société de recouvrement n’en est pas à son premier galop d’essai, puisqu’elle signe très régulièrement des AFPR et pour cause …; ce contrat lui permet de faire travailler, toute l’année durant, des personnes non salariées, et ce, tout à fait légalement et en s’exonérant des obligations d’embauche par un procédé efficace et bien rodé : le presse citron suivi de la mise à la faute.
Comme on s’en doute, ce contrat remporte un franc succès auprès des sociétés commerciales plus ou moins bidon qui ne parviennent pas à attirer ou (ne souhaitent pas) fidéliser des commerciaux.
Un double risque pour ceux qui réaliseraient tardivement leur erreur. Non seulement, ce contrat AFPR ne prolonge en rien les allocations, mais en le rompant sans assurer vos arrières, vous aurez en fait travaillé pour des prunes, et à vos frais, s’agissant des dépenses habituellement occasionnées par le travail.
Pôle emploi continue de signer ces contrats, sans beaucoup s’émouvoir des préjudices causés aux chômeurs et à la collectivité qui finance cette usine à gaz. L’administration veut se persuader qu’il n’y a pas trop de vers dans son fruit, d’autant que ce type de contrat contribue à faire baisser les chiffres du chômage.
Combien de temps faudra-t-il encore patienter avant de parvenir à mettre fin à ces contrats aussi inutiles qu’improductifs et qui lèsent avant tout des chômeurs déjà passablement minés par les difficultés de la vie ?
* le prénom a été changé
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Un article absolument indispensable qui permet d’attirer l’attention sur un dispositif peu connu qui n’a d’autre but que de faire baisser artificiellement les statistiques du chômage : je suppose qu’à partit du moment où ces personnes sont sous ce contrat elle sont rayées des stats ?
La question de la formation professionnelle est un énorme chantier, indispensable. Ce qui marche le mieux semble être les contrats de professionnalisation, non ? Mais faut pas se faire d’illusion, ces dispositifs ne peuvent pas créer de l’emploi…
Oui, article révélateur, merci Yohan.
Mais Léon, ce dispositif n’a pas qu’un seul but, faire baisser les statistiques du chômage. Il sert aussi à faire un cadeau de plus aux entreprises, surtout les moins scrupuleuses. Coup double…
C’est une belle illustration de la politique sarkozienne: favoriser ses amis et commanditaires les Dassaubollobouygarnault et camoufler ses résultats catastrophiques sont ses deux actions principales.
Il y a une trentaine d’années, quand les stages ont été institués dans l’enseignement professionnel public ( CET ➡ LEP ➡ LP) avec la complicité des directions syndicales qui mobilisaient pour ça leur meilleur lexique ouvriériste « les stages enfin un vrai travail », on a vu alors, main dans la main CNPF et Syndicats se donner la main pour détruire ce qui faisait l’originalité de l’enseignement professionnel public Français. Nous « fabriquions » un main d’œuvre dans une formation scolaire complète au point que de nombreux élèves issus de nos classes reprenaient un parcours ( dit classique) pour poursuivre vers les bacs techniques voire le supérieur. Ces stages se multipliant et s’amplifiant, les programmes de formation technologique sont peu à peu devenus virtuels par incapacité de les terminer . La hiérarchie rectorale produisant alors la justification théorique et le lexique pedagogisant pour fustiger les profs à l’ancienne qui demandaient trop de leurs élèves. À chaque fois que Yohan fait un article là dessus je ne peux m’empêcher de laisser remonter les mauvais souvenirs. Le pire à vivre fut de supporter, bien plus tard, le discours béni oui oui des petits merdeux sortant des IUFM complètement formatés à approuver cette chienlit. Bref au début des années 80 , on n’eut pas à attendre longtemps pour voir. Dans les ANPE les dizaines de postes de manutentionnaires magasiniers manœuvre de toute sorte disparaissaient à date fixe qui comme par hasard coïncidaient avec le départ en stage de nos élèves___ stage obligatoire non rémunérés__ L’enseignement professionnel public mettaient sur le marché des centaines de milliers d’heures gratuites. Faites le compte 40h x 4 semaines x 25 élèves x classe x plusieurs LP, x une région, un pays Le stage des élèves de LP fut l’Attila du marché du travail. La pression se fit de plus en plus grande de la part des rectorats pour que les stages des élèves soient plus longs et en plusieurs période. Je ne parlerai pas des effets de ces transformations sur le plan de la formation technologique et autre , mais le type d’emploi évoqué plus haut disparut complètement.Un volant de 10 postes dans un supermarché proche fut conservé et tenu par une rotation ininterrompue de stagiaires. Des dizaines de milliers d’adultes sans guère de formation furent privés d’emploi….Ça commençait à se voir. Les statistiques le rappelaient véhémentement il fallut trouver une solution.Du public au para public au privé des dizaines… Lire la suite »
Voilà, Yohan, maintenant vous nous l’avez énervé notre Furtif… 😆
Ah je comprends l’emportement du Furtif. L’esprit de la formation professionnelle s’est dévoyé au fil des années avec la complicité de ceux qui ont voulu en faire une machine à fric sans âme. Aujourd’hui, n’importe quel organisme de formation généraliste peut ouvrir une formation dans un domaine où il n’avait hier aucune compétence, c’est devenu la loi de la jungle, la loi du fric. Il lui suffit de recruter des formateurs et de bricoler un contenu sans consistance.
Réponse à Léon : effectivement, elles sortent de catégorie 1 donc des chômeurs officiels, d’où le peu d’empressement de contrôler le système.
Quant aux stages en entreprise, le législateur s’est borné à obliger les employeurs à verser 400€ si le stage excède les trois mois seulement. Résultat, il n’y a plus de stages supérieurs à trois mois et les entreprises peuvent continuer de profiter de cette main d’oeuvre gratuite