La rhétorique du miroir déformant

[ Pour continuer dans ces histoires d’argumentaires, voici la réédition de l’article de Lapa qui fait suite à celui sur le Point Clouseau. Bonne lecture. César.]

Après le point godwin, le point Clouseau, le point Morice[1], voici une autre rhétorique habituelle des commentateurs d’internet. Elle est relativement simple et utilisée sur presque tous les fils de discussion où il y a bataille d’argumentaires.

Elle consiste tout simplement à prendre systématiquement un exemple de faits s’approchant du sujet et qu’on pourrait croire similaires mais non abordés par l’auteur comme seul argument de questionnement.

Un exemple:

un article va parler des violences faites aux femmes. Vous avez 95% de chances qu’un commentateur vienne sortir soit un exemple d’un homme qui s’est fait tabasser par sa femme, ou alors le chiffre des 10-15% (?) d’hommes battus parmi les conjoints battus. Vous avez 95% de chance que ce commentateur ne soit là que pour « nuancer » les propos de l’auteur. Vous aurez 95%[2] de chances que ce commentateur n’argumente absolument pas sur les faits de l’article et qu’il ne prenne jamais position contre les faits reprochés (ou alors très timidement et après moultes sollicitations). En fait vous avez 100% de chances ou pas loin qu’un commentateur n’argumentant que de la sorte soit, en fait, un antiféministe farouche que les chiffres de la violence conjugale laissent de marbre et qui n’est là que pour contredire l’auteur, affaiblir son message,  mais sans passer pour un sale macho.

D’autres exemples?

Si dans une discussion vous allez sous-entendre que le prophète parfait des musulmans était pédophile, Momo va direct vous affirmer que les rois de France aussi (ce qui est faux d’ailleurs mais il n’a été que prof d’histoire faut pas lui en vouloir).  Ce qui lui évite d’avoir à prendre position « oui ou non il était pédophile », et permet d’affaiblir les propos de l’auteur en relativisant: « voyez! eux aussi! » voire d’excuser carrément. Morice est un exemple parfait de l’utilisation de ce type de rhétorique. Vous dites du mal du Coran, de la bouffe hallal, bref de l’islam en général ou du prophète en particulier? Hop aussitôt, après vous avoir traité de nazi (c’est un bonus pas toujours facile à avoir du premier coup), il vous racontera une histoire pour dégrader l’Eglise catholique direct (comme si cela pouvait vous toucher !).

Dans cet article que je sors des profondeurs vous aurez de nombreux exemples de cette rhétorique du miroir, c’est parfaitement instructif. C’est un enseignement à lui tout seul des merveilles de gogovox et de ses piliers. Vous retrouverez des noms bien connus. Des gens qui savent prendre du recul.

A ce propos, le premier commentaire de J.Carmet ici est typique également…

Un sujet toujours propice à ce genre de manipulation (et à beaucoup d’autres) est évidemment le conflit israelo-palestinien.

L’objectif de cette rhétorique:

1- affaiblir le poids des faits relatés par l’auteur. Sous-entendu: il n’ y a pas que ça dans la vie, par exemple.

2- mettre en doute la sincérité ou l’objectivité de l’auteur. Si l’auteur n’en n’a pas parlé, c’est forcément qu’il est partial.

3- faire dévier un fil de discussion. Le nouveau sujet lancé fera diversion, les commentateurs vont se focaliser sur ces argumentations plutôt que sur l’article et son idée principale. On part dans une bataille purement rhétorique.

4- éviter de donner sa position. C’est très important pour ceux qui tiennent à leur image : « jamais je n’ai dit que…  » ou « trouvez-moi une phrase où je soutiens la flagellation des femmes afghanes?? »

5- excuser les faits par une relativisation générale. C’est un peu ce qu’on faisait enfants, quand nos parents nous grondaient: « oui mais UNTEL, il a dit cacaproutboudin ».

Pourquoi miroir déformant?

Tout simplement parce que l’argumentaire proposé est supposé être un miroir des faits exposé par l’auteur. On parlera donc de faits similaires ou supposés tels (la véracité n’entre pas en ligne de compte).

Mais il est déformant parce qu’en cherchant à nuancer l’inexcusable, on voulant nier ou relativiser des faits avérés, parfois graves, les utilisateurs de cette technique sont obligés de déformer ces faits. De leur donner une proportion qui n’est pas la leur à l’origine (le nombre, la fréquence, l’impact, l’intérêt…). Grossir et forcer le trait, voire mentir.

Ainsi on arrive à mettre sur le même pied mitraillage de gendarmerie la nuit en Corse à un attentat dans le métro qui fait 200 morts. Ainsi on arrive à mettre sur le même pied (mais avec du recul et de la réflexion hein!), le fouettage en public de femmes comme justice d’état rendue et la violence conjugale privée en France. Ou bien l’envoi de quelques roquettes artisanales sur une colonie et une opération militaire de type « plomb durci ». Parfois aussi le vortex temporel est important. Ainsi on pourra vous ressortir le sort des sorcières sous l’inquisition pour réagir à des faits actuels. Mais tout cela: sans prendre parti, évidemment.

Tant il est vrai que pour certaines causes, il est pratique de relativiser…

[1]

Point Clouzot: argumentaire fondé principalement, voire exclusivement, sur le théorème: « a qui profite le crime? ».

Point Morice: consiste à critiquer un texte ou des propos non pour ce qu’ils sont mais en raison de leur source, qui les disqualifierait par principe.

[2]

Ces pourcentages sont complètement pifométriques et personnels: ils possèdent donc une précision pas plus pire que celle des sondages bidouillés (nda).

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D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
14 décembre 2011 16 h 16 min

Ce fut un grand Moment Lapa
Dommage pour lui le Nash Russel n’a pas vu se réaliser ses espoirs de carrière successfull .Il a disparu absorbé dans le grand vide qui avait déjà englouti les Jean Carmet, ali bobo et consort , il y en a eu d’autres depuis. Il y en a toujours de nouveaux
.
Comment les repérer?

.
Ta méthode de détection se révèle au fil du temps parfaitement au point
– Remise en cause du blog ou de l’auteur ou de l’honnêteté des deux
– puis refus de répondre à la première réponse
– passage à un autre sujet encore plus farfelu
– petit intermède sur le lexique
– plainte de mauvais traitement ( se faire passer pour victime, un gugus vient de nous le faire hier)
– bottage en touche
– encore un autre sujet…
– etc ….etc ….