Précisions scientifiques (3)

Suite de quelques réflexions sur la science dans notre société. Le précédent épisode est ici:
http://www.disons.fr/?p=33496 N° 2

Le précédent du précédent lui est

http://www.disons.fr/?p=32928 N° 1

Indépendance, incompétence et connivence

Ça m’a toujours fait marrer ces gens qui pointaient du doigt que tel ou tel éminent chercheur avait travaillé avant pour des grosses entreprises. C’est pourtant une évidence. Sauf à dynamiter le budget de l’état, les instituts nationaux ne peuvent accueillir durant toute leur carrière la flopée de scientifiques, chercheurs et spécialistes que notre pays forme chaque année.

On n’est pas chez les intermittents du spectacle ici. Un chercheur ça a besoin d’avoir des outils, une veille technologique efficace, des moyens pour mettre en œuvre continuellement sa recherche et de continuer à apprendre. Bref, il ne peut pas passer de plagiste l’été à toxicologue averti l’hiver. Donc pour qu’il nourrisse sa petite famille et continue de travailler en utilisant ses petites cellules grises et bien le chercheur souvent il va dans des laboratoires ou des instituts privés. Parfois même, comble de l’horreur citoyenne, il va travailler pour l’industrie ou un grand groupe.  A partir de là sa carrière est fichue médiatiquement parlant puisque quoi qu’il dira on lui reprochera d’avoir un jour travaillé chez untel.

Et puis les entreprises ne sont pas idiotes, généralement elles essayent de prendre les types les plus brillants dans les domaines les plus en pointe. A quelques exceptions quand même, faciles à repérer par l’importance du travail effectué et publié, les grosses pointures ne se sont pas contentées d’enseigner en université pour gagner leur vie.  Sans compter qu’il y a certains domaines où il n’y a aucun investissement public et que si le gars ou son équipe veut produire des résultats, il sera obligé de passer par l’intérêt d’une entreprise qui lui donnera les moyens de progresser.

Évidemment vous pouvez être sûr que les spécialistes autoproclamés qui n’ont jamais rien sorti de potable n’auront jamais l’occasion d’être approché par des structures de recherche privée ou des compagnies.

Mais alors où commence la connivence et où s’arrête l’indépendance? Pas facile.

S’il est effectivement impératif de se méfier du biais des études des laboratoires industrielles il faut accepter cet état de fait : beaucoup de spécialistes ne sont pas des fonctionnaires que l’état mettrait à la disposition du public pour certains cas précis et qui retourneraient dans leur grotte une fois leur temps terminé.

Ainsi la carrière d’un scientifique peut nous apprendre beaucoup. Pas de souci à ce qu’il soit reconnu et soit allé travailler dans les laboratoires des milieux industriels. Là où l’on pourra commencer à se méfier c’est quand il multipliera les appartenance à des cercles, comités ou des fondations cooptées par des grands groupes. Mais de même, autant du travail ponctuel et publié ne porte pas tellement à conséquence, des participations financières par contre sont déjà plus sujettes à caution. Il y a des enjeux pécuniaires qui dépassent de très loin un simple salaire de mission.

Ainsi je me souviens d’un éminent spécialiste qui avait co-rédigé les Techniques de l’Ingénieur dans son domaine de prédilection. Les Sciences et Techniques de l’ingénieur, ce sont des encyclopédies documentaires scientifiques et techniques, les bases de tous les métiers techniques, bref la Bible que ce soit en matériaux, construction, optique photonique, énergie, mesures, analyses,  agro, chimie…etc…

Ainsi ce spécialiste, qui était chef d’un département dans une grande école réputée, avait eu le malheur d’avoir travaillé avant dans différentes entreprises de grands groupes. Du coup il ne se mêlait plus de débat, malgré son énorme expérience et sa connaissance approfondie du sujet. Il faut bien comprendre que ce ne sont jamais des attaques directes, toujours des petits entrefilets, des « précisions » dont le seul but est de créer le doute ou l’amalgame. Bref, des périphrases entre virgule mais qui sont là pour mettre en doute la probité des gens.

Parfois même la parano va très loin, ainsi des opposants ont tenus à mettre en doute l’impartialité de mon équipe car notre siège social avait été construit par une filiale du groupe dont nous contrôlions les données.

On ne vous le dira jamais assez : pour être indépendant il faut mendier, vivre au camping et surtout avoir été assez mauvais pour ne rien publier du tout qui puisse aller dans le sens d’un camp ou de l’autre!

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3 Commentaires
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ranta
ranta
29 octobre 2012 9 h 19 min

Salut Lapa,

C’est très bien de l’écrire ça. La plupart des gens le savent mais font semblant de l’ignorer; c’est pour cette raison que toutes les charlateneries et les gourous qui vont avec peuvent exister.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
29 octobre 2012 21 h 58 min

J’ai dû un jour , funeste jour, expliquer à un ingénieur en géophysique, que ….à part la marine nationale, pour comme le raconte Pagnol : « mesurer le fond de la mer… » il lui faudrait passer par les boites du pétrole…ou d’autres du même genre .
– Horreur horreur jamais de la vie…
J’ai donc eu une expérience extrêmement intime de ton article N°3

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
30 octobre 2012 11 h 18 min

Lapa m’a fait penser à ces révolutionnaires en chambre de 1968 absolument consternés de voir les arsenaux en grève totale.
Ciel des fabricants d’armes!
Ça jargonnait le marxisme, mais ça ne connaissait pas le premier mot de la nature du prolétariat.
Je me rappelle avoir tenté de leur expliquer que travailleurs salariés, les ingénieurs appartenaient aux aussi au prolétariat.
Dans le climat général gauchiste d’assimilation de l’encadrement aux forces de répression ils avaient beaucoup de mal à accepter que les ouvriers aient voté librement pour les représenter dans leurs comités de grève pour les plus qualifiés professionnellement aussi .
Ils avaient su sans peine faire la différence entre les petits chefs aux ordres et ceux en qui ils avaient confiance.
.
C’est le même type de jargon mal assimilé qui fait confondre pauvres et racailles.
Qui dira le mal engendré par les sociologues au petit pied quand ils ignorent l’histoire en général et celle de la condition ouvrière en particulier.
Dans la première moitié du XIXè Une des premières revendications ouvrières , mise en œuvre par les ouvriers eux mêmes dans ce qui allait devenir les bourses du travail, fut la formation.
Apprendre à lire , à écrire , à tracer à forger , etc … Cette formation , ils se la donnèrent entre eux puis avec l’aide de gens encore plus qualifiés les ingénieurs furent de ces bénévoles, des ingénieurs en furent issus. Déjà les gauchistes de l’époque hurlaient à la collaboration, mais le marxisme sut les renvoyer aux marges comme il avait expulsé les racailles de l’époque.
La formation et le progrès de la culture étaient pris pour ce qu’ils étaient une arme d’émancipation.
De cette époque date le respect inné de la classe ouvrière et le monde du travail pour les enseignants. Historiquement il marchent ensemble .
C’est pourquoi certains prétendus travailleurs ne bavant que leur haine pour les uns et les autres ,montrent bien qu’ils ne sont ni des uns ni des autres.