Vous avez dit « Humanisme » ?

À de multiples reprises, j’ai rencontré cet étendard de l’humanisme, brandi comme argument en faveur du relativisme culturel, de la laïcité « positive», de la tolérance et de l’ouverture envers le multiculturalisme. Argument philosophique ultime, talisman qui protégerait contre la xénophobie, le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, cet humanisme-là ne résiste pourtant guère à une analyse sérieuse des positions de ceux qui l’invoquent.

Cherchons une définition de l’humanisme.

Celle du Petit Larousse ,« Position philosophique  qui met l’homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs » laisse perplexe car elle suppose qu’il y aurait des valeurs non-humaines…

L’article de Wikipédia,qui se contente de faire une synthèse des meilleures définitions, est beaucoup plus intéressant; il met l’accent sur ce qui semble l’essentiel de cette philosophie.

L’humanisme  est l’affirmation que chaque humain, quelle que soit son origine, son sexe, sa couleur de peau, sa culture initiale, a des capacités potentiellement illimitées de s’améliorer sur le plan personnel, intellectuel et moral par l’acquisition du savoir, de la connaissance scientifique, par l’exercice libre de la raison.

L’essentiel de cette philosophie est d’affirmer que l’homme, tout homme, est capable de progrès, qu’il n’est pas absolument déterminé par son environnement ou son éducation, figé dans un essentialisme qui le condamnerait à rester prisonnier de son histoire, de conditionnements et de traditions. La dignité et la valeur de tous les individus y est fondée sur leur capacité de déterminer le bien et le mal par le recours à des qualités humaines universelles, en particulier la rationalité. A cet égard l’humanisme cohabite mal avec la transcendance :

« L’humanisme rejette la validité des justifications transcendantes, comme une dépendance à l’égard de la croyance sans raison, du surnaturel, ou de textes présentés comme d’origine divine.»

Pour autant l’humanisme n’est pas nécessairement et totalement incompatible avec la religion, qui fait d’ailleurs partie des savoirs que l’individu peut acquérir dans sa quête de vérité. La religion catholique au moins, a tenté un sorte de synthèse au moment de la contre-réforme, à travers la théologie ignatienne, ( celle d’Ignace de Loyola, le fondateur des jésuites) qui s’est opposée aux doctrines jansénistes.

Leur querelle est un vieux débat qui remonte aux débuts du christianisme. La question, grosso modo est la suivante : quelle est la part de la liberté humaine et de la grâce divine dans l’oeuvre du salut ?

À cette question les protestants, mais aussi, d’une certaine manière, les jansénistes  répondront que la volonté humaine ne peut rien, que l’homme est prédestiné. Contre eux, les Jésuites développeront une vision optimiste de l’homme, estimant qu’il faut faire confiance aux oeuvres humaines. Celles-ci ne sont pas nécessairement pécheresses, diaboliques et entachées d’un péché originel dont on ne pourrait se sauver que par la contrition, l’ascèse et la mortification.

La théologie ignatienne, fait donc le pari que les constructions humaines, toutes les cultures dans leur diversité, les arts notamment, peuvent élever l’homme et lui permettre d’atteindre son salut, en rencontrant éventuellement Dieu au passage… Elles peuvent. Mais ce n’est pas non plus automatique. Les oeuvres en question supposent travail, curiosité, réflexion, critique etc. On est donc assez  près de l’humanisme tel qu’il est décrit plus haut, avec toutefois la réserve que  la transcendance divine  lui est étrangère et la religion un objet d’étude comme un autre. On comprend, en revanche,  qu’une quelconque théologie de la soumission, pire encore que celle de la prédestination, serait à des années-lumière de l’humanisme.

On le voit, on est très loin du « tout vaut tout », de l’acceptation béate de l’obscurantisme, du totalitarisme, de la magie, de l’oppression au prétexte qu’ils seraient attachés à une culture humaine, nécessairement respectable en tant que telle. L’humanisme est incompatible avec le refus de porter un jugement philosophique et critique sur un régime politique, une organisation sociale, des lois, des religions, des arts. Il est absolument incompatible avec la tolérance d’actes de barbarie, d’oppression d’être humains, d’avilissement de leur intelligence, d’abrutissement de leur conscience. Il est totalement contraire à la complaisance vis à vis d’une théologie de l’obéissance aveugle à des lois soi-disant divines…

Alors, ces humanistes-là, généralement autoproclamés, me font doucement rigoler. Ils sont comme des gens qui clameraient partout qu’au nom de la solidarité humaine il faudrait porter secours à ceux qui se noient, mais trouveraient parfaitement respectable qu’ils ne sachent pas nager, pas important –voire « ethnocentriste »– qu’ils l’apprennent, et peut-être, même, n’envisageraient pas qu’ils soient capables de le faire…  Une belle imposture, qui confond l’exigeant humanisme avec des proclamations paresseuses et convenues d’amour du prochain.

Je ne vois pas au nom de quoi je devrais obligatoirement aimer Pol Pot, Khomeïni, Gengis Khan, ou Jean-François Copé.

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snoopy86
Membre
snoopy86
27 février 2012 10 h 52 min

Copé, pas Coppé !

Des pets il en rajoute suffisamment tout seul 😆

Et vous êtes trés injuste pour Gengis Khan …

Léon
Léon
27 février 2012 10 h 58 min

C’est corrigé.

snoopy86
Membre
snoopy86
27 février 2012 10 h 59 min

Mais c’est bien vrai que ponctuer toutes déclarations en se réclamant de l’humanisme c’est devenu la zebida des couillons

C’est un peu comme scander fra-ter-ni-té en tenue hippie 😆

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
27 février 2012 13 h 47 min

Je viendrais pourtant glisser un distinguo dans l’article de Léon portant sur le slogan à la mode qui veut que tout un chacun s’en réclame : l’humanisme
Léon nous dit
.

Pour autant l’humanisme n’est pas nécessairement et totalement incompatible avec la religion,

.
Objection Léon
.
L’humanisme introduit deux failles dans la conception religieuse du monde et de la condition humaine.
Le libre exercice de la raison.
.
La raison ne peut concilier une lecture de l’univers qui serait donnée par une quelconque révélation. Ni l’observation , ni l’analyse ni l’interprétation ne peuvent cohabiter avec la Notion de vérité révélée.
La liberté ne peut se concilier avec un Dieu Souverain et Juge.
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Spinoza puis les libertins du XVIIème viendront poser les bases de l’Athéisme .
.
L’humanisme est le levier qui renversera le Vieux monde.
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C’est bien pourquoi il est curieux et fort comique de voir des Quantiques accompagnés de leurs guignols enfarinés se réclamant de l’humanisme voire de l’athéisme déclarer que toutes les religions sont respectables alors que c’est justement le Respect que les humanistes ont retiré en premier aux religions révélées.
.
.
Par ailleurs , il se trouve que les idées ont une histoire mais aussi une géographie.
Il se trouve que certaines sociétés n’ont jamais connu autre chose que l’esclavage ,d’autres autre chose que les sacrifices humains ,d’autre encore l’anthropophagie….
La plupart ont été renversées, détruites et remplacées par des sociétés libérées de ces archaïsmes.
.
Je ne peux que me réjouir que les compagnons libres d’Alexandre aient vaincu les multitudes conduites au combat à coups de fouets.Je ne peux que me réjouir que la cité romaine même dégradée et pervertie ait remplacé la société gauloise soumises à une aristocratie incapable de faire taire ses rivalités intestines.
Je ne peux enfin qu’être satisfait que la société démocratique , même contradictoire et pleine d’injustices ait vaincu celle qui ne voulait voire que des races et le culte du chef.
Aujourd’hui il serait heureux qu’une société qui ne veut voir que des soumis à Dieu et à son ordre soit renvoyée aux poubelles de l’histoire.

Léon
Léon
27 février 2012 16 h 14 min

Objection à l’objection, votre honneur : « Le libre exercice de la raison » ne condamne pas forcément la croyance religieuse, certaines choses résistent à la raison. Et on a même connu de grands scientifiques qui étaient croyants de Pascal à Einstein.. Faudrait, c’est sûr explorer le contenu de leur croyance, mais n’empêche.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
27 février 2012 19 h 11 min
Reply to  Léon

Bin alors changeons de mot
Le libre exercice de la raison
implique des étapes
– 1 : l’examen objectif indépendant de toute suggestion affective ou imposée par la force
– 2 : l’analyse = mesure comparaison classement des faits
– 3 : interprétation = élaboration d’une conclusion valide jusqu’à plus ample examen
.
Si la raison ne condamne pas la croyance disons alors qu’elle l’exclut
.
Car si une infime parcelle de croyance intervient dans le cours du processus. Il n’y a plus « raison » mais ce que tu voudras d’autre …mais pas la raison
.
C’est le rêve de la religion chrétienne après avoir tenté d’intégrer la philosophie grecque en coupant tout ce qui ne lui plaisait pas d’avoir caressé l’illusion d’intégrer le rationalisme.
Le dernier avatar de cette tentative étant l’intelligent désign
La religion depuis Galilée et sa remise en cause du Corpus écrit et se voulant définitif , est à la poursuite d’une « refrabrication » ad Hoc pour ne pas apparaître trop déconfite.
Mais dès qu’elle en a l’occasion elle retourne à ses anciennes lunes . Ne se pose pour la religion que l’éternel problème des moyens de contraintes pour les faire tenir comme exactes.
C’est ce que la fin de l’Empire Romain et les sociétés barbares lui ont offert. ➡ le sabre pour imposer le goupillon

Léon
Léon
27 février 2012 16 h 23 min

… mais d’accord pour les « poubelles de l’Histoire ».